Homélie du dimanche 26 février

Dimanche 26 février 2017
Huitième dimanche du Temps Ordinaire

Références bibliques :

Lecture du prophète Isaie : 49. 14-15 : « Moi, je ne t’oublierai pas. »
Psaume 61 : « Devant Lui, épanchez votre coeur. »
Lettre de saint Paul aux Corinthiens : 1 Cor. 4. 1 à 5 : « Serviteurs du Christ et intendants des mystères de Dieu. »
Évangile selon saint Matthieu : 6. 24 à 34 :  » Cherchez d’abord son Royaume et sa justice. »

Dieu est plus sûr que toute valeur humaine. Ce qui doit nous motiver ce n’est pas ce que l’on pense de nous. C’est ce comment Dieu me voit, me juge … Transposer cette divine réalité dans le mystère que nous sommes en Christ;

A LA LUMIÈRE DU CHRIST

Est-ce que la source jette par la même ouverture le doux et l’amer ? est-ce qu’un figuier peut donner des olives, ou une vigne des figues?
Jacques III, 12.

Nul ne peut servir deux maîtres. On ne saurait trouver une parole plus claire. La déclaration est catégorique. Si elle nous gênait moins, nous n’y trouverions rien à redire. Mais comme la pensée nous prend corps à corps et nous serre de près, nous cherchons à trouver l’image en défaut.

La parole du Christ est poétique Les oiseaux du ciel, les lys des champs, les semailles et la moisson, les réserves dans les greniers. Un peu irréaliste ajoutent même certains.

Les blés peuvent être moissonnés, parce qu’on a travaillé la terre avant d’y répandre les semences. Les pauvres peuvent se nourrir parce que les greniers ne sont pas vides. La mère de famille peut s faire du souci quand ses enfants manquent de tout.

Engranger n’est pas toujours se mettre au service d’une domination exigeante. Préparer l’avenir n’est pas une attitude déraisonnable. « Le mal n’est pas dans la richesse ou dans la pauvreté mais dans la façon de vivre ces réalités », déclarait l’évêque de la Havane, le 23 janvier 2011.

« Nul ne peut servir deux maîtres. » – Et pourquoi pas? Le tout est de savoir s’y prendre. Nous convenons qu’il est difficile de servir deux maîtres; mais ce n’est pas impossible. Le pétrole peut bien faire progresser une société.

En fait, nous jouons sur les mots comme sur les situations en disant cela. Ca nous savons bien que cette parole du Christ éclaire des situations et des manières d’agir qui conduisent à la pauvreté, à la misère, à la migration, à l’exclusion, dans les mines d’Amérique du Sud ou d’Afrique, aux bidonvilles de l’Inde ou à la guerre au Kivu.

Dans un monde pluriel les peuples des pays émergents comme dans les régions déclinantes sont à la merci de maîtres financiers, économiques ou politiques. Et cette parole du Christ ne s’adresse pas qu’au simple citoyen, mais à tous ceux qui ont ou veulent assumer une charge au service des autres.

La lumière du Christ doit « éclairer tout homme en ce monde » (Jean 1.9). « La grâce et la vérité viennent par le Christ. »

RICHESSE ET PAUVRETÉ

Le Christ n’a jamais vécu avec son Père au moyen de compromis savants et successifs. Il a tout donné de son humanité. « Je connais tes oeuvres : tu n’es ni froid ni bouillant. Plût à Dieu que tu fusses froid ou bouillant! Mais parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche.
Apocalypse III, 16.

« Heureux les pauvres de cœur! » (Mt 5,2). C’est en écho à la première béatitude qu’il faut comprendre la portée de l’évangile de ce dimanche, aussi bien dans notre vie personnelle que dans la vie des nations entre elles. Bien des problèmes connaîtraient un début d’une solution si les réunions des G 8, G 12 ou G 20, si les Forum Mondiaux ne se repliaient pas sur leurs richesses abandonnant les plus pauvres hors de leurs conférences.

Comme nous passons sur le trottoir de nos villes devant le pauvre qui s’est assis à la porte du Supermarché ou non loin du distributeur de la banque. Une manoeuvre, peut-être. Non, le rappel d’une réalité.

Pour chacun de nous, le Royaume est là, tout proche, déjà mystérieusement et ce n’est pas une utopie que d’opter pour Dieu sans compromis, le servir sans partage, s’en remettre à lui avec une confiance totale dans son dessein de salut, telle est l’exigence primordiale.

Nul ne peut servir deux maîtres, nul ne peut servir Dieu et l’Argent!

Et ces paroles du Christ sont à comprendre dans la plénitude de leur signification. L’argent résume tout ce que nous cherchons à posséder, à retenir en une possession qui devient un asservissement!

Ne devrait-on pas quitter les choses avant qu’elles ne nous quittent? Nous construisons tant de remparts pour assurer les prétentions de notre personnalité… mais peu nombreux sont ceux qui ont choisi cette liberté et cette ouverture à Dieu par la donation de leurs triple voeu religieux.

Les richesses, matérielles, sociales, intellectuelles, spirituelles, quelles qu’elles soient. Dieu les a mis à notre disposition. Elles ne sont pas à rejeter, elles sont là pour bâtir un monde à la mesure de Dieu, et des hommes, un monde à explorer, un univers à découvrir, parfois péniblement, avec Dieu, la main dans la main.

Vivre dans la confiance et dans cette espérance au sein de l’universelle insécurité, échanger les mille soucis de la vie contre l’unique souci de construire le Royaume et sa justice, tel est le pari qu’il a confié à l’homme au premier jour (Genèse. Ch. 1) Est-ce le nôtre?

LE PAIN DE NOTRE QUOTIDIEN

Le conflit entre la réponse quotidienne que nous donnons à Dieu et les intérêts matériels que nous considérons comme essentiels éclate à propos de mille questions, grandes et petites. Et le conflit de l’argent le montre dans toute son acuité.

L’avarice, sous toutes ses formes, c’est l’amour de la propriété transformé en culte, et l’avare ne possède plus cette liberté et cette indépendance qu’un homme doit toujours garder en face de ce qui lui sert d’instrument. L’avare est un possédé en se voulant possesseur.

Son bien quel qu’il soit, n’est pas son outil, mais son maître et son Dieu.

Et rien n’est plus étrange qu’un avare, qui est en même temps un dévot, et qui essaye de mener de front le culte de l’argent et le service de Dieu. La volonté de Dieu est que nous aimions nos frères, et que nous prouvions cet amour par les moyens qui sont en notre pouvoir. Aimer Dieu et se donner, ou donner volontiers de son bien, cela est tout un.

L’avare se tire d’affaire en offrant au Dieu vivant des démonstrations platoniques, et à l’autre un service réel et fructueux. Mais il finit par mêler tout cela.

« Nul ne peut servir deux maîtres … » Quand la curiosité de Zachée se transforma en un choc d’amour, il décida de donner tout son bien aux pauvres et à ceux qu’il avait lésés. Quand Marie-Madeleine, après avoir cherché l’amour dans des rencontres frelatées, rencontra l’amour divin, elle le suivit au calvaire et fut la première à rencontrer le ressuscité qui l’avait ressuscitée.

TOUS LES JOURS

Et c’est tous les jours qu’il nous faut ouvrir notre coeur, nous faire violence. L’avare ferme ses mains comme il ferme son coeur.

Le Christ nous a montré ce que nous avions à décider, au seuil de sa vie publique, au désert et jusqu’au soir du jardin des oliviers. « Que ta volonté soit faite sur la terre, comme au ciel. »

Ouvrons nos mains sur le chemin de la Résurrection. Laissons-nous saisir par la main sévère et clémente qui nous arrache aux contradictions de nos conduites, aux tortures des coeurs partagés. Que cette parole nous réveille, et nous relève : « Nul ne peut servir deux maîtres ! »

Donne la main à Dieu, et laisse-lui prendre ta volonté entière. Ne nous plaignons pas de nos faiblesses, de la route difficile, des obstacles, des chutes probables… pourvu que notre coeur ne soit point partagé !

Donnons notre main à Dieu. S’il nous arrive de nous écarter de la ligne droite, si nous tombons, cherchons la main de Dieu, « le Royaume et sa justice ». Si nous pouvons pas faire deux pas sans tomber, cette main nous relèvera : »Ne vous faîtes pas tant de souci pour demain, demain se souciera de lui-même, à chaque jour suffit sa peine, » dit Jésus et il en sait bien le motif de cette certitude.

La main de Dieu n’est pas celle d’un avare. Elle est celle de l’amour. « Attendez la venue du Seigneur, il est lumière. » (1 Corinthiens. 4. 1à 5)

***

 » C’est toi qui nous donnes, Seigneur, ce que nous t’offrons. Pourtant tu vois dans notre offrande un geste d’amour. Aussi nous te prions avec confiance. « (Oraison sur les offrandes de ce dimanche),

 

année liturgique B