Homélie pour le dimanche 4 janvier

Références bibliques:

Du livre du prophète Isaïe. 60. 1 à 6 : « Les nations marcheront vers la lumière. »
Psaume 71 : « Dieu donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice. »
Lettre de saint Paul aux Ephésiens. 3. 2 à 6 : »Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage. »
Evangile selon saint Matthieu. 2. 1 à 12 : »Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? »

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En lisant cet épisode de l’enfance de Jésus, il faut aller au-delà du genre littéraire utilisé par saint Matthieu. En réalité, le récit des faits rapportés par lui devient un récit théologique élaboré à la lumière du mystère pascal.

DE L’ENFANCE A LA RESURRECTION

Une lecture attentive nous le fait découvrir par plusieurs détails. Ils nous ouvrent une lecture plus large que le merveilleux immédiat de cette « épiphanie », même si elle se situe dans le prolongement du prophète Isaïe.

Le titre de « Rois des Juifs », par lequel les mages désignent le nouveau-né, réapparaîtra dans la bouche de Pilate au moment du procès de Jésus et de sera l’inscription de l’écriteau de la croix.

Devant ce même questionnement de la part des mages, le roi et les prêtres ne dépassent pas leur interprétation humaine de l’Ecriture. Et ce sont les païens, les nations, qui iront jusqu’au seuil du mystère.

Cette attitude des interlocuteurs des mages rejoint celle des chefs juifs durant la vie publique et la Passion de Jésus.

La manifestation de Jésus aux mages est ainsi le commencement et le germe de la manifestation plénière qui se déploiera dans la mort et la résurrection du Christ, manifestation qui éclatera au matin de la Pentecôte.

LE SALUT DES NATIONS

Il ne faut pas non plus réduire la visite des mages à une aimable scène un peu folklorique permettant de mettre un peu de couleur dans les crèches.

Saint Matthieu marque la nouveauté radicale que Jésus révèle dans sa mission de salut et que saint Paul souligne dans toute sa prédication. Le passage de la lettre aux Ephésiens le rappelle aujourd’hui : les païens ont accès au salut sans être fils d’Israël.

A la question des mages, le pouvoir religieux et les scribes répondent sans hésitation : le Messie doit naître à Bethléem. Il leur suffit de s’appuyer sur la connaissance des Ecritures. Mais ils jugent inutile de vérifier le fait dont on vient de les mettre au courant. S’ils ont la connaissance de ce qu’en dit le prophète, ils ne jugent pas utile de se mettre en route à la rencontre de celui dont ils viennent de parler. Ils restent figés et enfermés dans leurs certitudes, comme ils le seront tout au long du ministère de Jésus. « Ils disent et ne font pas », dira plus tard Jésus à leur propos.

De leur côté, les mages païens qui cherchent la vérité, se renseignent auprès de ceux qui leur paraissent les plus aptes à les éclairer au moment où l’étoile n’est plus là pour éclairer leur chemin. Quand on leur indique une orientation possible pour la trouver, ils reprennent leur recherche. A Bethléem, la « synagogue » en sera absente.

En offrant au nouveau-né l’hommage des nations lointaines, les mages païens réalisent, par leur comportement, les prophéties messianiques qu’attendaient les juifs croyants. Païens de bonne volonté, les mages préfigurent tous ceux qui accèderont à la Bonne Nouvelle du salut universel en acceptant de vivre la vérité qu’ils ont découverts, même partiellement.

ACCUEILLIR LE PROJET DE DIEU

Lorsque nous méditons aujourd’hui cette manifestation universelle de Dieu, c’est-à-dire la révélation de son dessein de salut pour tous les hommes, nous ne pouvons faire autre chose que de nous demander, à notre tour, comment nous l’accueillons.

Parler de salut universel, ce n’est pas seulement évoquer une vague espérance spiritualiste qui, dans une pieuse confusion, regrouperait toutes sortes de courants plus ou moins religieux ou philosophiques, Jésus n’étant alors que l’image symbolique privilégiée. Le salut est une réalité dont la souche est en Jésus, le Christ.

Dans le même temps, il ne se greffe pas que sur la seule Promesse et la seule Alliance d’Israël. C’est parce qu’il est pleinement homme que le Christ peut être le sauveur de tous les hommes. Les racines même du salut sont dans l’humanité plénière de Jésus. C’est elle qui est universelle et qui assume tous les hommes, de tous les temps, de toute race, de tout pays et de toutes cultures.

Les mages nous révèlent ainsi que tous les hommes peuvent accéder à la foi au travers des signes qu’ils reçoivent de Dieu. Il faut les vérifier sans doute, mais il faut surtout en tirer les conséquences. Comme eux nous devons nous mettre en route quand Dieu nous fait signe.

LE MYSTERE DE CETTE UNIVERSELLE THEOPHANIE

Dieu ne se découvre pas en conclusion d’un raisonnement, même si ce raisonnement s’appuie sur la Parole et l’Ecriture. C’est la foi et l’intelligence du coeur qui le révèlent. Dieu est amour et seul l’amour dont nous vivons nous introduit dans son mystère. La meilleure des logiques elle-même ne peut nous y introduire.

Le silence de Dieu est trop souvent issu du bavardage des hommes, de notre manie de parler, d’expliquer, de définir. On comprendrait mieux ce qu’il nous dit avec patience, si l’on savait observer amoureusement les signes qu’il nous donne. Dieu sait attendre que l’homme se taise pour l’entendre, et c’est alors qu’il nous parle et se manifeste.

Si éloignés de nous par leurs religions, leurs convictions, leur athéisme même, les « païens » d’aujourd’hui ne le sont pas de Dieu, parce qu’il les aime tous et sans aucune exception. Les différences sociales et culturelles peuvent nous paraître si grandes que nous avons du mal à croire que le Seigneur est venu pour tous ces hommes, ces milliards d’hommes.

Mais vous savons que l’amour de Dieu est universel et infini, comme est universel le salut en Jésus-Christ, parce qu’il traverse toute l’épaisseur de notre réalité humaine. La nôtre comme la leur. Ce qui suppose la conversion et l’accueil dans la pauvreté et la vulnérabilité qui est le lot de tous les hommes. Les mages savants durent quémander leur chemin. Nous aussi nous avons à le quémander.

Dans le même temps, nous nous demandons pourquoi leur chemin ne rejoint pas le nôtre. Les mages ont pris un autre chemin après la rencontre de l’enfant, roi des juifs et Messie. Saint Matthieu le souligne pour nous dire que le retour vers les scribes n’était pas la bonne orientation.

L’Esprit de Dieu les a guidés autrement. Lui seul sait pourquoi et comment. Acceptons, nous aussi, d’être parfois déroutés de nos certitudes premières.

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La rencontre de Dieu, qui s’épanouira dans la claire vision de sa splendeur, n’est possible que dans l’ouverture, la recherche, la disponibilité et l’acceptation joyeuse et incessante de l’inattendu d’aujourd’hui.

Elle ne se joue pas seulement au moyen de preuves irréfutables, même si elles sont celles que nous voulons étayer sur l’Ecriture. Cette rencontre ne se réalise que dans une relation vivante et actualisée avec Lui dans la foi. Les scribes d’Israël et les mages d’Orient en sont les témoins, chacun dans la manière dont ils ont vécu le même événement.

« Seigneur, tu as révélé ton Fils unique aux Nations, grâce à l’étoile qui les guidait. Daigne nous accorder, à nous qui te connaissons déjà par la foi, d’être conduits jusqu’à la claire vision de ta splendeur. » (Prière d’ouverture de la messe)

année liturgique B