Homélie du dimanche 27 septembre

Aujourd’hui, nous ne prendrons que deux des lectures sur les trois que l’Eglise nous propose en cette liturgie. Le Livre des Nombres et l’Evangile selon saint Marc, puisque la première privilégie un des aspects de l’Evangile de ce dimanche. Comme Moïse, Jésus se réjouit de voir que les dons de Dieu ne peuvent se restreindre à quelques privilégiés et s’étendent au-delà du groupe des disciples rassemblés. « Ah ! si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! » – « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

LES NOTABLES ET LES ANCIENS

La Bible signale à deux reprises que des anciens et des notables parmi le Peuple ont été associés à la charge de Moïse.

Le conseil de Jéthro.

Dans le Livre de l’Exode (chapitre 18), c’est Jéthro, prêtre de Madian, qui n’est pas juif, même s’il est le beau-père de Moïse, qui lui donne le conseil d’appeler autour de lui des anciens, des sages d’expérience et des notables, lorsque Moïse le rencontre, dans le désert, avec le peuple libéré qui vient de quitter l’Egypte. Après l’avoir vu occupé, toute la journée, à trancher les innombrables différends, inévitables entre les membres d’un groupe humain, Jéthro recommande à son gendre de faire juger les cas mineurs « par des hommes de valeur, craignant Dieu, dignes de confiance et incorruptibles. »

Quant à Moïse, il restera le juge des affaires importantes et le médiateur entre Dieu et le Peuple. « Emploie-toi personnellement devant Dieu pour le Peuple et porte-lui leurs litiges. » (Exode 18. 19) et Jéthro, le prêtre de Madian, ajoute : « Si tu agis ainsi et que Dieu te l’enjoigne … » Ce n’est donc pas une simple sagesse humaine qui déterminera la décision, c’est aussi avec Dieu qu’elle doit être prise.

L’ordre de Dieu.

Dans le Livre des Nombres (chapitre 11), le choix des soixante-dix anciens a une autre dimension. Ce n’est plus un conseil donné par un sage expérimenté, mais extérieur au Peuple d’Israël, c’est un ordre de Dieu qui l’intime à Moïse.

Soixante-dix. Ce nombre est signe de plénitude puisque le septénaire, parfait comme la semaine de la Création ou les branches du chandelier, y est multiplié par le nombre dix, qui évoque les dix commandements et le nombre des nations païennes tel que le judaïsme le voit établi dans la liste du Livre de la Genèse au chapitre 10.

Les circonstances dans lesquelles ils sont choisis sont elles-mêmes significatives. Le récit, dont nous lisons aujourd’hui la conclusion, couvre tout le chapitre 11 du Livre des Nombres. La dominante en est la révolte du Peuple qui méprise la manne, don de Dieu, et qui pleure après les oignons d’Egypte et le poisson qu’il mangeait pour rien. Moïse est écrasé par le charge de ce peuple, non seulement à cause de son nombre et de ses besoins matériels, mais aussi à cause de son infidélité, de son ingratitude de son péché.

Les Douze, choisis et envoyé par Jésus, correspondent aux douze tribus d’Israël. Ils en seront les Pères dans la foi. C’est à ces soixante-dix que correspondent les disciples de Jésus, comme pour marquer que l’Evangile s’adresse aux nations païennes.

L’ESPRIT SUR LES ANCIENS

Si nous continuons à comparer les deux scènes du Livre de l’Exode 18 et du Livre des Nombres 11, nous relevons que, dans le second cas –et seulement dans celui-là- la désignation s’accompagne d’un transfert d’esprit. Dieu ordonne. Moïse choisit. Dieu répand l’Esprit qui reposait d’abord sur Moïse seul : « Je prendrai de l’esprit qui est sur toi, pour le mettre sur eux. » (Nombres 11. 17)

La suite de la scène montre bien que cet « esprit » n’est pas seulement la force d’âme personnelle de Moïse. C’est un « esprit » qui vient de Dieu, puisque Moïse n’a d’autre espérance que de voir « le Seigneur mettre son esprit » sur tous.

Faut-il alors identifier l’esprit qui est ainsi partagé, avec l’Esprit-Saint, personne divine « qui est le Seigneur et qui donne la Vie », comme nous le disons dans le Credo ? L’identification serait hâtive et ne respecterait pas le rythme propre de la Révélation, tel que Dieu l’a voulu.

L’ESPRIT REPANDU SUR TOUTE CHAIR

Pourtant notre regard est invinciblement attiré vers la Nouvelle Alliance, la plénitude de l’Alliance, où tout le Peuple sera prophète, de même que Dieu l’a appelé pour qu’il soit « un royaume de prêtres et une nation sainte. » (Exode 19. 6) Saint Pierre développe cla : »Pour constituer une communauté sacerdotale. » (2ème lettre de Pierre. 2. 5 et ss)

Dieu voit plus loin que nous.

Lors de l’événement relaté par le Livre des Nombres, Eldad et Médad sont à l’avant-garde de ce peuple. Moïse les avait choisis, mais ils n’étaient pas venus. Dieu pourtant les a atteints et l’esprit s’est reposé sur eux.

Inversement le don reste inachevé. L’esprit continue de reposer sur les anciens, mais ils ne prophétiseront que peu de temps. Ils ne sont pas devenus prophètes.

D’une certaine manière, l’épisode que nous relate Marc rejoint cette même « extension » du don de Dieu par d’autres que par les apôtres à qui Jésus l’avait transmis. Un intrus chassait les esprits mauvais au nom de Jésus ! « Nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom et nous avons voulu l’en empêcher, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. En parlant ainsi : « nous suivent », les apôtres manifestent leur tendance à se considérer comme un ensemble que les autres doivent rejoindre pour recevoir les dons qu’ils ont reçus.

Jésus souligne alors à ses apôtres que tout ce qui se fait « en son nom » a une valeur toute particulière, puisqu’elle fait appelle à sa valeur. « Qui accueille un de ces petits en mon nom, m’accueille et non pas moi seulement mais Celui qui m’a envoyé. » (Marc 9) Il nous faudrait reprendre tout ce que signifie « en son nom », car cela ne s’entend pas au sens actuel de « par procuration ». C’est en invoquant son nom, sa personne, en accomplissant ses faits et gestes avec la même intention et dans le même sens que se réalise la guérison.

Tous peuvent recevoir l’Esprit de Dieu.

Au temps du Messie, Dieu répandra son Esprit sur toute chair. « Vos fils et vos filles prophétiseront. » (Joël 3. 1 et 2) Au matin de la Pentecôte, Pierre annonce que Dieu réalise cette promesse : l’Esprit est venu sur les frères rassemblés à Jérusalem. Il leur a donné de parler et de professer la foi. Leur prédication se résout en ce conseil : « Repentez-vous et que chacun se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour la rémission de ses péchés et vous recevrez alors le don du Saint-Esprit. » (Actes 2. 38)

Tous et donc nous aussi.

C’est pourquoi, dès notre baptême, nous sommes marqués de l’huile sainte, le chrême (Chrême-Christ). Et le geste liturgique est accompagné de cette parole : « Vous qui faites maintenant partie de son peuple, Dieu vous marque de l’huile sainte pour que vous demeuriez éternellement les membres de Jésus-Christ, prêtre, prophète et roi. »

Dans le même mouvement, et immédiatement dans les rites orientaux du baptême, le chrétien sera confirmé dans ce même Esprit. Dans le rite latin, cette chrismation est reportée à quelques années plus tard.

Dieu se transfère aux chrétiens par l’Esprit qui, d’abord, ne reposa en plénitude que sur Jésus, le seul Christ. Comme le Seigneur avait transféré sur les soixante-dix l’esprit qui, d’abord, n’avait habité que Moïse.

« Les décisions du Seigneur sont justes et vraiment équitables. Aussi ton serviteur en est illuminé. » »(Psaume 18) Nous pouvons chanter ainsi avec le psalmiste, nous tous qui sommes appelés à avoir « part à l’héritage glorieux de celui qui nous unit à son sacrifice lorsque nous proclamons sa mort. » (Prière après la communion)

Que notre parole et notre vie y entraînent nos frères. « Ah si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! » (Nombres 11. 29)

année liturgique B