Saint Grégoire de Nysse (vers 335-394)

Apôtre de la prière pour les défunts

Saint Grégoire de Nysse, le plus jeune des trois Pères Cappadociens avec Basile le Grand et Grégoire de Nazianze, se révèle un fin politicien ecclésiastique recherché et influent, un théologien expert, un orateur, un prédicateur et un exégète estimé. Nous le suivons à travers son Traité de l’âme et de la résurrection.

 

Grégoire de Nysse est l’un des jeunes frères de Basile le Grand, évêque de Césarée en Cappadoce, au cœur de la Turquie actuelle. Ils naissent dans une famille de saints. Leurs grands-parents sont morts martyrs sous Dioclétien. Leurs parents, saint Basile l’Ancien et sainte Emmelia, étaient issus de la noblesse sénatoriale en Cappadoce. Ils ont un oncle évêque, et trois autres frères et sœur embrassent la vie ecclésiastique ou ascétique : sainte Macrine la Jeune, Naucratios, mort prématurément, et saint Pierre de Sébaste, leur plus jeune frère.

Grégoire de Nysse avec son frère, Basile le grand, et leur ami commun Grégoire de Nazianze, sont dénommés les « trois grands Cappadociens » en raison de leur importance exceptionnelle pour la théologie et pour l’Église. Tous les trois ont renoncé à une carrière profane brillante pour suivre le Christ de manière radicale en s’adonnant à une vie ascétique et solitaire. Mais tous les trois furent appelés à l’épiscopat en raison de leur haute naissance et de leur formation solide. Leur importance fut remarquable pour consolider la foi de l’Église, et pour confirmer la communion ecclésiale avec Rome.

Grégoire naît entre 335 et 340. Il est encore jeune lorsque son père meurt. Il est nommé par son frère Basile évêque de Nysse, petite ville entre Césarée et Ancyre. Il participe en 381 au deuxième Concile œcuménique de Constantinople d’où nous vient le texte définitif de notre Credo. Il est estimé de l’empereur Théodose et prononce en 385 l’éloge funèbre de la Princesse Pulchérie et de l’Impératrice Flacilla. Il meurt vers 394.

Marqué par le deuil

En 378, Grégoire est affligé par la mort de son frère Basile, qui lui a tout enseigné et tout transmis. Il court alors au chevet de sa sœur Macrine qu’il n’a pas revue depuis huit ans. Elle est malade. Le lendemain de leurs retrouvailles, elle meurt à son tour le 19 juillet 378.

Avec plein d’humanité et marqué par le deuil, Grégoire rapporte le dialogue qu’il a eu avec sa sœur pendant ces heures tragiques. Il en fait un exposé de notre foi et de notre espérance pour nos défunts. Ce Traité sur l’âme et la résurrection est une de ses œuvres les plus importantes.

« Je m’empressais d’aller partager avec notre sœur et professeur le malheur que j’éprouvais à cause de notre frère ; mon âme souffrait d’une vive douleur, se désolait d’une si grande perte, et je cherchais pour partager mes larmes quelqu’un sur qui pèse une tristesse aussi lourde que la mienne. Quand nous fûmes en face l’un de l’autre, mon chagrin fut avivé de voir notre professeur apparaître devant mes yeux : déjà, elle aussi, elle était atteinte de la maladie qui menait à la mort. (…) Elle me citait la parole de l’Apôtre, selon laquelle il ne faut pas s’affliger au sujet des morts, car c’est là un sentiment propre à ceux-là seuls qui n’ont pas d’espérance (1Thessaloniciens 4, 13). » (Grégoire de Nysse, Traité sur l’âme et la résurrection, §1)

Grégoire exprime malgré tout sa répulsion à l’égard de la mort. « Comment est-il possible que les hommes mettent en pratique cette parole, tant il y a en chacun une répulsion naturelle à l’égard de la mort ? Ceux qui voient les mourants ne supportent pas de bon cœur ce spectacle, et ceux dont la mort approche la fuient de toutes leurs forces ! (…) Quoi donc ? On n’a pas à être triste quand celui qui jusque là voyait et parlait, on le voit privé soudain de souffle, de voix, de mouvement, et que sont éteints pour lui tous les sens de son être ? » (Grégoire de Nysse, Traité sur l’âme et la résurrection, §2-3)

Dans l’attente de la résurrection

L’expérience commune de la mort que fait Grégoire est celle de la disparition soudaine dans un corps du principe vital qu’est l’âme. On fait l’expérience de l’âme à l’heure de la mort. Si l’âme n’existait pas, la vie serait aussi inerte qu’un cadavre, ou bien elle serait immortelle si elle se réduisait à l’assemblage physique des éléments.

Pour réconforter son deuil, Grégoire lit dans les Écritures la parabole du pauvre Lazare (Evangile selon Luc 16, 19-30). Macrine commente : « Le riche est encore attaché, comme par de la glu, même après sa mort, à la vie charnelle. (…) Il faut que, le plus possible, ceux qui vivent dans la chair s’éloignent de quelque manière et s’affranchissent de leur relation avec elle, grâce à une vie vertueuse, afin qu’après la mort, nous n’ayons plus besoin d’une autre mort qui fasse partir par la purification les restes de la colle charnelle, mais que, comme si les liens tout autour de l’âme étaient rompus, légère et libre soit sa course vers le bien. » (Grégoire de Nysse, Traité sur l’âme et la résurrection, §69-70)

Mais si une âme reste quelque peu attachée, elle souffre une purification après la mort, de la part de Dieu, qui est source de toute béatitude, et ce pour un but supérieur. (Grégoire de Nysse, Traité sur l’âme et la résurrection, §79)

Ce but supérieur, n’est-ce pas la résurrection dans laquelle notre âme retrouvera son corps transfiguré ? « Si tu as quelque attachement pour ce corps aussi, et que te chagrine la séparation d’avec ce que tu aimes, que même cela ne soit pas étranger à ton espérance. Tu verras en effet ce manteau corporel, qu’a maintenant détruit la mort, de nouveau totalement tissé des mêmes éléments, non selon son organisation actuelle, grossière et pesante, mais avec une trame au fil plus subtil et aérien, si bien que ce que tu aimes est à la fois présent et restauré dans une beauté supérieure et plus digne d’amour. » (Grégoire de Nysse, Traité sur l’âme et la résurrection, §87)

Macrine va mourir après ces paroles, et le deuil de Grégoire pour son frère Basile va s’augmenter de celui de sa sœur qu’il appelait sa professeur. Mais le dialogue qu’il aura eu avec elle aura apaisé son cœur et son âme. Les expressions qu’il utilise sont à même de fortifier notre foi et notre espérance dans la vie éternelle, la prière pour les défunts au purgatoire, et l’attente de la résurrection bienheureuse, fondement de la foi de l’Église.

Père Anne-Guillaume Vernaeckt

Grégoire de Nysse, Sur l’âme et la résurrection, Cerf, Paris 1995.

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