Homélie pour le dimanche 22 juin 2014

Le Saint sacrement du corps et du sang du Christ

Références bibliques :

Lecture du livre du Deutéronome : 8 – 2 à 16 : « L’homme vit de la Parole qui vient de Dieu. »
Psaume 147 : « Il a envoyé sa Parole sur la terre. »
Lecture de la lettre de saint Paul : 1 Cor. 10-16 et 17 :  » Nous sommes un seul pain avec Lui.
Évangile selon saint Jean : 6- 51 à 58 : « Celui qui me mangera, vivra par moi. »

***

« Comme dimanche dernier, la fête du Sacrement du Corps et du Sang du Christ n’est pas une fête de dévotion. C’est une confession de notre foi dont l’énoncé, d’ailleurs, ne se trouve pas dans le « Credo ».

Les prières et les chants de la liturgie actuelle ont pour auteur saint Thomas d’Aquin. Cet office est l’expression d’un amour intime et enthousiaste, un chef d’oeuvre de doctrine théologique, un exemple de goût littéraire sobre et d’une densité toute particulière.

C’est également un témoignage. Par humble attachement à la tradition liturgique, saint Thomas d’Aquin a employé, pour cette création, une partie des antiennes et des répons déjà en usage dans quelques-unes des Eglises particulières. Il voulait ainsi rassembler la diversité de ces richesses dans cette unique liturgie.

QUELQUES ETAPES SIGNIFICATIVES

Dans les premiers siècles, il n’y avait aucune célébration particulière pour l’Eucharistie. Elle était solennisée durant la « Grande Semaine », au jour du Jeudi-Saint qui connaissait trois messes : l’une pour la réconciliation des pénitents, une autre pour la consécration des Saintes Huiles et la troisième « In coena Domini », la Cène du Seigneur.

Avec le temps, les rites de la réconciliation et ceux des Saintes Huiles se compénétrèrent en une seule messe matinale et la commémoration de la Cène se reporta au soir. Puis la messe du Jeudi-Saint, comme l’on disait couramment il y a encore quelques années, fut célébrée le jeudi matin. Vatican II est revenu à l’antique tradition du « Repas du Seigneur » sans pour autant réduire le sens du sacrifice.

Le Moyen Age connut des doctrines qui, sans mettre en cause la « Présence réelle » du Seigneur, en discutaient, parfois d’une manière hérétique, les modalités, en particulier la doctrine théologique de Bérenger (998-1088), archidiacre d’Angers. Devant leur extension, la piété populaire réagit pour souligner la présence réelle et permanente du Seigneur.

Elle n’est pas limitée dans le temps où s’accomplit le rite liturgique. Elle n’est pas une simple souvenance. Le Christ lui-même, le Christ ressuscité, se rend présent en ce mystère, par une transformation « réelle » du pain et du vin dont la réalité d’être du pain et du vin n’est pas détruite. Saint Paul (1 Corinthiens 11. 27 et 29) nous demande de savoir discerner le fait que la réalité divine du Seigneur ne détruit pas la réalité humaine du Christ.

Naquirent alors, à partir du 11ème siècle, les processions eucharistiques dites de la « Fête-Dieu », les « saluts du Saint-Sacrement » et les expositions publiques de l’Hostie consacrée qui voulaient souligner la présence réelle et permanente. C’est ainsi que l’Eglise demanda à saint Thomas d’Aquin, le théologien dominicain de l’Université de Paris de rédiger les textes liturgiques de cette fête, instituée par le pape Urbain IV en 1264.

LES INSISTANCES LITURGIQUES

Dans le cycle liturgique de cette année, les trois lectures et le psaume orientent la méditation du fidèle vers la dimension « communionnelle » de l’Eucharistie, sans supprimer les autres dimensions de ce mystère : fraction du pain, repas communautaire, présence réelle, sacrifice. Ces dimensions sont reprises dans les deux autres années du cycle liturgique. Hormis les lectures de la Parole de Dieu, les textes de saint Thomas d’Aquin sont les mêmes chaque année et nous font ainsi pénétrer au cœur du mystère.

Ce qui est souligné cette année, c’est que l’Eucharistie nous unit à la personne même du Christ dans sa plénitude grâce à la communion de son être lui-même : indissociable en sa totale divinité et sa totale humanité.

Par elle-même, la mort du Christ n’est pas seulement rédemptrice. Par son offrande, elle est notre participationà lui-même, elle nous divinise parce qu’elle « nous unit à la divinité de celui qui a pris notre humanité  » selon ce te texte que l’on rappelle discrètement, trop discrètement, lors de l’offertoire. »

Et cette unité elle n’est pas pour quelques fidèles, ceux de la messe, elle est pour tous les hommes, elle signifie toute la richesse que Dieu nous offre et qu’exprime cet humble geste de la goutte d’eau.

« De même que le Christ ressuscité est présent, bien que nos yeux ne voient que du pain, de même toute l’Eglise est concernée par l’eucharistie, même si nous ne sommes que quelques-uns. L’Eglise catholique toute entière, celle du temps présent et celle de tous les temps, dans une communion des « saints » qui dépasse toute frontière. » (Jacques Perrier) Car l’Eucharistie insère tous les hommes dans l’attente et la réalisation de la vie divine, à travers les siècles et pour toujours.

Ceux qui participent à l’Eucharistie, sont unis au Christ, présent par le prêtre, qui offre à Dieu l’acte sauveur par excellence, la Croix et la Résurrection. Il les associe eux-mêmes, il y associe la « multitude » pour laquelle le sang de l’Alliance a été versé.

***

C’est ainsi que, depuis le soir du Jeudi-Saint, depuis le Calvaire et depuis la Résurrection, chaque célébration eucharistique est significative et signifiante de la présence permanente, réelle et agissante du Christ mort et ressuscité.

Saint Thomas le dit dans la séquence qui précède l’alléluià comme dans les oraisons de ce jour, selon sa concision merveilleuse et plein de richesse, car ce docteur et ce mystique était un poète.

Mais il est à noter que, contrairement à la tradition liturgique qui adresse toute prière au Père, par Jésus, ton fils bien-aimé, il s’adresse directement au Christ, au Fils de Dieu venu parmi les hommes pour les ouvrir à la vie éternelle qui est la sienne.

Reprenons les oraisons de ce jour. « Donne-nous de vénérer d’un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang que nous puissions recueillir, sans cesse, le fruit de ta rédemption. »

“Fais que nous possédions dès maintenant, Seigneur Jésus, la jouissance éternelle de ta divinité, car nous en avons déjà ici-bas l’avant-goût lorsque nous recevons ton corps et ton sang.” (Prière de la communion)

 

 

année liturgique B