Homélie du dimanche 7 février

Dimanche 7 février 2016
Cinquième dimanche du temps ordinaire

Références bibliques :

Lecture du livre d’Isaïe : 6. 1 à 4 : “Moi, je serai ton messager.”
Psaume 137: “Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité.”
Saint Paul. 1ère lettre aux Corinthiens : 15. 1 à 11. “Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu.”
Evangile selon saint Luc : 5. 1 à 11: “ Sois sans crainte, désormais tu prendras des hommes vivants..”

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L’APPEL

La lecture de saint Luc en ce dimanche offre un récit complexe, réunissant plusieurs éléments :

– Jésus prêchant )à la foule la parole de Dieu.
– La pêche miraculeuse.
– La vocation de Simon à une pêche d’hommes et non plus de poissons, son métier.
– La décision de Simon, Jacques et Jean : ils se mettent à suivre Jésus.

La séquence adoptée par saint Luc est sans doute destinée à montrer comment un familier devient un disciple et un apôtres.

Jésus fait accomplir à Pierre ce parcours en lui adressant trois appels :

– L’appel à mettre sa barque à sa disposition et à s’éloigner “un peu” du rivage.
– L’appel à jeter les filets, “au large”, malgré l’échec de la nuit précédente.
– L’appel à une tâche évoquée en mots énigmatiques : prendre des hommes au filet. Pourquoi ? Comment ? Rien n’est précisé.

Mais Pierre, ainsi que les deux autres, comprennent qu’à partir de cette heure, ils n’ont rien d’autre à faire que de suivre Jésus.

LE MINISTERE DE PIERRE

Il est intéressant de noter la place singulière de Simon dans ce récit :

– Deux barques sont disponibles. Jésus monte dans celle de Simon.
– C’est à Simon que Jésus donne l’ordre de pêcher.
– C’est Simon-Pierre qui reconnaît le miracle et confesse son péché. Comme plus tard il confessera sa foi au Christ (Luc 9. 20).
– C’est à Simon que Jésus annonce la mission future.

Pourtant, les deux autres, Jacques et Jean, sont présents, participent à la pêche et suivent Jésus, tout comme Pierre.

Non seulement Pierre est le premier nommé (voir aussi Luc 6. 14) mais il semble personnifier le groupe des Douze. Le témoignage de saint Paul, dans la deuxième lecture, est convergent : Le Christ est apparu à Pierre, puis aux Douze.

La divergence entre les confessions chrétiennes ne porte pas sur ce constat de la place singulière de Pierre dans le Nouveau Testament, mais sur la transmission de cette singularité aux successeurs de Pierre.

IMPOSSIBILITE OU OBSTACLE ?

En travers de cet élan de l’appel et de la foi survient un obstacle. Celui du péché, ou plus exactement, celui de la conscience de notre péché. Notre indignité, parfois, nous paraît telle que nous doutons même de la miséricorde infinie de Dieu, au point d’avoir peur de face à face que nous vivons déjà avec Lui et que nous vivrons éternellement.

La liturgie nous propose un parallèle entre la réaction de saint Pierre et celle du prophète Isaïe. Isaïe :”Malheur à moi ! je suis perdu car je suis un homme aux lèvres impures.” (Isaïe 6.5) Saint Pierre, devant le miracle, change de “situation”…”Seigneur, éloigne-toi de moi, je suis un homme pécheur.” L’heure d’avant, quand il acquiesçait à l’ordre de Jésus, il l’appelait “Maître”.

Il est une question qui traverse tout l’Ancien Testament : comment voir Dieu sans mourir si grande est la distance qui nous sépare de lui.

MALGRE TOUT, PROCHE DE NOUS

Le plus souvent l’Ecriture affirme que l’homme ne peut voir Dieu. Quand Moïse lui demande :”Fais-moi voir ta gloire”, le Seigneur répond :”Tu ne peux pas voir ma face, car l’homme ne saurait me voir et vivre.” (Exode 33. 18 à 20) Pourtant Dieu ne veut pas être étranger à son serviteur. Il se fera voir de Moïse, mais de dos.

La vision de Dieu suppose une familiarité que le péché a rompue. L’homme est ainsi en proie à une contradiction : le désir de voir Dieu demeure en lui, mais il échouerait ou rejoindrait inexorablement la mort.

Toutefois les traditions prophétiques de l’Ancien Testament attestent une possible rencontre. “Moïse monta, ainsi qu’Aaron, Madav et Avihou, et soixante-dix des Anciens d’Israël. Ils virent le Dieu d’Israël… Ils contemplèrent Dieu, mangèrent et burent” (Exode 24. 9 à 11) Et c’est bien ainsi que les disciples et les apôtres vécurent avec Jésus de Nazareth, trois années durant.

Dieu lui-même s’est manifesté au sein de notre monde pécheur par son Fils incarné :”Et le Verbe s’est fait chair et nous avons vu sa gloire.” (Jean 1. 14) L’initiative du salut vient de Dieu. Notre foi n’est ni une imagination ni l’épiphénomène de nos désirs. Les Corinthiens se l’entendent dire par saint Paul. “Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu.”

Les apôtres eux-mêmes ont vécu avec le Seigneur :” Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons.” (1ère lettre de Jean 1. 1 et 2)

Grande est leur familiarité avec leur Seigneur et maître. Saint Pierre le secouera par les épaules pour le réveiller lors de la tempête sur le lac. Saint Pierre, encore lui, lui reproche de monter à Jérusalem pour se faire arrêter et condamner.

“Ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie.” … Il est si proche.

Il nous est également possible de vivre cette familiarité. Ce n’est pas en dressant des barrières rituelles que nous vivrons la Vérité qu’il nous apporte. Le père de l’enfant prodigue n’a pu admettre de le recevoir à genoux, il l’a pris dans ses bras. Ces barrières rituelles sont parfois même ridicules, comme refuser de recevoir le Corps du Christ dans nos mains… « Ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie.

C’est avec de telles barrières qu’on en arrive à vivre un christianisme moralisateur jusqu’à être vidé du sens de notre intimité en Dieu par Jésus-Christ. C’est le Christ qui est l’essentiel, car s’il est devenu l’un des nôtres, c’est pour être proche de nous et, nous, proches de lui. « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. »

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A nous de vivre cette réalité étonnante. A nous d’en transmettre la découverte à nos frères. A nous de la chanter devant les hommes :”Tous les rois te rendent grâce quand ils entendent les paroles de ta bouche.” (psaume 137) Dans cet esprit, relisons le passage de la lettre aux Corinthiens en ce dimanche où saint Paul décline pour nous ce qu’est la Bonne Nouvelle. “La grâce de Dieu est avec moi.” (I Cor. 15. 10)

« Tu as voulu, Seigneur, que nous partagions un même pain et que nous buvions à la même coupe. Accorde-nous de vivre tellement dans le Christ que nous portions du fruit pour le salut du monde. » (Oraison de la communion de ce dimanche)

 

année liturgique B