En Vendée, une maison où partager la vie et l’Évangile

la roche cuisiniers 1À la Roche-sur-Yon, un couple de laïcs a initié une vie inédite de fraternité, de service et de prière avec des personnes aux existences bousculées. Au sein de la petite communauté Sainte-Claire, Jacques et Elisabeth Bailly-Avrit accueillent deux co-locataires et des hôtes en permanence dans une maison aménagée par le diocèse de Luçon. Par Chantal Joly

À l’extérieur, le 42 boulevard Briand ressemble à n’importe quel bâtiment. La maison est divisée en deux parties : l’étage occupé par le couple Bailly-Avrit (et leurs filles lorsqu’elles sont de passage), le rez-de-chaussée dédié à la vie communautaire avec cuisine et salle à manger-salon où sont affichés des portraits des membres de la communauté et un panneau des « 7 couleurs du 42 » (l’engagement, le respect, le soutien mutuel, la paix, la beauté, l’ouverture, la simplicité). Au bout du jardin deux studios de 15m2 où habitent Chantal et Séverine, et un oratoire. La vie s’organise selon cette double dynamique : côté rue le bruit des voitures, l’ouverture sur la ville. Côté jardin, le chant des oiseaux et un recul sécurisant pour les hôtes des lieux.

Ce lundi après-midi, le monde a pourtant rendez-vous au 42. C’est l’heure de la revue de presse. Sylvain a rejoint Jacques, Chantal et Séverine. Chacun lit scrupuleusement le quotidien régional, découpe les articles qui lui plaisent, explique son choix aux autres avant que le petit groupe les affiche sur un panneau selon trois critères : international, régional, local. « C’est un stimulant pour s’encourager à lire la presse régulièrement et nous choisissons délibérément de ne pas retenir les faits-divers mais plutôt les nouvelles positives », commente Chantal.

Une maison ouverte au quartier et à la paroisse

Ce souci d’ouverture et ce regard d’espérance résument bien la philosophie de la maison. Car le 42 reçoit une quantité d’amis de milieux très divers et, en même temps, rayonne à l’extérieur. La communauté est en lien avec la paroisse, participe à la vie du quartier, à des sessions théologiques, organise quantité de sorties, randonnées, vacances, et même des « visitations » (visites à des amis isolés ou malades). Cette fin de journée, Chantal, très tentée par du bénévolat dans un EPHAD, a ainsi reçu dans son studio Nicole afin qu’elle lui parle de ses activités. Quant à Séverine, elle part aider un groupe de jeunes à animer une soirée autour de chants de Taizé.  De leur côté Michaël et Martine sont venus partager la soupe et un bout de veillée. Mickaël, qui milite à l’ACO (Action Catholique Ouvrière), a trouvé au 42 un soutien bienvenu. En attendant de quitter sa maman pour s’installer dans un studio, il vient régulièrement y passer ses week-ends. Martine, membre de Fondacio, qui témoigne « porter elle aussi une recherche communautaire » a pris au mot le « Venez et voyez » après avoir entendu un témoignage. Quant à Marie-Jo, une autre amie militante à Artisans du Monde, une fois par mois, elle anime l’activité cuisine lorsqu’Elisabeth assure le service des funérailles à la paroisse.

Si le 42 est un peu la Maison du Bon Dieu, l’accueil y reste très planifié : atelier création tel jour, veillées (contes, musique ou beaux textes) ouvertes aux amis, voisins et personnes de la paroisse le mardi, assemblée communautaire le samedi soir, etc. « On vient ici pour faire des choses ensemble, dans la durée et avec d’autres », précise Elisabeth.

La prière, source vivifiante de la communauté

Ce soir, ils sont cinq à composer le cercle de prière. « Seigneur, nous te confions ceux de la communauté et du groupe d’accompagnement. Donne leur ta force, ta lumière », demande Elisabeth. « Seigneur nous te confions ceux qui sont dans les hôpitaux et les maisons de retraite ainsi que le personnel », ajoute Chantal. « J’aime beaucoup cette prière du soir, elle apaise, fait l’unité entre nous quatre et permet de nous resituer », commente Jacques.

Le lendemain matin, à l’oratoire, la maisonnée est au complet. Séverine rend grâce à Dieu pour la veillée Taizé « avec des chants qu’on intériorise bien », Chantal remercie pour la joyeuse séquence jeux de société de la veille en ajoutant qu’ « il faudra recommencer » et Jacques pour l’assemblée générale de février 2017 avec 41 présents (un record !).  Cette prière quotidienne ainsi que celle avec le groupe élargi du samedi soir, sont vraiment la sève de la communauté. « On voit vraiment que les Psaumes avec ses formules telles que « Mon Dieu, viens vite à mon secours ! », « En toi, Seigneur, j’ai mon refuge : garde-moi d’être humiliée pour toujours » ou « Je t’exalte, Seigneur : tu m’as relevé », qui sont des cris couvrant tout le spectre de l’âme humaine, parlent à ceux qui souffrent. Le christianisme est la religion du frère. A travers elle Dieu est présent et redit tout son amour  », commente Jacques.

Frères et sœurs dans la foi 

Mardi matin, pendant que Séverine est partie à son groupe de conversation au CMP (Centre Médico-Psychologique). Lionel et Michel, malgré leurs maux de dos, sont courageusement aux pluches et aux fourneaux aux côtés de Chantal et d’Elisabeth. Au menu de l’atelier cuisine : salade de choux au curry, hachis parmentier et sa salade, épinards aux œufs et flans cookies. En tout une quinzaine de parts dont six sont réparties dans des barquettes emportées par les cuisiniers du jour ou distribuées à d’autres amis. Au moment de la pause on se partage les nouvelles arrivées avec le courrier d’un groupe de Saintes qui avait rendu visite à la communauté de La Roche en mars 2016. Puis la petite assemblée décide démocratiquement du menu de la séance suivante et règle son écot (augmenté d’1 euro pour financer une sortie en fin d’année). Ghislaine passe dire bonjour. Jeune retraitée, elle participe à certains ateliers appréciant l’ambiance fraternelle et «  ce lieu , dit-elle, on apprend à connaître les gens en profondeur ».

Aujourd’hui les membres de la maisonnée déjeunent séparément, Elisabeth et Jacques dans leur appartement, Chantal et Séverine dans leurs studios, rapidement pour Chantal qui doit participer vers 14h à un atelier bois au CMP. « Il y a un équilibre à trouver sans cesse entre activités et respect du rythme des personnes », explique Jacques. D’autant plus, tiennent à rappeler Séverine et Chantal, que leurs traitements les fatiguent beaucoup. Quant aux relations du quatuor, Jacques, 65 ans, et Elisabeth, 61 ans, déclarent : « On essaie d’être dans la parité au quotidien, ni éducateurs, ni psychologues ». Ils se veulent simplement « des aînés, des frères et sœurs dans la foi ».

Une communauté soutenue par le diocèse

C’est en 2006, dans la ligne des orientations du Synode diocésain et de la dynamique Diaconia que Mgr Santier et Castet, évêques de Luçon, ont rendu possible l’appel  du couple Bailly-Avrit. Jacques -qui avait renoué avec la foi lors d’une session Cana- et Elisabeth  percutée par le Renouveau charismatique et Taizé- désiraient ouvrir leur vie de famille à des personnes en fragilité, en proposant l’Evangile comme chemin de bonheur. Fondée en 1992 à La Roche sur Yon (85), la petite communauté chrétienne a été accueillie jusqu’en 1997 par un monastère de Clarisses (d’où son nom) puis par les Sœurs des Sacrés-Cœurs de Mormaison qui ont longtemps assuré des mardis Bible. Au début ses membres se voyaient pour prier, partager un repas, se soutenir, vivre des temps forts. Lorsque la maison du 42 a été donnée en legs, le diocèse a fait des travaux, construit deux studios et cédé les bâtiments en location afin que se déploie cette « communauté de liens »  qui rassemble maintenant une vingtaine de membres et une trentaine d’amis.  Chaque membre de la communauté reçoit une lettre de mission.

Un livre vient de paraître aux Editions Franciscaines pour raconter cette belle expérience : “La joie de la fraternité est pour tous”. Par Elisabeth et Jacques Bailly-Avrit et la théologienne Gwennola Rimbaut.

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