Mgr Mahuza Yava, sds : « Fêter Noël intérieurement »

Charles MAHUZA YAVA

« Silencieuse mais active » en terre d’Islam, l’Eglise catholique aux Comores rassemble 6000 catholiques, la plupart des expatriés. Mayotte deviendra un Département d’Outre-Mer en 2011. Interview de Mgr Charles Mahuza Yava, sds, Vicaire Apostolique de l’Archipel, consacré évêque le 19 juin 2010, qui rejoint donc la Conférence épiscopale française.
 

Comment abordez-vous votre responsabilité de jeune évêque dans l’Archipel des Comores ?

La situation dans l’Archipel des Comores est tout à fait particulière, en ce sens que l’Eglise catholique est présente aux Comores depuis l’époque de la colonisation en 1912. L’islam est resté et est toujours la grande religion dans l’archipel des Comores : 99% des habitants sont musulmans, presque tous les comoriens et les mahorais. Les chrétiens aux Comores sont des étrangers qui sont là pour des raisons de travail et du commerce. Les catholiques sont 6 000 constitués d’immigrés, en grande partie des malgaches, et des autres nationalités comme togolaise, rwandaise, congolaise, libanaise, indienne, américaine et de citoyens français qui habitent à Mayotte. Ce sont des gens de passage aux Comores pour quelques années. Pour ce qui est de l’Union des Comores, pays islamique, l’Eglise catholique est acceptée et tolérée pour le service spirituel des étrangers et pour ses œuvres caritatives. Notre présence est silencieuse mais active et veut témoigner par des œuvres concrètes que l’humanité tout entière est aimée de Dieu. Notre apostolat est donc un apostolat de présence et de témoignage. Notre travail se situe sur deux plans : le premier plan est de nous occuper des chrétiens étrangers qui vivent dans ce pays islamique et le deuxième plan est celui de la diaconie par nos œuvres caritatives. Le Vicariat de l’Archipel des Comores n’a pas des prêtres incardinés, tout son personnel est missionnaire. Pour le moment je compte beaucoup sur la Province salvatorienne du Congo (RDC) qui a pris l’engagement de fournir le personnel ecclésiastique nécessaire pour l’Archipel des Comores. Je compte aussi sur la collaboration de 2 frères salvatoriens qui travaillent dans la Caritas, de trois religieuses de la Congrégation de la Divine Providence et de quatre religieuses Missionnaires de la Charité. Notre tâche n’est pas facile, nous ne sommes pas ici pour convertir, et d’ailleurs le prosélytisme est prohibé. Mais nous sommes là pour témoigner de l’amour du Christ.
 

Comment allez-vous passer les fêtes de Noël ?

Tout d’abord, nous sommes dans un pays musulman, Noël n’est pas reconnu comme fête. Le 25 décembre n’est pas un jour férié. Nos fidèles ne peuvent pas toujours se libérer pour la célébration de la messe de Noël. Par contre, à la messe de la nuit de Noël du 24 décembre, beaucoup de gens viennent et parmi nos chrétiens catholiques, un petit groupe de chrétiens protestants et même quelques curieux musulmans. Le 25 décembre, jour de Noël, nous célébrons une seule messe à 9h avec les chrétiens qui peuvent venir y assister. Pour se préparer à la fête de Noël, la paroisse organise chaque année une récollection au début de l’Avent et fait une action concrète de charité (visite aux malades, aide aux pauvres, soutien aux prisonniers…) Nous ne connaissons pas le « Père Noël » à Moroni. Dans les rues et les magasins, les décorations et la musique de Noël sont absents. L’environnement nous fait comprendre qu’il faut fêter le temps de Noël intérieurement. C’est dur quand on vient d’une culture chrétienne et qu’on voit Noël passé sous silence.
 

Quel est le visage de la communauté catholique de Mayotte ? Quels défis l’attendent ?

La communauté est multiculturelle: c’est une grande richesse. La participation à la messe est effective, la foi est bien vécue au milieu de l’Islam, les différents groupes de prière au sein de la paroisse montrent à suffisance leur pratique en tant que catholiques, les messes qui sont bien animées, la catéchèse bien organisée avec beaucoup d’enfants et parfois certains de leurs parents ne pratiquent pas, mais accompagnent leurs enfants au catéchisme, la demande de certains sacrements, surtout la préparation au mariage et baptême pour les enfants; la présence des jeunes dans leur aumônerie, etc.
Nos chrétiens viennent à Mayotte pour un an, deux ou quatre ans, puis ils quittent l’île et d’autres viennent, c’est une pauvreté. Il y a un manque de stabilité. Les longues distances pour atteindre l’église paroissiale pour certains – surtout ceux qui sont dans le Nord ou dans le Sud de l’île – sont aussi un problème.
Mayotte attire beaucoup de ses voisins, surtout les anjouanais (Anjouan est une île de l’archipel des Comores, NDLR) et les malgaches. Il y a ainsi beaucoup de clandestins. Face à ce fléau, nous avons un sentiment d’impuissance devant les clandestins, sans papier ou réfugiés, par manque de moyens et aussi parce que c’est politisé. On ne peut rien faire devant ces gens qui n’ont pas droit de travailler et parfois, ils prient même avec nous et qu’on ne peut pas vraiment les aider. Comme si cela ne suffisait pas, nous connaissons le cas des enfants abandonnés. Vu les longues distance pour nos chrétiens, nous avons besoin d’une deuxième paroisse à Mayotte. Avec les musulmans, il nous faut poursuivre le dialogue interreligieux.
 

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