Homélie du dimanche 18 octobre

Dimanche 18 octobre 2015

Du prophète Isaïe. (53. 10-11) : « A cause de ses souffrances, mon Serviteur verra la lumière.»
Ps. 32 : « Dieu veille sur ceux qui mettent leur espoir en son amour, il les délivre de la mort.»
De la Lettre aux Hébreux (4. 14 à 16) : « Il a connu l’épreuve comme nous et il n’a pas péché
Evangile selon saint Marc (10. 35 à 45) : «Pouvez-vous recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ?»

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Les trois lectures de ce dimanche nous conduisent au seuil du mystère de la Rédemption. Les mots que nous y entendons, sont de ceux qui bien souvent nous font peur ou nous répugnent : souffrance, expiation, justification, péché, rançon…

Ils nous sont partiellement incompréhensibles si nous les plaçons seulement dans le contexte de l’époque et des situations que nous vivons.

Nous les comprendrons mieux, et dans toute leur richesse, dans la mesure où nous irons chercher leurs origines dans l’Ancien Testament, c’est-à-dire, dans la Révélation progressive que Dieu nous donne de lui-même, au travers des événements et des prophètes, jusqu’à la réalisation de leur plénitude en Jésus-Christ, « Lui qui est venu partager nos faiblesses. »

Alors seulement nous pourrons les lire dans la réalité quotidienne qui est la nôtre.

LES POEMES DU SERVITEUR.

Lisons d’abord ce passage d’Isaïe, trop bref peut-être, tiré du quatrième « chant du Serviteur ». Son texte intégral ouvre, chaque année, l’Office de la Passion, le Vendredi-Saint.

Le Serviteur réalise, par sa vie, la vocation du Peuple élu. Il a reçu l’Esprit de Dieu. Par lui, le Seigneur noue l’Alliance avec son Peuple. Par lui, il fait briller sa lumière aux yeux des nations. (1er poème – Isaïe 42)

En lui, Dieu trouvera sa gloire. (2ème poème – Isaïe 49. 9 et 10)

Il est le disciple accompli dont le Seigneur a ouvert l’oreille. Il est le contraire de ceux qui « ont des oreilles et n’entendent pas. » Il ne se soustrait pas à la persécution, car il sait bien que personne ne pourra le confondre. Il est proche « de celui qui me justifie. » (3ème poème – Isaïe 50) Telle est d’ailleurs la confiance qu’exprime aujourd’hui le psaume 32.

Le quatrième chant (Isaïe 52. 13 à fin de 53) est tout entier consacré à l’assaut du mal contre le Serviteur qui est « comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir. » Cet agneau évoque celui qui, aux jours de la libération du Peuple de Dieu en Egypte, fut tué afin que chaque hébreu soit sauvegardé en marquant de son sang les linteaux de leur porte.
Sacrifice d’expiation également, qui se charge des péchés de la multitude, ce Serviteur souffrant justifie cette multitude.

JESUS, LE SERVITEUR.

Dans le Nouveau Testament, les citations et les références aux poèmes du Serviteur sont nombreuses. Elles se trouvent, dès le début, dans le cantique du vieillard Siméon qui, en recevant Jésus dans ses bras, reconnaît « la lumière venue éclairer les nations, la gloire de ton peuple Israël. » (Luc 2. 32 – Isaïe 53. 11)

Jean le Baptiste dit à ses disciples en leur montrant Jésus : « Voici l’agneau de Dieu. » (Jean 1. 36).

C’est le passage que lit le voyageur éthiopien sur la route de Jaffa : « Comme une brebis conduite à l’abattoir. » Le diacre Philippe le rejoint et lui en explique la réalisation en Jésus-Christ. L’eunuque de la reine Candace, recevant la foi, est baptisé. (Actes 8. 32)

Par ces interférences entre les poèmes prophétiques d’Isaïe et les paroles du Christ que nous rapportent les écrits du Nouveau Testament, nous voyons que, dans la foi et par cette connaissance biblique, les premiers disciples ont mieux discerné en Jésus, le Serviteur lui-même.

C’est à la lumière de ces poèmes qu’ils ont admis, avec le temps et rétrospectivement, grâce à l’action de l’Esprit-Saint, la souffrance et la mort du Messie comme source du salut.

Le Christ d’ailleurs leur en avait donné la première explication pédagogique sur le chemin d’Emmaüs « commençant par Moïse et les Prophètes » : « Ne fallait-il pas que le Christ (Messie) souffrît pour entrer dans sa gloire ? » (Luc 24. 26 – Isaïe 53. 11)

Dans la langue grecque, qui est celle du Nouveau Testament et de l’Ancien Testament quand il y est cité, un même mot désigne « Serviteur » et « enfant », le terme « pais » (cf dans la première lecture). En français, nous traduisons souvent par « serviteur » deux autres termes grecs : « doulos », qui veut dire esclave (Jean 15. 15 : je ne vous appelle plus serviteurs.) et « diakonos » (cf l’évangile d’aujourd’hui) dont la transcription française a donné le terme « diacre » .

Jésus utilise ce terme pour parler de sa propre mission et de la mission des apôtres.

LA FECONDITE DU SACRIFICE

Les versets du poème du Serviteur dont nous parlons, ne se contentent pas de montrer dans ce Serviteur, le « juste persécuté » et tenant bon avec fidélité et persévérance . Ils le montrent « offrant sa vie en sacrifice expiatoire. » Ce à quoi fait d’ailleurs référence la lettre aux Hébreux de ce dimanche.

Ces sacrifices juifs avaient pour fonction de remettre en communion le pécheur, avec le « Saint », Dieu lui-même.

Les poèmes du Serviteur sont ainsi prophétiques de la mission et de la mort de Jésus dont le nom veut dire « sauveur ». Ils sont également prophétiques de sa résurrection et de la fécondité de son sacrifice.

En se chargeant des péchés de la multitude, le Serviteur sera capable de restaurer tous les hommes dans la justice, c’est-à-dire rétablir la justesse de leur vie avec celle de Dieu, la sainteté. Lui-même « verra sa descendance, prolongera ses jours, verra la lumière, sera comblé. » (Isaïe 53. 10 et 11)

Dans l’après-Pâques, ces paroles aideront les disciples à croire au Ressuscité comme elles les aideront à mieux saisir la richesse féconde de sa vie et de son sacrifice.

Jésus ressuscité n’est pas simplement le faiseur de miracles et de guérisons de routes de Palestine que Dieu « réanime ». Sa mort n’est pas un fait ordinaire. Elle est l’expression et la réalisation de la volonté du Seigneur. « Mon corps livré pour vous … mon sang versé pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés », comme le rappelle la prière consécratoire de chaque Eucharistie.

LA LETTRE AUX HEBREUX

La deuxième lecture complète le poème du Serviteur en nous renvoyant au rituel de l’Expiation. Ce jour-là – et ce jour-là seulement- le Grand-Prêtre – et uniquement lui – entrait dans la partie la plus sainte du Temple, le Saint des Saints, où se trouvait l’Arche d’Alliance, signe de la présence de Dieu au milieu de son Peuple.

Il s’agissait, une fois par an, de purifier, par le sang d’une victime offerte en sacrifice, un lieu que les péchés du Peuple ont profané. Ce sacrifice, cette purification, Jésus les a réalisés une fois pour toutes. Le voile du Temple s’est déchiré à l’heure de sa mort, car il n’avait plus de raison d’être.

Par sa Pâque, son passage, Jésus a pénétré au-delà des cieux, en franchissant le voile de sa propre chair (Hébreux 10. 20). Il a réalisé pour lui-même, et en espérance pour nous, ce que disait le rituel du grand jour des Expiations (Lévitique chapitre 16) : « Il offre le taureau du sacrifice pour son propre péché et fait le rite d’expiation pour lui et pour sa maison » (Lévitique 16. 6)

D’autres passages de la Lettre aux Hébreux, en ces prochains dimanches, complèteront le portrait du Grand-Prêtre et montreront en Jésus, le Grand-Prêtre accompli et, dans son sacrifice, l’expiation parfaite, on pourrait dire « la compensation » de ce qui manque dans la réalité de la vie.

Dieu, tout au long de l’histoire d’Israël, se manifeste comme celui qui rachète son Peuple. Mais comme toute analogie, celle du rachat est dangereuse si nous la considérons isolée de son contexte biblique.

Dieu ne saurait payer quoi que ce soit, à qui que ce soit ! Son salut est une création nouvelle. Une création gratuite et absolue. Dieu libère et protège ceux qui sont tombés et tombent sous quelle que forme de malheur.

Jésus accomplit ce rachat, cette rédemption qui est le souci constant de Dieu pour tout homme qui est inconstant dans sa fidélité à son égard. Jésus non plus n’a rien à payer à quiconque. Il donne sa vie en rançon, en rédemption, et cela gratuitement, absolument.

Seule sa libre obéissance à son Père, dans l’amour, renverse la dynamique de l’asservissement par le péché. « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne, afin de racheter tous mes frères humains. »

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« Regarde, Seigneur, le visage de ton Christ et souviens-toi qu’il s’est livré pour tous. En lui qui t’a glorifié jusqu’à offrir sa vie, fais-toi reconnaître comme le Dieu d’amour, d’une extrémité du monde à l’autre. » (Prière sur les offrandes.)

année liturgique B