Mgr Gemayel : « Je découvre comment devenir évêque »

Premier évêque de l’éparchie de Notre-Dame du Liban de Paris des Maronites, érigée par le pape Benoît XVI le 21 juillet 2012, Mgr Maroun Nasser Gemayel est aussi Visiteur apostolique des Maronites pour l’Europe septentrionale et occidentale. Sa consécration épiscopale a eu lieu le 30 septembre à Paris. A l’occasion de l’Assemblée plénière des évêques de France (3-8 novembre 2012), il partage ses projets pour ce diocèse en devenir.
 

Quelles sont vos premières impressions de l’Assemblée plénière ?

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C’est mon 4ème pèlerinage à Lourdes mais cette fois en tant qu’évêque. Je me suis renseigné pour savoir où se tenaient les précédentes Assemblées plénières : on m’a dit, qu’à l’exception de deux ou trois fois, ça s’était toujours passé ici. C’est très bien organisé et à côté de la Vierge, c’est l’idéal, bien qu’il fasse quand même un peu frais à l’extérieur. L’Assemblée plénière me rappelle, en effet, le Synode patriarcal maronite auquel j’ai participé. C’est pratiquement la même organisation, avec du travail en petits groupes et des interventions publiques. Mais comme c’est ma première fois, il faut bien que j’observe ce qui se passe et que je fasse la connaissance à fond de l’Eglise en France. Je la connaissais déjà un peu, étant donné que j’avais fait mes études ici, pendant 8 ans, entre Lyon et Paris. Mais le monde change vite ! De nouveaux sujets de préoccupation émergent. J’ai tendance à toujours faire des comparaisons entre l’Eglise en France et celle du Moyen Orient. Quant à nous, on a d’autres problèmes, d’autres réactions… Ce n’est pas tout à fait pareil, mais ce sont toujours des problèmes d’Eglise, Eglise qui doit s’occuper de ses fidèles. Je viens d’un pays en guerre. Il s’agit de voir comment notre Eglise aborde ces sujets et comment on les traite ici au niveau social, économique, politique, religieux, spirituel… Sur le « mariage pour tous » par exemple, les évêques ont le courage et le devoir de dire à haute voix ce qui se murmure ailleurs à voix basse ou en cachette. Ce qui me plaît, c’est qu’on peut dire en France ouvertement les choses telles qu’elles sont. Même si c’est un pays laïc à 100%, il y a toute une culture chrétienne bien ancrée.
 

Quels sont vos projets pour votre diocèse ?

Je ne voudrais pas que mon peuple disparaisse, en se dissolvant dans la culture européenne en général, française en l’occurrence. Avec les mariages mixtes, on a tendance à oublier et nos origines, et nos racines, et la langue arabe et syriaque. Dans deux ou trois générations, il n’y aurait plus d’appartenance à l’Eglise maronite orientale antiochienne. Pour y remédier, je me suis dit que, puisque l’Eglise, depuis longtemps, a été « mère et maîtresse », par la foi et par l’enseignement, elle a toujours la charge de ses fidèles et de les garder pédagogiquement, culturellement et spirituellement. Le projet serait donc de créer des écoles. Surtout qu’en France, on a le droit de le faire. Au Liban, notre Eglise a pris en main l’éducation du peuple dès le XVIIIème siècle, en instituant l’école gratuite pour tous. Puis au XIXème, les missionnaires ont assuré l’enseignement dans chaque village, en français s’il-vous-plaît ! Je souhaiterais que là où nous avons des paroisses – Paris, Lyon, Marseille-, il y ait, à côté de chacune, au moins une école primaire, quitte à avoir une école secondaire à Paris qui soit, à la manière des écoles du Liban, une école trilingue – si possible – pour accueillir les Libanais de toutes confessions et les Français qui seraient intéressés. Le but est de pouvoir garder un lien intense pour nos fidèles, en France et en Europe, avec notre Eglise mère et avec la culture moyen-orientale libanaise. Ici à Lourdes, j’ai revu quelques évêques, anciens copains d’université, connus à Lyon. Nous avons en commun une partie de notre formation académique. J’en profite pour tisser des relations avec les autres évêques car je serai amené à rentre visite aux diocèses où il y a des Maronites. Il faudra trouver des églises pour nos fidèles. J’aimerais aussi rassembler les registres – je suis historien – pour créer une mémoire à cette Eglise. Le tout dans une bonne collaboration avec l’Eglise en France.
 

Vous êtes aussi Visiteur apostolique des Maronites pour l’Europe septentrionale et occidentale ?

Je suis Visiteur apostolique pour 15 pays d’Europe. Pour préparer mes voyages, je fais appel aux prêtres qui exercent dans ces pays. J’organise une réunion le 14 décembre prochain à Paris, pour une meilleure connaissance et pour voir leur disponibilité à collaborer avec pour la nouvelle éparchie et savoir si certains peuvent être incardinés dans les diocèses de France et d’Europe.
 

Quel regard portez-vous sur votre ministère épiscopal ?

J’ai dû quitter l’enseignement à la faculté et mes responsabilités paroissiales. C’est une autre vie et à présent, un autre engagement. Aujourd’hui, je découvre comment devenir évêque. C’est une nouvelle mission. Je suis disposé à faire de mon mieux pour fédérer les Maronites et servir ce troupeau, les mener vers le Christ Sauveur.
 

Retour sur le voyage du pape Benoît XVI au Liban

A la suite du pape Jean-Paul II, qui avait qualifié le Liban de « pays message » en 1997, Benoît XVI s’est rendu au Liban pour remettre l’exhortation apostolique post-synodale (14-16 septembre 2012). Comment protéger les 15 millions de chrétiens du Proche et du Moyen Orient ? A cette question, le texte répond : « Sauvegarde des différences, reconnaissance de l’autre, vivre ensemble, liberté religieuse » résume Mgr Gemayel. Le Pape a invité chrétiens et musulmans à tisser une alliance car il y va de leur intérêt vital. « Benoît XVI a lancé un appel aux responsables religieux de la région et rappelé que la paix est l’horizon de toutes les religions. Le fondamentalisme, lui, est une menace pour la paix ».

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