Homélie pour le dimanche 2 novembre

La solennité de tous les saints ne devait pas manquer d’attirer le souvenir des fidèles défunts, que l’Église évoque chaque jour dans sa prière. Elle le fixa au 2 novembre au début du XIème siècle. A chaque messe, I’Eglise prie d’abord « pour tous ceux qui reposent dans le Christ (Prière eucharistique 1), puis elle élargit sa prière à « tous les morts, dont toi seul connaît la foi » (Prière eucharistique IV), à « tous les hommes qui ont quitté cette vie» (Prière eucharistique II) et dont « toi seul connais la droiture » (Prière eucharistique III).

LE JOUR DES MORTS

Il suffirait de lire les textes de la liturgie de ce jour pour commencer à douter qu’il faille utiliser ce terme : »mort ». Car c’est dans la lumière pascale et la miséricorde du Seigneur que nous sommes en effet conviés à méditer et à prier en ce jour où nous nous souvenons de ceux qui nous ont quittés. Ils ont été appelés à vivre dans la lumière de la vie divine. Comme nous le sommes également , marqués du signe de la foi.

 » Nous ne voulons pas, mes Frères, que vous ignoriez la condition de ceux qui dorment dans le Seigneur, afin que vous ne soyez pas tristes comme ceux qui n’ont point d’espérance ». C’était le désir de l’Apôtre saint Paul, écrivant aux premiers chrétiens dans sa 1ère lettre aux Thessaloniciens, chapitre 4 / 13-14.

Il faut alors se souvenir que les Saints – chaque fois que cela est possible ou connu – sont fêtés au jour de leur mort. La liturgie et la tradition chrétiennes désignent d’ailleurs ce jour du beau nom latin de «dies natalis» autrement dit, le jour de leur naissance au Royaume.

Pour tous les défunts, qu’ils soient chrétiens, bouddhistes, musulmans, ou d’autres convictions, c’est le « dies natalis ».

« Souviens-toi de tous les hommes qui ont quitté ce monde et dont tu connais la droiture, reçois-les dans ton Royaume où nous espérons être comblés de ta gloire ensemble et pour l’éternité » (Prière eucharistique III)

LES FIDÈLES DÉFUNTS

La liturgie se refuse à suivre l’usage populaire qui nomme ce jour :  » jour des morts », alors qu’il ouvre sur la vie divine. L’Église le nomme « Commémoration de tous les fidèles défunts».

Morts ou défunts, il importe peu, pensera-t-on, c’est la même chose! Il faut alors se convaincre qu’il n’en est rien en ayant recours une fois encore à l’étymologie. « Défunt » est un mot latin qui a été christianisé comme tant d’autres mots.

«Functus» en latin signifie «s’acquitter de» ou «accomplir». Défunt signifie donc «celui qui s’est acquitté de la vie» qu’il a reçue de Dieu. Le défunt est bien celui qui a rempli «les vocations» auxquelles Dieu l’a appelé au cours des rythmes de son existence terrestre.

Il les a vécues. Bien? Mal? Splendidement ou médiocrement? Cela importe peu en première analyse pour la miséricorde de Dieu . Il a vécu une vie d’homme ou de femme, celle qu’il a reçue de Dieu et ils sont arrivés au terme.

La foi chrétienne doit prendre en compte leur vie selon la pensée de Dieu. L’Église, qu’ils le sachent ou non, les a accompagnés de sa prière. Et s’ils ont reçu le baptême, de ses sacrements., car ils étaient « enfants de Dieu et de l’Église », comme le prêtre ou le diacre le leur ont dit.

L’Église ne se considère jamais quitte et intercède sans cesse pour tous, « pour le salut du monde et la gloire de Dieu », (offertoire) pour que Dieu en sa miséricorde et son propre jugement, leur accorde, comme une « assurance-vie », le pardon et la paix du Royaume.

Il est bien clair que pour le chrétien s’acquitter de la vie n’a de sens que dans la fidélité au Seigneur. La prière instante de l’Église n’ignore pas que nous sommes pécheurs. C’est le sens de son intercession : elle prie pour ceux et celles qui lui furent confiés et elle ne veut pas la perte d’un seul de ceux-ci.

Ce 2 novembre est un jour de fête de la foi et d’espérance, par-delà la séparation qu’est le fin de notre vie terrestre, dans la paix comme dans la souffrance, la solitude ou la présence de nos familles, la torture du martyre ou l’attentive bonté des soins palliatifs.

L’HEURE DE LA RENCONTRE

La mort, restera toujours et en tout cas, un lieu de combat, un lieu de révolte ou de résignation. Le mot «agonie» n’a-t-il pas pour étymologie, un mot grec qui signifie « le combat »?

Pour le Chrétien, la mort est la rencontre avec Celui qui est vainqueur et ressuscité. Elle est espérance dans la foi qui est la sienne, que ses parents, son parrain et sa marraine ont dit en son nom :  » je crois en la résurrection des morts et à la vie du monde à venir. »

Le chrétien qui entre avec foi dans la mort, refuse le désespoir et il remet son esprit entre mains du Christ selon ce mot du psaume qu’il a repris sur la croix.  » Ô Père, en tes mains, je remets mon esprit. » ( Luc 23-4)

La mort chrétienne, si dure soit-elle, est passage en Jésus qui est ressuscité et exalté par le Père.

L’HEURE DÉFINITIVE DE LA VIE

Notre civilisation occidentale moderne veut occulter la mort. Elle fait peur et on la dissimule et on la farde tant que l’on peut !

Nous-mêmes récitons parfois si vite l’Ave Maria que nous oublions de penser à ce que nous disons chaque jour et tant de fois en égrenant notre chapelet « Maintenant et à l’heure de notre mort» ! Oui, il n’y a que 365 jours dans une année et, sans le savoir, nous passons chaque année sur une date qui sera un jour celle de notre mort.

Jadis, la prédication chrétienne n’oubliait jamais de le dire, mais souvent dans un climat de terreur, il est vrai. Aujourd’hui les conflits utilisent même le fait que nous sommes mortels pour vaincre ! Et nos civilisations sont mortelles!

Puissions-nous prier aujourd’hui, Celle qui, élevée et arrachée à la mort, veille sur nos vies et veillera sur notre mort. La Vierge Marie est en effet un signe de la bonté de Dieu. Elle a accompli pleinement sa vie en un amour qui nous annonce que le Seigneur n’est pas le Dieu des morts mais des vivants.

LEVE-TOI VERS LE PAYS DE DIEU

Quitte ce vieux monde, mon frère,
ne te mets pas en retard.
Quitte la vieille terre.
c’est l’heure de ton départ.
Lève-toi, marche et va vers le pays
que Dieu te montre.

Dieu t’attend dans ses bras,
cours vite à sa rencontre.
La liberté part en voyage.
Laisse là tes bagages et ton dernier soupir.

Au nom du Dieu vivant
le Père de tous les commencements.
Au nom de Jésus-Christ
mort sur sa croix, en t’ouvrant les bras.
Au nom du Saint-Esprit
qui t’embrasse dans son baptême,
au milieu des vivants.

Au nom de Marie recevant mort
ce Jésus-Christ corps de son corps.
Au nom de tous les saints et saintes
qui t’attendent au portail.

C’est maintenant ta naissance
ce sont les dernières douleurs.
Entre en la maison de Dieu.

Est-il -le Dieu des cimetières
ou le matin de l’avenir?
Peuple de Dieu,
en votre éternité soyez aimable,
serrez-vous donc pour accueillir
l’invité qui vient du froid et de l’argile,
qui revient du sable et du vent.

Au nom du cri de l’Évangile
et de Jésus le ressuscité,
venez l’accueillir
à la fête des fêtes
(Jean Debruynne)

année liturgique B