Homélie pour le dimanche 20 juillet 2014

Références bibliques :

Livre de la Sagesse : 12. 13 à 19 : « Tu as pénétré tes fils d’une belle espérance. A ceux qui ont péché, tu accordes le pardon. »
Psaume 85 :  » Toi qui es bon et qui pardonnes, plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent. »
Lettre de saint Paul aux Romains : 8. 26 et 27 : « L’Esprit-Saint vient au secours de notre faiblesse. »
Evangile selon saint Matthieu. 13. 24 à 43 : »De peur qu’en arrachant l’ivraie, vous n’arrachiez le blé en même temps. »

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La patience de Dieu est celle-là même qui vient de l’Amour.

MALGRE LE MAL.

Le problème du mal est sans doute la plus grande objection que l’homme élève contre Dieu. Nous le savons au travers du Livre de Job. Chacun de nous, un jour ou l’autre, souffre dans sa chair par la maladie, dans son coeur par des blessures d’amour, dans sa conscience par la morsure du péché, dans sa famille, son travail et dans le monde entier par la difficulté des relations humaines.

Enfin la mort, pour tous, est le moment le plus douloureux quand un être aimé disparaît de notre vie. Cette fracture inéluctable et universelle est vécue comme une souffrance pour ceux qui restent, même si, dans la foi, nous savons que toute vie n’est que la préface que nous écrivons avant d’écrire le Grand livre de la vie éternelle.

Pourquoi y a-t-il tant de mal dans le monde ? Pourquoi l’arrivée du Royaume de Dieu n’a-t-elle pas balayé d’un seul coup toute souffrance et tout péché hors de ce monde ? Alors beaucoup vont jusqu’à dire : »S »il y avait un Dieu bon, tout cela n’existerait pas. »

Une réponse nous est donnée dans les paraboles de ce dimanche : l’ivraie, la graine de moutarde, le levain.

Le monde est le théâtre de deux semailles opposées : le Christ y sème le bon grain en vue de la moisson future. Un ennemi, qui peut prendre des visages différents selon les temps, y sème l’ivraie en vue de compromettre la moisson. Mais la moisson aura lieu, dit le maître avec un bel optimisme, certain des réjouissances futures des moissonneurs. L’Amour de Dieu sera vainqueur de tout mal « au jour final de la moisson, quand le Fils de l’Homme enlèvera de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres et qui commettent le mal. »

DEUX REPONSES DE JESUS.

La première réponse que Jésus offre à notre foi, porte sur l’origine du mal. Le mal ne vient pas de Dieu, qui n’a semé que du bon grain dans le jardin d’Eden, mot hébreu qui signifie : »lieu de délices » ou « paradis » (Genèse 2.8). Personne ne serait assez fou pour semer du chiendent ou des chardons dans son jardin. Comment Dieu, suprêmement intelligent et bon, aurait-il pu semer du mal et de la souffrance dans son chef d’oeuvre, l’homme et la femme ?

Tout est bon dans la Création chante comme un refrain le livre de la Genèse « Et Dieu vit que cela était bon … très bon. »

La deuxième réponse est dans la dignité même de l’homme et de la femme. Si le mal ne vient pas de Dieu, il ne vient pas non plus du coeur de l’homme, ni même de sa nature humaine profonde. Il vient de celui que Jésus appelle « l’Ennemi ».

Il y a deux semeurs : l’un sème en plein jour et en toute clarté ce qui est bon, l’autre survient « de nuit pendant que les gens dorment » pour semer le mal. C’est une expérience que nous connaissons bien, même en nous, où le péché s’infiltre sournoisement en profitant de nos moments d’inconscience. Souvent nous ne le reconnaissons qu’après coup.

Paradoxalement, la doctrine du « péché originel » (Genèse 3) réhabilite notre dignité. Le pécheur est d’abord « victime ». Le péché, le mal, la souffrance viennent de plus loin, du « Mauvais » par cette hérédité qui a marqué le comportement de notre nature humaine.

LA PEDAGOGIE DIVINE

« Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson « , car la moisson se fera. Personne n’est tout bon ni tout mauvais. Même chez ceux dont la vie nous paraît n’être qu’un champ d’ivraie, Dieu nous demande de découvrir le blé qui peut y pousser et qu’il veut engranger dans son grenier.

Reste aussi à calmer notre impatience et à laisser le semeur lui-même opérer le tri que nous prétendons faire, avant l’heure et à sa place, selon nos propres jugements et nos propres décisions. « Ne jugez pas », nous a souvent répété Jésus.

Cette consigne de « laisser pousser ensemble le blé et l’ivraie » peut nous sembler choquante. C’est pourtant la troisième et merveilleuse réponse de Jésus sur le problème du mal.

Dans nos propres vies et dans le monde, il y a un mélange de bon et de mauvais, de douceur et de violence, d’amour et de non-amour, de solidarités admirables et d’individualisme détestable. Péché et grâce sont inextricablement mêlés en nos coeurs. « Je ne fais pas le bien que je voudrais faire, avoue saint Paul, je commets le mal que je ne voudrais pas faire. (Romains 7. 19)

Au jour de la moisson finale, le mal aura été détruit et il n’y aura plus que l’amour, celui de Dieu qui accepte l’imperfection de notre amour. Pour Jésus, la victoire de Dieu sur le mal ne fait pas de doute. A la fin, l’ivraie n’arrivera pas à étouffer le bon grain.

Il nous faut donc croire à la miséricordieuse patience de Dieu, comme le dit la première lecture de ce dimanche : »Tu as donné, Seigneur, à tes enfants, la douce espérance qu’après notre péché, tu nous laisses le temps de la conversion. » (Sagesse 12. 19) L’histoire est remplie de grands pécheurs qui sont devenus des saints.

Jésus va jusqu’à nous conseiller de ne pas prendre le risque d’arracher ce qui est bon, en extirpant trop tôt et avec violence, ce qui est mauvais. Dieu accepte de nous supporter imparfaits, acceptons-le de nous-mêmes et de tous ceux qui vivent avec nous, acceptons-les autrement que nous le souhaiterions. Les accepter jusqu’à l’ivraie dans la patience, difficile certes mais qui doit imiter la grande patience de Dieu envers nous.

PEU DE CHOSES, BEAUCOUP D’AMOUR

Il y a une disproportion immense entre ce qui se vit en tout homme, et la grâce de Dieu qu’il reçoit. Le sénevé est la plus petite de toutes les graines et devient un arbre où les oiseaux peuvent y faire leurs nids. La minuscule pincée de levure dans les quarante kilos de farine fait lever toute la pâte.

C’est ainsi en nous-mêmes. C’est ainsi dans notre travail d’évangélisation. Le Royaume de Dieu semble dépourvu de tous les moyens qui assurent le succès du « marketing » des entreprises humaines. Jésus ne se faisait pas d’illusion sur la diffusion immédiate de son message. « Mon Royaume n’est pas de ce monde. » (Jean 18. 37) Mais il voyait plus loin, jusqu’à la fin des temps, quand Dieu sera tout en tous.

L’action de Dieu part de petits commencements pour réaliser de grandes choses. Malgré le mal qui prolifère mêlé au bien, malgré la petitesse de nos résultats aujourd’hui, nous croyons à l’Amour de Dieu. « Que ton règne vienne ! » Il est en train de grandir. C’est la vraie réponse au problème du mal.

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« Dieu très bon, reste auprès de ton peuple, car sans toi notre vie tombe en ruine. Fais passer à une vie nouvelle ceux que tu as initiés aux sacrements de ton Royaume. » (prière après la communion)

année liturgique B