« Une espérance audacieuse, intrépide ! », par Mgr Mathieu

Aime ton prochain comme toi-même et tu naîtras à l’espérance, une espérance audacieuse, intrépide !

Au moment de Noël, en cette fin d’année 2011 : l’actualité mondiale ou vosgienne nous laisse un peu moroses. Les crises : financière, sociale, ou humanitaire, celle de l’Europe elle-même. Les enjeux sont multiples et planétaires.
Dans les Vosges, l’économie connaît encore des menaces, dans l’industrie du meuble ou du bois : inquiétude ! Des emplois ont été perdus, avec les conséquences chez les travailleurs et leurs proches. Les doutes, les inquiétudes, la crise ne nous a pas épargnés. Je pense aux familles qui ont vécu cette année difficile car l’emploi n’est pas au rendez-vous et il faut bien vivre.
Je pense aussi aux malades, quand la maladie ou le handicap viennent bouleverser nos vies, aux résidents des maisons de retraite, comme aux prisonniers qui attendent et appréhendent parfois la sortie. Je pense aux jeunes trop nombreux au seuil des nouvelles pauvretés. Inquiétude partagée : nous sommes tous dans le même bateau !
Mais il y a aussi tous ceux qui persistent à croire en l’avenir et cherchent des appuis !

Intrépide espérance
Ce n’est pas un hasard si Noël vient remuer les cœurs et nous parler d’espérance.
Quoi de plus ouvert sur l’avenir que la naissance de cet enfant, né de parents modestes, au cours d’un voyage, avec une mangeoire pour berceau ? Quel avenir : celui de 30 années obscures suivies de 2 ou 3 années de vie publique où Jésus va étonner, attirer les foules par ses paroles et ses miracles, et contrarier les puissants de ce monde pour finir sur une croix, au Calvaire !
Quel avenir : celui d’une espérance intrépide qui conduit de la crèche au tombeau vide et au message de Vie, de Résurrection qui depuis des siècles, ne cesse de remuer le monde en invitant à la réconciliation et à l’amour !
Cet avenir est à l’œuvre. Bien difficile de se repérer. Pourtant ! Les signes existent. Des gens croient à l’avenir et se retroussent les manches. Cette année, lors de mes visites pastorales, j’ai rencontré des élus, des chefs d’entreprise, des salariés, des bénévoles associatifs qui se mobilisent pour favoriser la solidarité et maintenir l’emploi sur notre terre des Vosges. Ils croient que l’avenir ne se construira pas sur l’immobilisme ou le protectionnisme, mais sur l’initiative et l’audace.
Avec une vingtaine de jeunes et d’adultes de Remiremont, nous sommes allés en Inde… La pauvreté a un visage, même au cœur d’un pays en pleine expansion scientifique et industrielle : quels contrastes ! Mais la solidarité est active. Que ce soit les éducateurs et les soignants de l’Inde qui entourent les religieuses au service de milliers d’enfants ou d’adultes, que ce soit les bénévoles vosgiens qui rêvent d’apporter leur pierre à ces populations et de bâtir des relations fraternelles par delà les frontières.
À cela s’ajoutent nos questions sur l’équilibre entre pays riches, pays émergents et pays pauvres, nos questions sur l’énergie et les matières premières et nos questions sur les migrations. Il faudra bien un jour revoir nos modes de vie, si on veut que la planète n’implose pas ! Plutôt que d’avoir à subir ces changements, aurons-nous l’audace de les choisir ? Des jeunes entendent toutes ces questions.
Les Journées mondiales de la Jeunesse… avec une centaine de jeunes vosgiens : ce fut un grand moment, un temps privilégié. Les jeunes, souvent dispersés pour leurs études ou la recherche de leur travail, aspirent à des moments où ils se retrouvent entre eux, pour prendre le temps. J’ai pu le vérifier. J’ai apprécié l’accueil que des jeunes vosgiens ont réservé à leur évêque. En 17 heures de route en bus pour le retour dans les Vosges, nous avons pris le temps de nous apprivoiser, de parler en toute simplicité, et en vérité. Ces temps d’échange furent aussi importants pour moi que pour eux. Je sais qu’il y a des jeunes pour qui le Christ a un visage et qui trouvent dans sa Parole un sens à leur vie, à leurs engagements. Des jeunes, parfois fragiles sans doute, mais prêts pour l’espérance !

Le repli sur soi ou prendre soin de soi
On insiste aujourd’hui sur l’accomplissement de la personne, « prendre soin de soi ». C’est même un thème publicitaire ! L’idée n’est pas neuve :« Aime ton prochain comme toi-même ». C’est notre règle d’or. « Comme » toi-même ! Cela suppose qu’on dépense autant d’énergie au service des autres qu’au soin de sa propre personne. Les libertés individuelles amènent au sens de la responsabilité personnelle.
Ainsi quand on prend soin de soi on prend également soin des autres. Notre relation aux autres, au monde et à Dieu n’en sera que plus harmonieuse et féconde. Consacrer quelques instants au recueillement pour prendre la mesure de nos capacités, de tout ce qui en nous peut naître et se développer. Loin d’un repli sur soi, c’est une quête en soi, en nos trésors, en les talents que Dieu nous a confiés. Quête à laquelle nous invite le temps de Noël. Cette attention fera jaillir une source d’épanouissement personnel puis de solidarité. Redécouvrir tout ce qui en nous a de l’avenir et nous fait naître à l’espérance.

Des échéances nous attendent
Les élections s’annoncent, elles ont déjà envahi le champ médiatique. En face de la crise multiforme, les projets de société semblent s’effondrer, et les ambitions personnelles continuent de s’affronter rudement en vue des prochains rendez-vous. Je n’ai pas les compétences pour définir les programmes politiques de notre pays. Je renverrais seulement aux points d’attention que le Conseil permanent de l’Épiscopat a énoncé il y a quelques mois en prévision des élections pour éclairer nos choix, voire les projets des politiques. Dans les programmes qui nous seront soumis, soyons vigilants sur le respect de la dignité de toute personne humaine, l’attention particulière aux plus faibles, le développement des coopérations avec d’autres pays et la recherche de la justice et de la paix pour tous les peuples. S’il y a une espérance en politique, ce n’est pas en un homme (ou une femme) providentiel, mais en nos capacités de conduire ensemble une politique responsable.

Et Sainte Jeanne d’Arc ?
Elle est née il y a 600 ans. Le témoignage de Jeanne d’Arc en cet anniversaire trouve un écho dans notre actualité et offre un repère. De nombreux courants se sont tournés vers elle comme vers une icône de courage patriotique, pour la récupérer. Jeanne a été exposée aux rumeurs, aux calomnies, aux moqueries pour la discréditer. En méditant sur le destin de la jeune Jeanne de Domremy, on peut voir une jeune chrétienne ordinaire, bien de son temps. Une jeune qui a appris longuement à écouter Dieu, qui la préparait à un engagement d’exception. Et voilà qu’à 17 ans, Jeanne se lance sur des chemins improbables, et donne de quoi espérer à des gens qui n’y croyaient plus. Toute jeune encore, elle est capable de convaincre des hommes incertains et découragés. Dans la fragilité de sa jeunesse, elle est habitée par une confiance intrépide, née de la foi. Et poursuivra sa mission quoi qu’il en coûte, à cause de Jésus.

Le Concile Vatican II
Il y a 50 ans, Jean XXIII lançait le concile Vatican II. Tout en se voulant fidèle à la Tradition, le concile voulait instaurer une relation fraternelle entre l’Église et le monde, qui permettra d’avancer dans ce dialogue entre raison et foi auquel le Pape nous encourage : exigence de la fraternité, sur les chemins de l’humilité et de la vérité. Il nous est bon de revenir aux textes du Concile « grande force pour le renouveau toujours nécessaire de l’Église » (Benoît XVI).
En Jésus, Dieu se fait proche des hommes, pour les libérer et leur rendre leur dignité. Audace de l’Incarnation : Dieu fait confiance en l’homme, qu’il croit capable de l’accueillir. Vivre le mystère de Noël, c’est accueillir un Sauveur qui nous entraîne à sa suite sur le chemin de l’amour.

Une grande joie nous est donnée ! Accueillons-la, savourons-là pour la partager. Notre monde en a tellement besoin : partageons l’amour qui a pris chair pour nous à Bethléem.

+ Jean-Paul Mathieu,
Evêque de Saint-Dié.
Epinal, le 20 décembre 2011.

Sur le même thème

  • Économie

    « Dans la vie économico-sociale, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, de vocation intégrale et le bien de toute la société. C’est l’homme en effet qui est l’auteur, le centre et le but de toute vie économico-sociale » Concile Vatican II l’Église dans le monde de ce temps, n°63, §1 à consulter […]

  • Enfants et jeunes

    L’amour n’empêche pas l’exercice de l’autorité, au contraire : l’enfant a besoin d’autorité pour se construire. Tout petit, les interdits et les règles l’aident à canaliser son énergie et à franchir des étapes importantes : les séparations, l’apprentissages des rythmes, la découverte de la vie en groupe… À partir de deux ans, les parents doivent […]

  • Politique

    S’occuper de politique peut paraître surprenant de la part d’une Eglise qui affirme que « sur le terrain qui leur est propre, la communauté politique et l’Eglise sont indépendantes l’une de l’autre et autonomes » (Gaudium et Spes 76-3). Et encore plus surprenant lorsque cette Eglise inscrit son action sur le territoire d’une république laïque ! Pour autant, […]

  • 1962-2012 : 50ème anniversaire de Vatican II

    Le 11 octobre 1962 s’ouvrait le concile Vatican II qui a transformé le visage de l’Église et modifié ses relations avec le monde et avec les autres religions. Cinquante ans après, la mise en œuvre des textes du Concile est toujours d’actualité.