Aumôniers de prisons interdits d’accès, pas inactifs !

pere_jean-francois_penhouet_largeurAlors que les mesures de confinement s’intensifient pour faire face à la pandémie, les aumôniers de prisons s’organisent pour continuer à accompagner les personnes incarcérées.
Journal de bord du père Jean-François Penhouët, aumônier national des prisons.

 

 

 

Le 21 avril 2020

Aumôniers confinés et actifs

La mission essentielle des aumôniers, leur cœur de métier en quelque sorte, c’est la  rencontre. Rencontre qui se décline de plusieurs façons : rencontre individuelle, en cellule ou en salle d’audience ; rencontre collective, en groupe biblique, de parole, de chant…pour les animateurs de groupe ; rencontres si importantes pour les célébrations dominicales (Eucharisties ou célébrations de la Parole). Les interactions sont nombreuses donc : entre les personnes détenues et nous ; entre nous aumôniers ; entre les détenus eux-mêmes. Et nos activités font se mêler catholiques et autres chrétiens, croyants de plusieurs traditions et non croyants. C’est l’Aéropage ! Si certains peuvent le considérer comme un danger, nous le regardons comme une chance pour l’Evangile !

Alors, il est évident que le confinement nous impacte douloureusement, nous aumôniers, mais plus encore les personnes détenues. Nous sommes avec leurs familles, les intervenants extérieurs (enseignants, animateurs culturels, militants associatifs) des « fenêtres ouvertes sur l’extérieur » comme ils nous le disent souvent. Voici que ces fenêtres se sont fermées depuis 5 semaines ! Imaginez-vous vivre dans 9 m2,  22Hoo par jour, porte close, sans contact ? Imaginez la tension vécue par le personnel de surveillance, toujours dans la vigilance, ne sachant ce qui va se passer quand il ouvre une porte close sur quelqu’un qui est peut-être bipolaire, schizophrène…, de toute façon en souffrance, très souvent en rébellion !

A peu près partout maintenant, le courrier circule entre les aumôniers et les personnes détenues. Nous nous en réjouissons. Un numéro vert national gratuit par aumônerie est en train de se mettre en place, avec l’aide précieuse des services Informatique et Communication de la Conférence des évêques de France. Avec de nombreuses difficultés. Car les contraintes de sécurité doivent être prises en compte par les opérateurs. Les personnes détenues n’auront pas accès à « leur » aumônier, mais à un aumônier de leur culte. Ce n’est pas l’idéal ! Mais c’est une petite fenêtre qui s’ouvre !

Nous devons aussi dire publiquement et faire savoir que l’Aumônerie Catholique des prisons a reçu beaucoup d’offres de service de personnes ou de groupes organisés, offrant majoritairement une volonté de manifester une présence amicale aux personnes incarcérées. Les règlements nous interdisent de communiquer à l’extérieur les noms de ceux que nous rencontrons à l’intérieur. Mais ces gestes nous touchent ! Les grands médias catholiques, journaux, radios, TV ont aussi proposé leurs services. On peut se réjouir aussi de la proposition d’aide financière venue pour la mise en place du numéro vert.

Il faudrait aussi témoigner des échanges spirituels vécus par les moyens de communication modernes entre les membres d’aumônerie locale, entre les responsables régionaux et le national. Nous sommes confinés, mais quand même bien reliés !

Le 21 mars 2020

Nous sommes aux premiers jours du confinement et déjà, çà et là, existent des mouvements divers : refus de réintégrer les cellules à l’issue de promenade, voire tentative de mutineries, plus ou moins échafaudées à partir des réseaux sociaux. Privés nous-mêmes de la liberté de nous mouvoir, de rencontrer physiquement nos proches, nous pouvons mieux réaliser la souffrance de ceux qui vivent à deux dans 9 m2 et qui se retrouvent sans possibilité de parloir avec leur famille. L’Administration Pénitentiaire a facilité l’accès au téléphone, à la TV et aux cantines par un pécule dédié attribué spécialement pendant cette période.

Nous imaginons aussi l’angoisse des personnels de surveillance et de soins contraints de travailler au contact physique sans protection le plus souvent. Beaucoup de jeunes surveillants viennent de prendre leur premier poste après leur formation à l’ENAP.

Aumôniers interdits d’accès, pas inactifs

Nous, aumôniers, partenaires de l’Administration Pénitentiaire, sommes interdits d’accès comme les autres intervenants. Ce qui n’est pas sans question ! Comme le disait un confrère orthodoxe, si les soignants sont autorisés à rentrer, ne pourrions-nous pas nous considérer comme des « médecins des âmes » ? Cette interdiction ne nous laisse pas inactifs, tant au niveau national que régional ou local. Les contacts avec l’Administration Pénitentiaire se font à tous ces échelons. Mais les réponses aux questions posées se font attendre parfois longuement. On note des initiatives locales surtout pour que le courrier venant des personnes détenues puisse être acheminé vers les aumôniers. A charge pour ceux-ci de répondre ! Nous restons sur notre faim quand même pour les personnes extrêmement vulnérables : l’Administration ne pourrait-elle envisager qu’un aumônier puisse rentrer et par un canal de téléphone interne s’entretenir avec elles, voire les rencontrer dans une salle spécialement aménagée (hygiaphone ?)

L’Aumônerie adhère à un réseau d’associations intervenant en prison, le GNCP (Groupe National de Concertation Prison) dont est membre Le Secours Catholique. Plusieurs de ces associations se sont lancées dans un plaidoyer en différents domaines : arrêter les comparutions immédiates grandes pourvoyeuses d’incarcération ; revoir les conditions d’aménagement de peines ou améliorer les dispositifs de fin de peine. Tout ceci dans le but de désengorger les prisons : la surpopulation engendre mal-être, violence et promiscuité qui favorise la diffusion du virus.

Communiquer

Tout être humain pour vivre a besoin d’être en relation. Beaucoup de propositions sont faites, venant souvent de chrétiens, pour envoyer des messages aux personnes détenues. L’idée est généreuse. Mais pour le moment, elle se heurte à la difficulté de la transmission aux détenus de ces messages. Le règlement est très clair : seul un aumônier peut correspondre confidentiellement avec une personne de son établissement. Et comment distribuer de multiples messages anonymes non adressés ?

Les médias catholiques (journaux, TV, radios) ne sont pas en reste. Tous ont proposé de chercher avec l’Aumônerie comment ils pouvaient participer à lutter contre cet isolement renforcé. Les moyens sont ténus. Radio Notre Dame, Radio Vatican langue française m’ont interviewé et proposent d’ouvrir leurs ondes. Mais les postes de radio sont peu nombreux en détention ! Le Jour du Seigneur attend de mieux connaître ce qu’il lui sera possible de réaliser comme émissions le dimanche matin.

Bref, nous sommes dans l’incertitude et l’attente, mais non inactifs. Nous imaginons les risques de violence et de suicide à l’intérieur. Nous maintenons tous les contacts possibles. Nous nous joignons à la prière de toute l’Eglise qui est dispersée, mais unie dans la foi malgré tout, cette Église dont une partie est derrière les barreaux.

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