Histoire du mouvement oecuménique (2)

Les acquis du mouvement œcuménique au XXe siècle

Après l’enthousiasme suscité par l’entrée de l’Eglise catholique dans le mouvement oecuménique au Concile Vatican II (décret Unitatis redintegratio, en 1964), on a rapidement parlé de « stagnation ». D’abord parce que l’Eglise catholique renonça à entrer dans le Conseil oecuménique des Eglises, puis parce que les résultats des premiers dialogues, notamment sur l’eucharistie, n’aboutirent pas à l’unité visible que l’on pensait « à portée de main ». Sans oublier que le principal acquis d’un siècle d’oecuménisme est bien la « fraternité retrouvée » (Jean-Paul II) entre les baptisés, essayons de préciser les acquis et les limites dans les quatre courants qui ont porté le mouvement oecuménique depuis le début du XX° siècle.

La mission
La question de l’évangélisation est sans doute le domaine où l’urgence de l’unité se fait le plus sentir. Des initiatives de terrain comme des « évangélisations de rue » dans la mouvance charismatique, des « expo-bible » ou des lectures continues de la Bible interconfessionnelles prolongeant les efforts de coopération pour des traductions oecuméniques, comme la TOB, se multiplient. De même, les aumôneries dans les hôpitaux ou des établissements scolaires. Cependant, les Eglises apparaissent souvent en concurrence, qu’il s’agisse des relations entre l’Eglise catholique et les pentecôtistes d’Amérique latine ou celles de l’Eglise catholique et de l’Eglise orthodoxe dans l’ex-union soviétique.
De très nombreux dialogues ont porté depuis quarante ans sur la question du prosélytisme, tant au niveau multilatéral que bilatéral. Ils manifestent la persistance de différences de conception sur ce qu’est un « chrétien », sur l’appartenance à l’Eglise et sur l’importance à accorder à la conversion au Christ et à l’engagement social avec les hommes de bonne volonté. Il est que, depuis le milieu des années 60, il existe deux séries concurrentes de congrès missionnaires :   celle du COE (dont la dernière conférence a eu lieu à Athènes en 2005)  et celle de la mouvance évangélique organisée par le Comité de Lausanne pour l’évangélisation du monde (mis en place à la suite du Congrès organisé par Billy Graham en 1974)

Christianisme pratique
La nécessité de l’engagement pour la Justice, la Paix et la sauvegarde de la Création, rappelée lors de la 6° assemblée du COE à Vancouver en 1983, a été au cœur des rassemblements œcuméniques qui ont suivi :
• en Europe (Bâle en 1989 et Sibiu en 2007)
• dans le monde (Séoul en 1990 et Porto Alegre en 2006)

Depuis fort longtemps, cet engagement mobilise des chrétiens de toutes confessions sur le terrain au sein de nombreux réseaux interconfessionnels. Certains nés à la veille de la seconde Guerre mondiale comme le Comité intermouvements auprès des évacués (CIMADE) sur les questions de protection des réfugiés et migrants ; d’autres plus récents comme l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), ou le Réseau environnemental chrétien européen. Avec les problèmes de santé (VIH-Sida notamment) et le dialogue interreligieux, ces questions tiennent une large place dans les programmes du COE. Cependant de nouveaux clivages apparaissent sur les questions éthiques entre les confessions et au sein de chaque grande confession.

Dialogue théologique
Les dialogues d’experts mis en place à la fin des années 60 n’ont pas seulement permis une meilleure connaissance mutuelle des partenaires, comme entre l’Eglise catholique ou les membres du COE et les pentecôtistes.
Ils ont permis aussi une convergence de leur conception du baptême, de l’eucharistie et des ministères, grâce au travail mené sur ces trois éléments constitutifs de l’Eglise fondée par Jésus-Christ par la Commission Foi et Constitution du COE. En 1982, elle a présenté un important document connu sous le nom de BEM, qui a donné lieu à de nombreux échanges dans toutes les Eglises.

Mais l’apport le plus remarquable des dialogues théologique est sans doute d’avoir permis un « consensus différencié » sur des questions à l’origine de ruptures historiques, comme la Déclaration commune sur la justification signée par l’Église catholique et la Fédération luthérienne mondiale en 1999 auxquels s’est joint le Conseil Méthodiste mondial en 2006. En 2017, la Communion mondiale d’Églises réformées et la Communion anglicane, ont elles aussi adoptées cette déclaration commune sur la justification. Cette question sur le Salut par la foi et les œuvres, à l’origine de la division entre protestants, catholiques et anglicans, ne constitue donc plus une différence séparatrice.
Il faudrait citer auparavant la Concorde de Leuenberg de 1973 par lesquelles luthériens, réformés et méthodistes européens se reconnaissent « en pleine communion de chaire et d’autel » et, dans le même sens, les déclarations christologiques communes signée entre l’Eglise catholique et les anciennes Eglises orientales. Par exemple celle signée 1994 par pape Jean-Paul II et le Patriarche catholicos Mar Dinkha de l’Eglise Assyrienne de l’Orient, dont l’Eglise catholique a reconnu en 2001 la validité de l’anaphore d’Addai et Mari, prière eucharistique vénérable, dans laquelle ne se trouve pas formellement un « récit de l’institution ».

Spiritualité
– la Semaine de prière pour l’unité chrétienne, rassemble depuis 1908 des chrétiens du 18 au 25 janvier ;
– la Journée de prière des femmes a été lancée en 1927. Son origine remonte à la fin du XIX° siècle. Chaque année, le premier vendredi du mois de mars, les chrétiens du monde entier sont invités à prier sur un thème préparé par un comité national.
– la Journée de la Création, entre le 1° septembre et le deuxième dimanche d’octobre, à l’initiative du patriarche Dimitrios de Constantinople en 1989
– la journée internationale de prière pour la Paix a lieu le 21 septembre, depuis 2004, à l’initiative du secrétaire général du COE en lien avec la résolution de l’ONU
– le cycle annuel de prière proposé par le COE, et des recherches autour d’un martyrologe commun, idée lancée par le COE et le pape Jean-Paul II (n° 37 de la lettre apostolique tertio Millenio Adveniente en 1994), qui a été reprise par la communauté de Bose (Témoins de Dieu. Martyrologe universel. 365 jours pour prier avec les saints. Paris, Bayard, 2005)

Dans son Manuel d’œcuménisme spirituel (2007), le cardinal Kasper a recensé les lieux où les chrétiens pourraient aller plus loin dans leur coopération. Il s’agit de développer « l’échange de dons » entre les Eglises, selon une image chère à Jean-Paul II (encyclique Ut unum sint n° 28, 35, 56-57 et 87), indissociable de la « conversion des Eglises », à laquelle invitait le groupe des Dombes dans un important ouvrage publié en 1991.

Mais le baptême ne fait pas encore l’objet d’une reconnaissance mutuelle entre toutes les Eglises, qui articulent différemment la profession de foi personnelle, le rite, et l’insertion dans la communauté du néophyte. Des progrès semblent toutefois se dessiner, comme le montre le document entre la Communion d’Eglises protestantes d’Europe et la Fédération baptiste européenne : « le début de la vie chrétienne et la nature de l’Eglise » (2004).

L’hospitalité eucharistique, pour laquelle l’Eglise catholique et surtout les Eglises orientales ont une discipline beaucoup plus restrictives que les Eglises issues de la Réforme du XVI° siècle, demeure un facteur de crispation des relations locales.

La question d’une date commune de Pâques n’est toujours pas résolue.

La possibilité même pour les chrétiens de prier ensemble fait encore parfois l’objet de débats dans le cadre du COE (cf. le document « So we believe, so we pray : Towards koinonia in worship » de 1994), notamment à l’initiative des Eglises orthodoxes qui avaient émis des réserves sur certaines formes de célébration commune.

Documentation œcuménique

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