Homélie pour le dimanche 9 novembre

La fête de la dédicace de Saint Jean de Latran a reçu cet honneur non pas qu’elle fut la première église ouverte au culte, ou une basilique donnée et consacrée grâce à l’empereur Constantin en 324 quand cessèrent les persécutions.

LA BASILIQUE DU SAINT SAUVEUR

En réalité, le titre de cette église prestigieuse est : « Saint Sauveur » et c’est ainsi que nous avons, non pas la fête d’un bel édifice de pierre, mais une « fête du Seigneur ».

Sous le nom de Sauveur, c’est le Christ qui est honoré en ce jour, en souvenir du baptistère attenant à la basilique, où tant de Romains reçurent dans les premiers siècles de l’Eglise la vie nouvelle dans l’eau et l’Esprit.

C’est lors de son baptême que le Christ est reconnu Fils de Dieu par son Père et par l’Esprit-Saint. C’est ce jour-là que l’Église prend son départ avec les premiers apôtres, André, Pierre, Philippe.

C’est pourquoi les lectures, loin de mettre en valeur, la stabilité, de l’Eglise romaine, ou la solidité de ses institutions, soulignent bien plutôt qu’elle est le simple point de passage, toujours contesté et pourtant toujours là, qui permet au salut de faire irruption dans le monde.

La présence humano-divine de Jésus va donner aux homes un bien meilleur accès au salut que le Temple de Jérusalem dont le rideau s’est déchiré quand le Christ s’est remis à son Père sur le croix. Temple que les Romains détruisirent quarante ans après.

VOUS ÊTES LE TEMPLE DE DIEU

Saint Paul applique le thème du temple à chaque chrétien. Il est comme une petite Eglise, infiniment aimée, respectée, dans laquelle le Christ se plait à habiter.

Par ses fidèles, l’Eglise, l’Eglise locale comme l’Eglise universelle, est au service de cette construction de chacun dans la foi. Elle doit laisser passer le Sauveur qui vient s’approcher de nous par la parole et les sacrements.

Les premiers disciples ont bien vite compris le sens et la portée de ces déclarations, puisque, dès la première génération chrétienne, aussi bien Pierre que Paul annoncent que le transfert est accompli. Pierre écrit aux chrétiens qu’ils sont les « pierres vivantes » de l’Eglise, et Paul déclare aux Corinthiens qu’ils sont « la maison que Dieu construit » et il ajoute : « Vous êtes le temple de Dieu. »

On utilise le même mot, « Eglise », pour désigner le peuple de Dieu et le bâtiment qui lui permet de se rassembler. Mais s’il faut les respecter, il faut éviter de trop sacraliser les bâtiments. L’église, c’est la maison de Dieu, parce qu’elle est, d’abord, la maison du peuple de Dieu, la maison de la Rencontre avec la présence de Dieu.

Quand le pape saint Sylvestre en 324 a fait la « dédicace » de la basilique du Sauveur, il a, certes, dédié cette église au culte divin, mais il l’a d’abord offerte au peuple chrétien de Rome, pour qu’il puisse y « faire Eglise » à partir du baptistère de saint Jean-le-baptiste..

NOTRE FÊTE

C’est pourquoi l’anniversaire de cette dédicace est non seulement la fête qui célèbre la naissance de la première église chrétienne, mais aussi et surtout notre fête à tous. Nous pouvons nous réjouir au souvenir du bonheur des chrétiens qui, sortant de près de trois siècles de persécutions, pouvaient enfin, sans se cacher, se rassembler au vu et au su de tout le monde pour proclamer la louange divine.

La liturgie de la Dédicace n’est pas celle d’un mémorial de pierres mortes, mais l’actualisation du mystère même de l’Eglise, peuple de Dieu, Corps mystique du Christ et Temple de l’Esprit Saint. L’Eglise est bâtie des « Pierres vivantes » que sont les croyants.

 » Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous? Si quelqu’un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira; car le temple de Dieu est saint, et c’est ce que vous êtes.… »(1 Corinthiens 3.16)

 » En lui vous êtes aussi édifiés pour être une habitation de Dieu en Esprit. » (Éphésiens 2.22)

Grande est alors la responsabilité de chaque baptisé, de vivre sa foi et de la rayonner :  » afin que tu saches, comment il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Eglise du Dieu vivant, la colonne et l’appui de la vérité. » (1 Timothée 3.15)

NOTRE RESPONSABILITÉ

Nous avons bien raison de nous occuper avec soin de nos lieux de culte, c’est un signe de vie… Mais n’oublions pas l’essentiel, qui est le cœur de l’homme, car chacun a pour vocation de devenir la «Demeure de Dieu parmi les hommes» « Puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité ».(Offertoire)

Toute fête de la dédicace n’est pas celle d’une commémoration archéologique, même si je la mets sous le noble vocable : »Art, Culture et Foi » ou bien même « Art sacré ».

La célébration de la dédicace d’un bâtiment doit devenir le moyen de voir, comme dans un miroir, la vocation profonde et l’imminente dignité de l’homme … L’homme a pour vocation de devenir un «Temple de Dieu»! Ainsi son histoire est grande et c’est elle qui est sacrée.

Dans le même temps, quel qu’il soit, cessons de faire une fixation exagérée sur le mal que tout homme peut faire, comme si l’on ne voyait plus que cela! Et aussi une fixation sur le mal que j’ai fait.

Au contraire, regardons l’homme pêcheur avec les yeux du Dieu Miséricordieux ! l’homme a pour vocation de faire des merveilles, de faire de sa vie comme un chef d’œuvre!

Rappelons-nous : la première église dédicacée, celle de 324, s’appelait « la basilique du Sauveur. »

ET LES AUTRES ÉGLISES DE PIERRES

Celle de saint François d’Assise : A vingt-trois ans, alors qu’il se promène dans la campagne, François arrive devant la petite église de Saint Damien (San Damiano). Elle est très ancienne et en mauvais état. Il y entre pour y prier devant le grand et beau crucifix qui se trouve au-dessus de l’autel. C’est alors qu’il entend au plus profond de son cœur, Jésus qui lui dit : « François, relève ma maison qui tombe en ruines ». Il comprend d’abord qu’il lui faut réparer l’église.

Mais l’Esprit de Dieu l’inspire : il se demande si la parole de Jésus qu’il a entendue « François, relève ma maison qui tombe en ruines » ne voulait pas dire aussi autre chose. À cette époque, l’institution qu’est l’Eglise est en crise. Et François découvre, en écoutant l’Évangile à la messe, que sa vocation, c’est de vivre exactement comme le Christ. Alors comme Jésus, il part dans les villes pour annoncer aux hommes que Dieu les aime, qu’il veut les sauver, et qu’il est indispensable de lui parler dans la prière. Et pour cela réunit ses frères franciscains.

Celles détruites au Moyen Orient, par l’incompréhension d’une autre foi, par la haine qu’elle déchaine. Les iconostases, les statues et les tabernacles de la présence réelle du Christ Eucharistie.

Celles qui restent fermées, ou celles qui dans nos pays ne voient personne y entrer dans la journée, alors qu’un fidèle se charge de la laisser ouverte et accueillante.

Et puis un jour, un passant curieux entre dans cette solitude et ce silence. Et la grâce de Dieu l’ouvre à la foi, et lui fait découvrir la présence divine, sans que le sache la brave personne qui a ouvert la porte pour toute la journée.

 » Pourquoi suis-je entrer en cette église ?
Pourquoi aujourd’hui à cette heure, plutôt qu’hier ?
Je ne suis pas le seul à passer devant elle.
Les gens vont et viennent, sans y entrer comme moi ?

 » Je suis rentré dans cette solitude,
parce que j’étais moi aussi dans une solitude et que je ne savais
où aller pour en parler, de moi-même à moi-même.
Alors je suis entré.

 » Et je me suis retrouvé en ce silence.
Et je t’ai retrouvé. Toi Jésus, mon Dieu,
qui ne nous quittes jamais,
même si nous éloignons de toi.

 » Tu penses à nous sans cesse,
même si nos préoccupations accaparent nos pensées.
Tu es là veillant sur nous,
alors que nous pensons que nous avons toutes les sécurités sociales.

 » Et ta voix s’est faite entendre à ma pensée.
Jésus, présence divine en ce lieu,
Je ne suis plus seul.
En ouvrant cette porte, tu m’as conduit à ton Père,

Cette église est devenue pour moi, la porte de Dieu. »

***

Tandis que nous rappelons devant Toi, Seigneur, le jour où tu as fait de cette maison le lieu de ta gloire et de ta sainteté, nous Te prions de nous transformer nous-mêmes en offrande qui te soient agréables. » ( Prière sur les offrandes)

année liturgique B