Que répondent des scientifiques du climat aux doutes sur l’origine du changement climatique ?

cop21_affiche_climatFiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC N°39, 2015) sur l’origine du changement climatique.

L’argumentation des climatosceptiques

Ils n’essayent pas de prouver que l’activité humaine n’est pour rien dans le réchauffement climatique, parce que leur problématique même l’interdit. Il est en effet exclu de chercher des preuves sous forme de traces scientifiquement mesurables d’un phénomène ou d’un événement dont on veut prouver qu’il n’existe pas ou n’a pas eu lieu. Leur argumentation  a donc deux volets:

1) Trouver au réchauffement climatique des explications suffisantes, sans qu’il soit besoin de faire appel aux émissions de CO2 et à l’effet de serre–ce sera «l’activité solaire et la variabilité naturelle du climat».

2) Critiquer les méthodes d’investigation et de raisonnement du GIEC1, de manière à prouver qu’elles n’apportent pas de preuves irréfutables de «l’action anthropique» et qu’elles sont même peu sérieuses.

Le but, exprimé en maintes occasions, est de faire prévaloir le doute sur les causes humaines du réchauffement climatique, ou au minimum d’imposer que, puisqu’il n’y a pas unanimité et au contraire débat, la question doit rester ouverte et ne peut être tranchée. En conséquence, lorsque l’Église appelle à des efforts en vue d’une réduction sensible des émissions de CO2, elle se fonderait hâtivement sur une «science» contestable et contestée et se laisserait influencer par des lobbies écologistes dont la vision de l’homme et de sa vocation ne coïncident que marginalement avec la Révélation chrétienne.

Les cinq points majeurs du débat

En réponse aux critiques des climatosceptiques, deux scientifiques du GIEC2 critiquent à leur tour les méthodes d’investigation et de raisonnement visant à rendre compte du réchauffement climatique en «faisant l’économie» des émissions de CO2.

1. La fiabilité des mesures

– Pour valider des résultats les amenant à conclure que «l’activité solaire et la variabilité naturelle» suffisent à expliquer la situation actuelle,les climatosceptiques recourent à une série de mesures de températures moyennes sur plus de mille ans.

– Or, selon les scientifiques du GIEC, il n’y a aucune commune mesure entre la précision des mesures effectuées depuis 50 ans et celle des années de 1000 à 1800. Les données ne sont pas de qualité comparable; l’incertitude sur celles des premiers siècles est très importante.

– Leurs opposants répondent qu’on ne peut se contenter d’étudier seulement les 150 dernières années, ni donc ignorer les donnéesdisponibles pour les périodes antérieures.

– La réplique est que ces données antérieures sont bien prises en compte dans les rapports du GIEC, avec les précautions requises par leur degré de fiabilité.

2. Différence entre hémisphères Nord et Sud

– Les climatosceptiques exploitent les mesures évaluées depuis les années 1000. Celles-ci reflètent essentiellement les températures d’abord des pays d’Europe, puis de l’hémisphère Nord, puis (seulement à partir du XXesiècle et plus précisément depuis 50 ans), les températures moyennes globales de la Terre.

– Or il est constaté que l’accroissement des températures est plus élevé dans l’hémisphère Nord que dans l’hémisphère Sud(où les surfaces d’océans dominent sur celles des continents). En prenant à partir du XXesiècle la température moyenne globale, il est permis d’estimer que les climatosceptiques minimisent le réchauffement en cours par rapport à la période antérieure.

– Deuxième défaut: en mélangeant l’Europe, l’hémisphère Nord, et l’ensemble de la Terre, ils utilisent des données qui ne sont pas homogènes, donc non comparables.

3. Concentration de CO2 avant et après 1800

– La concentration de CO2 dans l’atmosphère peut être considérée comme constante pendant 800 ans à partir de l’an mil, et elle augmente seulement à partir de 1800 –sauf que, pour cette augmentation, il ne s’agit pas du même CO2. Dans la première période, il y a un état d’équilibre entre la végétation, les océans et l’atmosphère. Dans la deuxième période, l’augmentation du CO2 vient principalement de la combustion de charbon, de fioul et de gaz enfouis depuis des millions d’années dans le sous-sol. Autrement dit, entre 1000 et 1800, le CO2 est une variable interne au climat, sans effet sur les variations du climat; au contraire, à partir de 1800, il agit comme une variable externe et, selon les scientifiques du GIEC, une variable active sur le climat.

Aussi demandent-ils à leurs opposants climatosceptiques de vérifier si leur modèle, construit sur les données de la période 1000 à 1800, est capable de prévoir l’accroissement de la température de l’hémisphère Nord après 1800 sans prendre en compte la croissance de la concentration en CO2.

4. Température moyenne globale ou niveau des océans ?

– Les scientifiques du GIEC expliquent que le réchauffement climatique provient d’un accroissement de l’effet de serre. Sans effet de serre, nous aurions -18°C sur la Terre, au lieu de 15°C. L’accroissement de l’effet de serre du fait des émissions de CO2 se traduit par une augmentation de l’énergie thermique conservée sur la Terre pour la même énergie du rayonnement du soleil. 93 % de cette augmentation d’énergie sont absorbés par les océans; 3% sont captés par la fonte des glaciers continentaux et des calottes polaires; 3% sont stockés par le sol des continents; et 1% seulement se traduit par une augmentation de la température de l’atmosphère.

– Lorsque les climatosceptiques réduisent le réchauffement climatique à l’augmentation de la température moyenne globale, ils ne prennent en compte dans leur modèle que 1% de la réalité de ce phénomène. Certes, la température varie  dans le même sens que les émissions de gaz à effet de serre, mais elle est également sensible à la variabilité naturelle du climat sur plusieurs années (phénomène El Nino, ou l’inverse La Nina,circulation thermo haline…), et aussi aux éruptions volcaniques.

– Le paramètre le plus représentatif de l’évolution du climat est le niveau des océans, car c’est là que sont emmagasinés 96% de l’augmentation d’énergie thermique due à l’accroissement de l’effet de serre. Or il a été montré que le niveau des océans était constant depuis plusieurs milliers d’années et qu’il augmente régulièrement depuis l’ère industrielle, avec une pente qui s’accentue depuis 50 ans (1/3 par la fonte des glaciers continentaux, 1/3 par la fonte des calottes polaires, 1/3 par la dilation des océans du fait du réchauffement des eaux).

– Si les climato sceptiques prenaient pour leurs calculs non pas la température mais le niveau des océans, ils arriveraient probablement à cette conclusion que le réchauffement provient bien de l’accroissement des concentrations en CO2 et autres gaz à effet de serre.

5. Augmentation du rayonnement solaire ?

– Les scientifiques du GIEC affirment que, sur la base des mesures directes par satellite du rayonnement solaire total et de la compréhension de la physique du climat, les changements de ce rayonnement solaire n’ont pas contribué au réchauffement de la planète au cours de la période allant de 1986 à 2008, contrairement à ce qu’écrivent les climatosceptiques. C’est d’autant plus vrai que l’irradiance a plutôt légèrement décru au cours de ces 20 dernières années.

À cela, les climatosceptiques répondent que ce n’est pas parce que les mesures ne montrent pas d’augmentation notable du rayonnement solaire que le soleil n’a pas son importance dans le réchauffement. Ce rayonnement solaire peut bénéficier d’un phénomène amplificateur. Ce n’est pas parce que l’on ne trouve pas d’explication à ce phénomène qu’il n’existe pas.

François Barthélemy, Jean-Pierre Chaussade, O.F.C., Jean Duchesne, O.F.C.

1 GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental pour l’évolution des climats.
2 Il s’agit de Valérie Masson-Delmotte, directrice de recherche au CEA (Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement, Gif-sur-Yvette), qui a coordonné la rédaction de chapitres du dernier rapport du GIEC, et de François-Marie Bréon, physicien, directeur-adjoint du Laboratoire des Sciences du climat et de l’Environnement ; il a participé à la rédaction du dernier rapport du GIEC.

 

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