« Face aux migrations, dépassons la peur ! » par Frère Alois

14 Juillet 2015 : La Communauté de Taizé accueille chaque semaine des milliers de jeunes du monde entier. Portrait du Frère Alois, prieur de Taizé depuis 2005. Taizé (71), France.  July 14 2015: The Taizé Community hosts weekly thousands of young people worldwide. Portrait of Brother Alois. Taizé, France.

14 Juillet 2015 : La Communauté de Taizé accueille chaque semaine des milliers de jeunes du monde entier. Portrait du Frère Alois, prieur de Taizé depuis 2005. Taizé (71), France.July 14 2015: The Taizé Community hosts weekly thousands of young people worldwide. Portrait of Brother Alois. Taizé, France.

Dans cette tribune (La Croix du 7 mars 2016), Frère Alois, prieur de Taizé, partage l’expérience de la communauté œcuménique en matière d’accueil de l’étranger. Il encourage une « mondialisation de la solidarité ».

Dans le monde entier, des femmes, des hommes et des enfants sont obligés de quitter leur terre. C’est leur détresse qui crée en eux une motivation pour partir. Celle-ci est plus forte que toutes les barrières dressées pour entraver leur marche. Je peux en témoigner pour avoir passé récemment quelques jours en Syrie. À Homs, l’étendue des destructions dues aux bombardements est inimaginable et j’ai ressenti le désespoir des habitants.

Les grands flux migratoires auxquels nous assistons sont inéluctables. Ne pas s’en rendre compte serait faire preuve de myopie. Chercher comment réguler ces flux est légitime et même nécessaire, mais vouloir les empêcher en édifiant des murs est vain. Ne permettons pas que le rejet de l’étranger s’introduise dans nos mentalités car le refus de l’autre est le germe de la barbarie.

Dans une première démarche, les pays riches devraient prendre une plus claire conscience qu’ils ont leur part de responsabilité dans les blessures qui ont provoqué et continuent à provoquer d’immenses migrations, notamment depuis l’Afrique ou le Moyen-Orient. Et aujourd’hui, certains choix politiques demeurent sources d’instabilité dans ces régions. Une deuxième démarche devrait les amener à aller au-delà de la peur de l’étranger et à se mettre courageusement à façonner le visage nouveau que les migrations donnent déjà à nos sociétés.

Au lieu de voir dans l’étranger une menace pour notre niveau de vie ou notre culture, accueillons-le comme un membre de la famille humaine. Si l’afflux de migrants crée certes des difficultés, il peut aussi être une chance. De récentes études montrent l’impact positif du phénomène migratoire, pour la démographie et l’économie. Ceux qui frappent à la porte de pays plus riches que le leur poussent ces pays à devenir solidaires. Ne les aident-ils pas à prendre un nouvel élan ?

Je voudrais situer ici notre expérience de Taizé. Elle est humble et limitée mais très concrète. Depuis novembre dernier, en relation avec la préfecture, la communauté de communes et des associations locales, nous hébergeons onze jeunes migrants du Soudan – dont la plupart du Darfour – et de l’Afghanistan, tous venus de Calais. Leur arrivée a éveillé un élan de solidarité dans notre région : des bénévoles viennent leur enseigner le français, des médecins les soignent gratuitement, des voisins les emmènent faire des sorties, des promenades à bicyclette… Ainsi entourés d’amitié, ces jeunes qui ont traversé de tragiques événements dans leur vie sont en train de se reconstruire. Et un tel contact simple avec des musulmans change le regard de ceux qui les côtoient.

Si une telle expérience est possible au niveau d’une petite région, pourquoi ne le serait-elle pas à une échelle beaucoup plus vaste ? On a tort de penser que la xénophobie est le sentiment le plus partagé – souvent, il y a surtout beaucoup d’ignorance. Dès que les rencontres personnelles sont possibles, les peurs font place à la fraternité. Celle-ci est le seul chemin d’avenir pour préparer la paix.

En assumant ensemble les responsabilités qu’appelle la vague migratoire, plutôt qu’en jouant sur les peurs, les responsables politiques pourraient aider l’Union européenne à retrouver une dynamique qui s’est émoussée.

Toute une jeune génération européenne aspire à cette ouverture. Nous le constatons, nous qui depuis de longues années recevons sur notre colline, pour des rencontres internationales d’une semaine, des dizaines de milliers de jeunes de tout le continent. À leurs yeux la construction de l’Europe ne trouve son vrai sens que si elle se montre solidaire avec les autres continents et les peuples les plus pauvres.

De nombreux jeunes européens ont peine à comprendre leurs gouvernements quand ceux-ci manifestent une volonté de fermer les frontières. Ces jeunes demandent au contraire qu’à la mondialisation de l’économie soit associée une mondialisation de la solidarité, et que celle-ci s’exprime en particulier par un accueil digne et responsable offert aux migrants. Beaucoup d’entre eux sont disposés à y contribuer.

Frère Alois, prieur de la communauté œcuménique de Taizé
Tribune parue le 7 mars 2016 dans le journal La Croix et reproduite avec l'aimable autorisation de la rédaction.

 

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