Saint Vaast, patron du diocèse d’Arras

À la veille des invasions germaniques, l’évangélisation de la Gaule est loin d’être achevée. En 476, l’Empire romain d’Occident s’effondre, la Gaule est partagée en royaumes barbares : Burgondes, Alamans et Wisigoths qui sont convertis, pour la plupart, dans la foi arienne, hérésie fondée sur l’affirmation de l’inégalité des personnes divines dans la conception trinitaire [1].

Clovis, roi des Francs, entame la conquête de la Gaule, épouse une princesse de foi catholique et se convertit vers 496, date présumée de son baptême. La conversion de Clovis et de son peuple fait des Francs Saliens, face aux autres Barbares païens ou hérétiques, les champions du christianisme [2]. C’est dans ce contexte qu’est intervenu Vaast considéré par certains historiens comme le mentor de Clovis.

 

Reproduction de la tapisserie d’Arras « Saint Vaast et l’ours »

Reproduction de la tapisserie d’Arras« Saint Vaast et l’ours »

Texte de la banderole : « Comme en Arras eust ung lieu ruineux, où jadis fut apparence d’esglise. Duquel jaillit ung ours très furieux qui obéit à saint Vaast sans faintise » 

Vaast, mentor de Clovis

Nous ne connaissons rien des origines de Vaast. Il est sans doute né dans une famille noble gallo-romaine. Il se sent appelé à devenir moine-ermite et vit retiré dans la région de Toul. Il vient en aide aux malades et se trouve alors tout naturellement appelé à une vie publique.

Quand Clovis passe à Toul pour se rendre à Reims, on l’invite à rencontrer Vaast. Ce dernier donne alors les premiers enseignements sur la foi chrétienne à Clovis, avant Rémi, et prépare ainsi le roi franc au baptême, « sans peut-être songer qu’il préludera à l’événement le plus important de ce qui va devenir la France [3] ».

Vaast fait bientôt partie du clergé de Reims et participe à l’éducation chrétienne de Clovis.  Le moine bénédictin Sigebert de Gembloux  écrira à ce propos : « En 486 brillent en Gaule Remy de Reims, Principius, son frère, évêque de Soissons, et Vaast qui fut plus tard évêque d’Arras [4]».

Vaast, infatigable évangélisateur

Vaast est consacré évêque par Rémi et envoyé par lui plus au Nord du royaume afin d’y enseigner l’Évangile. La tradition orale rapporte que sur la route il guérit nombre d’aveugles. Il faut voir ici les symboles de la cécité religieuse frappant les peuples.

Vaast serait arrivé à Arras au début du VIe siècle. Il trouve alors les murs de la Cité encore debout, mais son église est en ruines et envahie de broussailles. L’histoire pieuse rapporte qu’en y entrant il se trouve face à un ours. Vaast le fait reculer et retourner dans la forêt, au-delà de la rivière dénommée Crinchon. Là aussi il faut voir une manière pour le biographe religieux de dire que le paganisme recule en présence du nouvel évêque. L’ours, en récompense de sa docilité deviendra pour toujours le compagnon de l’évêque.  Ainsi, sur le sceau d’un abbé de Saint-Vaast du XVIe siècle, le fauve y apparaît assis, tel un ours en peluche !!!!

Au regard du nombre important d’églises se réclamant de son patronage en Bretagne, dans le Nord de la France et en Normandie, Vaast a dû avoir un apostolat fécond et étendu. Dans le diocèse d’Arras on ne dénombre pas moins de 73 églises portant son nom [5].

Au milieu du VIIe siècle, le moine Jonas de Bobio qui a écrit le récit de la vie de cet évangélisateur particulièrement actif s’est davantage attaché à ses miracles dont les foules s’émerveillaient, au détriment de son austère tâche de prédication évangélique.

Saint Vaast, à l’origine d’une puissante abbaye

Vaast meurt en 540 ou 541 vraisemblablement le 6 février, jour auquel, plus tard, on célèbrera sa fête. On ne peut dire qu’il laissait le christianisme établi partout, ni une église régulièrement constituée dans un diocèse régulièrement défini [6].  De fait si les villes avaient des communautés chrétiennes florissantes, le paganisme régnait en maître dans les villages [7].

Au VIIe siècle l’évêque Aubert fait procéder au transfert des reliques de saint Vaast dans une chapelle bâtie au-delà de la rivière Crinchon, sur une légère hauteur vraisemblablement déjà occupée à l’époque gallo-romaine. Ce transfert serait à l’origine de la communauté de prêtres, sans doute à la fois canoniale et monastique, d’où devait sortir la puissante abbaye bénédictine de Saint Vaast [8] autour de laquelle se développa la ville d’Arras.

Sans doute la fondation de l’abbaye Saint Vaast comme celles plus obscures ou incertaines de Mont-Saint-Éloi, de Marœuil, d’Étrun a contribué à accentuer en Artois le processus d’évangélisation favorisée par la monarchie franque et entamée par le premier évêque d’Arras.

par Marc Loison [9], maître de conférences honoraire en histoire contemporaine de l’université d’Artois

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[1] . Marc Loison, CRPE Histoire, Paris, Vuibert, 2017, p. 90.
[2] . Ibid, p. 106.
[3]. Jean Lestocquoy, Arras au temps jadis, Arras, Imprimerie centrale de l’Artois, 1971, p. 15.
[4] . Ibid.
[5] . Site web : arras.catholique.fr. Notons toutefois que J. Lestocquoy, dans son ouvrage de 1971, en dénombre soixante-neuf dans le diocèse d’Arras dont aucune ne se trouve en Boulonnais ni en Calaisis et trente dans le diocèse d’Amiens.
[6] . J. Lestocquoy, Arras…. op. cit., p. 16.
[7] . Ibid.
[8 Pierre Bougard, Yves-Marie Hilaire et Alain Nolibos, Histoire d’Arras, Dunkerque, éditions des beffrois, 1988, p. 30.
[9]. Marc Loison est aussi l’auteur de l’ouvrage Benoît Labre (1748-1783), entre contestations et rayonnement spirituel, Paris, Salvator, 2014. Jean-Paul Jaeger, évêque d’Arras, Boulogne et Saint-Omer, en a assuré la postface. Benoît Labre est sans doute l’un des saints les plus connus du diocèse d’Arras.