Jérôme Vignon : « Une certaine maturité dans la relation entre Eglise et société »

Président des Semaines sociales de France, Jérôme Vignon réagit à « Élections : un vote pour quelle société ? », déclaration des évêques de France en vue des élections de 2012. Il en souligne le point de vue « résolument tourné vers l’avenir et le long terme » et l’appel à de nouveaux modes de vie.
 

Comment recevez-vous ce texte ?

Voter aux présidentielles en vue d’un quinquennat, c’est aussi marquer le sens dans lequel on souhaite que s’engage la société à laquelle on appartient. Vu l’acuité avec laquelle ces questions de sens affleurent aujourd’hui, l’appel des Evêques est pleinement justifié.
Je suis frappé par la sérénité du ton de la déclaration qui reflète ce qui m’apparaît en France comme une certaine maturité dans la relation entre Eglise et société. A diverses reprises, la tonalité de la déclaration signale qu’elle n’est pas faite au nom des seuls Evêques, mais de ce qu’on pourrait nommer la communauté des croyants : certes d’abord les catholiques, mais sur bien des points économiques et sociaux, des chrétiens en général. Cela se ressent dans les formulations sobres, parfois extrêmement condensées se rapportant aux treize points de discernement sur lesquels l’attention est attirée, comme autant de repères pour évaluer la portée des divers programmes. La connaissance que j’ai de ces questions me conduit à penser que malgré ce caractère condensé, une juste part a été faite aux diverses sensibilités des croyants. Or ce n’est pas une mince gageure aujourd’hui que de se livrer à cet exercice, plutôt que de donner du relief aux seuls experts pointus des diverses disciplines.
Ce soin de refléter non seulement une doctrine, mais aussi l’expérience de vie des diverses communautés de croyants sur le terrain a cependant un prix d’ambiguïté que j’accepte. Le texte de la Conférence des évêques s’appuie tantôt sur des références doctrinales et scripturaires, tantôt sur un sens de ce qui devrait constituer demain une vie bonne dans une société bonne.
 

Quels points de discernement retenez-vous et pourquoi ?

Je suis sensible aux expressions qui en appellent à une conception commune de la vie sociale :
• A propos des banlieues et cités : « des initiatives doivent être prises pour aider les habitants à comprendre la société où ils se trouvent et à s’en considérer comme partie prenantes ».
• A propos de la culture : « elle permet à chaque personne d’inscrire sa destinée dans la communauté humaine avec celle des autres devant les horizons de la plus grande espérance ».
• A propos de l’Europe : « loin de réduire l’homme à n’être qu’un consommateur sans cesse insatisfait, (elle doit permettre) à ses habitants d’agir de façon responsable, avec les ressources spirituelles, morales, économiques et politiques qui sont les leurs, pour le bien de l’ensemble du monde ».
Sur quatre sujets que les politiques nomment « sujets de société », les Evêques français annoncent clairement la couleur. A propos de « vie naissante, famille, handicap, fin de vie », ils s’opposent au consensus qui semble devoir gagner une grande partie de la gauche ainsi qu’une partie notable de la droite : reconnaissance du mariage entre deux personnes du même sexe, libéralisation de l’euthanasie, élimination a priori des enfants porteurs de handicaps par un dépistage prénatal. Je fais partie des laïcs catholiques qui pensent que sur ces points les évêques ont raison. Je reconnais dans cette opposition entre le message religieux et le consensus de l’individualisme démocratique, un affrontement inévitable si bien analysé par le philosophe chrétien Charles Taylor : les religions proposent à l’horizon des sociétés démocratiques une vision du lien social beaucoup plus ambitieuse, mais aussi plus cohérente et durable que celle qui résulte du consensus qui entérine l’évolution des mœurs.
 

Comment les Semaines sociales de France participent-elles aussi à la préparation des élections de 2012 ?

Ce à quoi les Semaines sociales de France s’efforcent de contribuer, à l’aide de diverses commissions, antennes et réseaux d’expérience sur lesquels on peut s’appuyer, c’est de montrer la cohérence, la continuité entre les positions sociales de l’Eglise- en faveur de la protection des faibles, de la durabilité des liens de la solidarité- et les exigences majeures du respect de la dignité humaine. Autrement dit, on ne devrait pas séparer les quatre points de vigilance sociétale et les neuf points de vigilance sociale ou politique qui constituent les éléments de discernement de la déclaration. La loi d’ailleurs, ne réglera jamais définitivement ces questions qui demeureront toujours ouvertes. Il est donc essentiel qu’une « voie spirituelle » montre qu’un autre chemin est possible, qu’il offre une issue qui apaise les cœurs en profondeur : c’est cela qu’il faudra absolument préserver et vivre, au-delà des slogans que comportent les programmes des candidats à la présidentielle.
 

semaines_sociales_2011

Session 2011 : « La démocratie, une idée neuve »

Du 25 au 27 novembre 2011 au Parc Floral de Paris
3 jours de conférence, tables rondes, débats et rencontres.
 

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