« Aux côtés de chaque famille endeuillée », entretien avec Christian de Cacqueray

Christian de Caqueray

« Veillez car vous ne savez ni le jour, ni l’heure » (Mt 25, 13). La mort nous surprend toujours et nous laisse seul face à notre douleur. Parmi les propositions d’accompagnement qui existent déjà dans les diocèses, il en est une, plus spécifique initiée par le diocèse de Paris : le Service Catholique des Funérailles. Christian de Cacqueray, qui dirige ce service, revendique comme une priorité l’engagement humain et spirituel de son équipe auprès des familles. Accompagner et respecter les différentes étapes nécessaires au deuil permet aux proches endeuillés d’entrevoir l’après pour mieux repartir. Entretien.
Qu’est-ce que le Service Catholique des Funérailles ?
C’est une initiative du diocèse de Paris qui existe depuis une dizaine d’années dont l’intuition était, à l’échelle d’un diocèse urbain comme Paris, d’assurer une présence chrétienne dans le service funéraire. Pour être précis, nous pouvons parler d’une agence d’organisation d’obsèques, d’une équipe au service de l’accompagnement des familles du début à la fin des obsèques. Le secteur funéraire a aujourd’hui pris des formes très marchandes et a en quelques sorte perdu sa fonction d’auxiliaire de sens. Pour nous dans notre activité cela prend un sens très concret à travers notre statut associatif. Nos prestations sont totalement standardisées, et nous avons une équipe de 10 salariés qui travaillent en lien étroit avec une trentaine de bénévoles qui se succèdent sur nos deux bureaux de Paris ou de Versailles.

Des pompes funèbres catholiques : est-ce ainsi que vous définiriez le service que vous représentez ?

Oui, à condition ne pas sous-entendre que ce service est réservé aux bons catholiques ! Notre service est pensé pour toutes les personnes pour qui la célébration des obsèques de leur proche doit revêtir un sens et une vraie profondeur. Toute la prestation est rendue avec simplicité et dans la dignité. Nous essayons dans ce contexte de très grandes villes d’être en relation avec les familles. Nous ne sommes pas des prestataires de service du culte ! Mais nous essayons dans l’accueil des familles de vivre au plus près les valeurs de l’Evangile, telle que la compassion à l’égard des nos frères dans la peine.

La question de la mort est largement occultée dans notre monde actuel et quand elle survient c’est toujours un choc. Quel accompagnement particulier apportez-vous aux familles ?
Nous sommes au service de la ritualité funéraire en reconnaissant que le fondement de ce rite est ce que nous aimons appeler le parcours des funérailles. Nous avons une tradition ancestrale dans la manière d’accompagner nos morts du lieu où ils sont décédés jusqu’aux lieux où ils vont reposer. Les étapes de ce parcours constituent le rite. Or dans notre monde actuel, c’est bien cela qui est bousculé aujourd’hui. Notre rôle auprès des familles est vraiment de les aider à éclairer la valeur de chacune de ces étapes et la meilleure façon de les vivre. Il y a tout d’abord la séparation physique avec le corps. Les proches ont besoin de voir ce corps, de le toucher même, pour prendre conscience que la dépouille du défunt n’est plus le lieu de sa vie. Ensuite la célébration à l’église qui revêt une valeur particulière dans notre univers parce que l’Eglise reste ce lieu ouvert à la société. La célébration va ainsi permettre au plus grand nombre de s’associer. La dernière étape enfin est le déplacement au cimetière qui correspond à ce rite d’affectation, très important pour le deuil.

Ce service n’existe qu’à Paris et Versailles. Pourquoi n’est-il pas décentralisé au niveau des diocèses ?

Parce que je crois que c’est une petite institution qui est signe de quelque chose et que ce signe doit rester dans cette dimension pour porter ses fruits. Une institution signe fait réfléchir, fait avancer les mentalités. Il y a beaucoup à faire pour faire bien avant de faire plus ! C’est aujourd’hui notre positionnement. Maintenant, nous sommes très libres vis-à-vis de l’avenir.

Accompagner les familles en deuil est le cœur de votre métier mais quelle place faîtes-vous à l’annonce de la foi chrétienne ? Est-ce selon vous le moment d’une catéchèse spécifique pour les proches ?
Il ne faut pas confondre les rôles. Je crois que la vraie catéchèse c’est évidemment la préparation à l’église. Nous, nous tendons la main à un stade antérieur qui est celui du chaos. Nous nous situons plutôt au niveau d’une catéchèse de la charité en action. Si les personnes que nous accueillons sont touchées par ces gestes d’humanité qui doivent précéder le témoignage de foi, ce témoignage peut alors être entendu. J’aime le passage de l’Evangile avec la veuve de Naïm dans lequel le Christ croise un convoi funéraire. Il se renseigne avec précision sur ce convoi. Il s’agit d’une veuve qui enterre son fils unique… Jésus prend d’abord en compte l’unicité de ce que vit cette femme et pour nous c’est sur la base de cette reconnaissance là que le témoignage de foi peut être exprimé. Ce terreau de l’accueil, du témoignage de soutien est le terreau dans lequel va germer une Parole, mais cette Parole peut mettre des mois, des années à germer !

A force de côtoyer la mort, vous devient-elle plus familière, moins effrayante ?
Je conçois la vie comme un passage. Donc, c’est vrai que mon rôle est d’aider les vivants à vivre le deuil à travers les rites, de leur donner à envisager l’autre rive. Pour moi personnellement, dans ma façon d’aimer ceux qui m’entourent, je me sens habité par un sentiment d’urgence et de finitude comme si j’allais mourir demain. Peut-être que mon métier m’aide à être moins victime de l’étourdissement ambiant qui fait oublier à nos contemporains le sens de leur vie sur la terre.

Propos recueillis par Catherine Manné

Eglise de Rouen N° 9 du 15 octobre 2010

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