« La nouvelle évangélisation nous intéresse ! », par Mgr de Berranger
Il faudra attendre l’avènement de Jean-Paul II pour que la « nouvelle évangélisation » devienne une expression phare de son pontificat. Utilisée d’abord par lui en Pologne en 1979, elle a suscité un vif intérêt, mais aussi un phénomène de rejet, notamment de la part de théologiens occidentaux qui crurent y voir une tentative de restauration de la chrétienté. Cette critique ne fut pas sans écho dans les épiscopats de divers continents qui se sont inquiétés de voir l’expression annexée par des « communautés nouvelles », dont le premier souci ne semblait pas d’entrer dans l’histoire et la longue patience des diocèses du monde. Notre texte, sans revenir sur cette polémique, déplace un peu l’accent en ne craignant pas d’affirmer : « Le terme ne parvient pas à se faire accueillir pleinement dans le débat ni dans l’Eglise ni dans la culture. Il reste encore des réserves à son égard, comme si, avec lui, l’intention était d’élaborer un jugement de désaveu et la suppression de plusieurs pages du passé récent de la vie des Eglises locales. Certains pensent que ‘la nouvelle évangélisation’ couvre ou cache l’intention de nouvelles actions de prosélytisme, en particulier à l’égard des autres fois chrétiennes [1]. »
Le texte cite de nombreux passages des homélies, ou de documents du magistère de Jean-Paul II, qui montrent combien le pape pèlerin sut entendre ces objections. Ce sont déjà autant de réponses aux inquiétudes manifestées. En rappelant, à la suite des Synodes continentaux, que la nouvelle évangélisation veut surtout être « une proclamation joyeuse et contagieuse de l’Evangile de Jésus Christ », à la manière dont le Ressuscité lui-même s’y prend sur le chemin d’Emmaüs, le texte appelle les baptisés conscients que « la foi ne grandit que lorsqu’on la donne » (Redemptoris Missio, 1990)… à entrer dans la dynamique proposée avec un a priori d’espérance. Le thème du « parvis des Gentils », ouvert par Benoît XVI lors de son voyage en République tchèque (2009), sollicite à nouveau l’attention des chrétiens sur les réalités vécues aujourd’hui par l’humanité dont ils partagent le sort. Ce thème ne saurait être circonscrit à des initiatives ponctuelles. Il ouvre à un dialogue amical avec quiconque nous demande de « rendre raison de l’espérance qui est en nous » (1P 3,15). Il renoue avec l’élan conciliaire tracé par l’encyclique Ecclesiam Suam de Paul VI (1964) : « L’Eglise se fait conversation ».
Pourquoi et comment nous y intérresser ?
Ce discernement ne pourra être réalisé qu’à la lu-mière des sources de la foi, comme les deux derniers Synodes romains y ont invité : l’Eucharistie et la Parole de Dieu. Que serait la préparation d’un Synode sur la nouveauté du Christ dans le monde qui ne creuserait pas ce thème devant le tabernacle et dans la lectio divina ? C’est là, et non dans la supputation sur les chances de réussite de l’événement, que nous ferons la vérité sur notre propre attitude. C’est là que nous devons dès maintenant, dans une prière confiante, aider les pères synodaux à ne pas craindre « la confrontation », comme les Lineamenta les y appellent à la fin de l’Introduction. Les communautés nouvelles, si elles sont nées de l’Esprit Saint, ne sont pas une menace pour les Eglises locales, mais une grâce. Le « charisme certain de vérité » dont parle la constitution Dei Verbum à propos des évêques unis au pape, trouve ici une occasion de s’exercer. Que ce soit, s’il le faut, à la manière franche et rude dont Paul et Pierre se sont confrontés aux origines de l’Eglise.
+ Olivier de Berranger