« Famille, je vous aime » par Mgr Aupetit

Mgr Michel Aupetit, évêque de NanterreRéflexion de Mgr Michel Aupetit, évêque de Nanterre, sur la notion de famille et la filiation, dans le contexte du Synode des évêques sur la famille (Rome, 4-25 octobre 2015).

La famille peut apparaître comme une instance immuable fondée sur un couple à l’origine de la vie et de la filiation. Or, l’histoire nous révèle une évolution complexe de la notion de famille. D’après les historiens, à l’ère paléolithique, les sociétés vivent sous le régime du matriarcat avec un système endogamique (unions à l’intérieur du clan) où la figure paternelle n’existe pas. Par cette filiation matrilinéaire les enfants n’ont qu’un seul parent : la mère. Ces sociétés nomades ou semi itinérantes sont composées de 40 à 60 personnes en guerre perpétuelle. Ce type de structure familiale est généralisée puisqu’elle se retrouve chez les Cananéens,les Egyptiens, les Numides, les Berbères, les Grecs primitifs (Sparte et Crète), les Etrusques et on en retrouve des traces aussi bien en Inde que dans les sociétés amérindiennes et chez les Esquimaux.

L’apparition progressive du patriarcat au sortir du néolithique va bouleverser la structure familiale car l’enfant aura désormais deux parents : un père et une mère. L’inceste et l’adultère sont alors condamnés pour garantir la légitimité du père. On le voit avec les lois de Gortyne en Grèce, la loi des 12 tables à Rome et, bien sûr, les 10 commandements donnés à Israël. On en retrouve aussi des traces, là encore, dans le Livre des morts d’Osiris et dans les lois mésopotamiennes. Si, à Rome, c’est bien le « consentement qui fait les noces », en réalité il n’y a pas de choix amoureux. La sexualité est essentiellement orientée vers la procréation pour la prospérité de la famille et ce sont les parents qui décident du choix des époux. Ceci a perduré très longtemps et l’Église n’a jamais pu imposer son modèle de « mariage chrétien fondé sur l’amour » dans des sociétés pourtant largement évangélisées. En France, ce n’est qu’à partir de 1880 que le mariage d’amour est devenu majoritaire.

Le petit d’homme n’a pas de mémoire instinctuelle contrairement à la plupart des animaux. Il doit tout acquérir par apprentissage. Il lui faut donc beaucoup de temps pour acquérir son autonomie. D’où la nécessité d’une structure familiale nécessaire à son développement et à son éducation.

Ensuite, il lui faut apprendre à « être fils », c’est-à-dire de s’accepter soi-même dans une identité qui ne peut se recevoir que d’un autre. Il ne suffit pas de se savoir « fils de » bien que les généalogies soient présentes à toutes les époques.

Alors que les réponses au questionnaire montrent les disparités extraordinaires qui existent entre les cultures, occidentale, africaine, indienne ou d’Amérique du sud, on sent bien que cette question de la famille est cruciale pour l’avenir et qu’il convient non seulement de l’aimer mais d’en faire le creuset de l’amour pour bâtir une civilisation nouvelle.


Mgr Michel Aupetit
Évêque de Nanterre

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