Contribution du groupe d’experts de la COMECE sur la conférence d’examen du Traité de non prolifération nucléaire de 2010

Dessin d'enfant pour la paix

Dans son discours aux membres du corps diplomatique du 10 janvier 2010, le Pape Benoît XVI soulignait les espoirs et les attentes de l’Église catholique à la veille de la conférence d’examen du Traité de non prolifération (TNP) prévue pour mai 2010.

Au cours de cette conférence, l’ensemble des États parties au Traité, représentant la quasitotalité de la communauté internationale, ne se contenteront pas d’examiner les moyens d’empêcher que de nouveaux États accèdent à l’arme nucléaire mais ils feront aussi le bilan des efforts de désarmement nucléaire des États détenteurs de l’arme nucléaire. Il convenait donc que le Saint Père réaffirme à cette occasion le soutien du Saint Siège au désarmement nucléaire progressif dans la perspective d’un monde sans armes nucléaires.

Les travaux de la conférence d’examen du TNP bénéficieront également de l’encouragement que constitue l’appel à un monde libéré de l’arme nucléaire lancé par le Président Obama dans le grand discours qu’il a prononcé à Prague le 5 avril 2009. Dans l’opinion publique mondiale, un mouvement favorable au désarmement nucléaire s’est parallèlement affirmé dans la période récente, notamment sous l’impulsion des initiatives prises par plusieurs hommes politiques importants pour défendre l’idée d’une élimination par étapes des armes nucléaires.

Le premier fruit de la politique de désarmement de l’actuelle administration américaine est le nouveau traité START entre la Russie et les États-Unis, signé à Prague le 8 avril 2010, un an après le discours du Président Obama, traité par lequel les deux pays réduiront chacun leurs arsenaux de têtes nucléaires stratégiques à 1550 et ramèneront le nombre de leurs lanceurs à 800. Au regard de ces évolutions récentes, les paroles de Benoît XVI doivent être comprises comme un encouragement : « tirez promptement avantage de la dynamique de désarmement. »

Depuis la chute du « rideau de fer » dans les derniers mois de 1989, la situation stratégique de l’Europe et du monde a connu une importante transformation. Jusqu’alors, pendant la période où la guerre froide sévissait, l’organisation des structures militaires était conçue non seulement pour dissuader l’adversaire d’employer des armes nucléaires mais aussi pour contrecarrer la menace réaliste d’une invasion par des forces conventionnelles supérieures. L’introduction des armes nucléaires tactiques avait pour objet d’appuyer cet objectif. L’arsenal des missiles nucléaires stratégiques visait à décourager l’ennemi et à rendre le prix qu’il devrait payer pour une invasion aussi élevé que possible.

Par contraste, la prolifération des armes nucléaires constitue aujourd’hui une des principales menaces pour la sécurité mondiale. La préservation du régime de non prolifération est donc devenue une tâche urgente pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Or ce régime impose à tous des obligations : aux États non nucléaires celle de ne pas chercher à accéder à l’arme nucléaire et aux États nucléaires, celle de mener de bonne foi des négociations en vue de l’élimination totale des armes nucléaires.

En outre, alors que la dissuasion nucléaire semble impuissante et sans utilité réelle contre la diversité des menaces nouvelles, en particulier terroristes, le maintien d’arsenaux considérables et l’existence de trafics incontrôlés de produits et de technologies nucléaires militaires font craindre l’éventualité d’attentats au moyen de « bombes sales ».

Les engagements souscrits en 1968 dans le cadre du TNP contenaient déjà la vision ultime d’un monde sans armes nucléaires. Nous ne devons pas nous laisser détourner de cette vision, même si sa réalisation représente une tâche longue et ardue. Les efforts pour atteindre ce but final doivent être entrepris à différents niveaux : en menant des négociations politiques concrètes mais aussi en procédant à un « changement de mentalité » général. Ce besoin profond de changement ne peut être limité à la Russie et aux États-Unis seulement. Même si ces deux pays possèdent 95 % des arsenaux nucléaires mondiaux, les pays de l’Union européenne doivent examiner leurs positions et prendre leurs responsabilités.

La même remarque s’applique à l’Église : au cours des dernières années les évêques catholiques des États-Unis ont établi une ligne d’action « de la dissuasion à l’abolition » C’est à présent pour les évêques européens le moment de répondre. Dans cette tâche, ils peuvent s’appuyer sur la position du Saint Siège, qui est partie au TNP depuis le début et dont la position en la matière a toujours été très claire et ferme.

La Commission des Épiscopats de la Communauté européenne (COMECE) sait qu’en politique les moments de grand espoir doivent se traduire en actions politiques concrètes pour ne pas laisser s’épuiser la dynamique ainsi créée. Elle rappellera donc brièvement ses arguments moraux en faveur d’un désarmement nucléaire complet. Puis elle formulera des propositions concrètes de position de l’Union européenne et de ses États membres pour la conférence d’examen du Traité de non prolifération, sans, même alors, perdre de vue à aucun moment l’objectif final du processus, à savoir le désarmement nucléaire complet.

En établissant le présent document de position, la COMECE s’est inspirée des nombreuses déclarations de l’Église sur la politique de dissuasion nucléaire et de désarmement (documents du Concile Vatican II, magistère des Papes, déclarations du Saint Siège et des conférences épiscopales nationales). Le travail inlassable et précis de Pax Christi pendant quarante ans mérite d’être explicitement mentionné. La COMECE est aussi reconnaissante aux autres églises chrétiennes et en particulier à la Conférence des églises européennes pour leurs réflexions importantes à ce sujet.
 

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