« Le Père éternel veut nous faire miséricorde » par Mgr Macaire

Mgr David Macaire, opHomélie de Mgr David Macaire, archevêque de Fort-de-France (Martinique), à l’ouverture de la Porte Sainte de la cathédrale Saint-Louis, dimanche 13 décembre 2015, pour le Jubilé de la Miséricorde.

« Frères et sœurs, la liste des misères est longue. Maintes fois, dans nos sermons, dans nos discours, dans nos prières personnelles, dans nos prières universelles, dans nos analyses sociologiques, nos bibliothèques, nos livres, nos journaux, dans nos journaux télévisés, dans nos discussions de famille, dans nos campagnes électorales, nous avons fait la liste détaillée des maux nombreux qui pèsent sur notre société. Des maux nombreux qui pèsent sur notre terre, de tout le mal qu’il y a dans le cœur humain. Dans nos cœurs, dans ceux des autres, sur nos enfants, sur le monde, sur la planète…

Moi-même, il y a quelques semaines je décrivais en termes alarmés notre société (…).

Devant cela, nous en demandons beaucoup et certainement beaucoup trop à la science, à l’économie, à la politique. Nous leur en demandons tellement que finalement nous sommes bien souvent déçus parce que nous mettons en eux notre espoir. Mais les scientifiques, les maîtres de l’économie, les politiques ne peuvent nous donner que ce qu’ils ont !

Ce n’est pas la politique, ce n’est pas la science, ce n’est pas l’économie qui vont nous libérer du péché, qui vont nous réconcilier avec toutes les divisions qui nous assaillent entre les différentes composantes de notre peuple : békés et noirs, coolis et noirs, métropolitains et créoles….

Ce n’est pas la politique, la science ou l’économie qui pourra nous libérer des conflits sociaux durs, violents, traumatisants, des dominations entre homme et femme, des jalousies entre femmes, de l’amertume entre tant d’enfants et leur père absent, violent ou adultère.

Ce n’est pas tout cela qui nous libérera, mais le Christ bien sûr !

La Miséricorde, c’est une expérience, un toucher, l’expérience d’un amour qui pardonne et qui se donne, celle de la certitude : Il m’a touché !

Le chemin spirituel que je vous ai proposé est un chemin, je le reconnais, qui n’est pas à notre portée. Il s’agit, comme le père du fils prodigue, de détourner son regard de sa propre blessure, celle que l’autre m’a faite, pour regarder la souffrance de l’autre ; pour regarder celui qui lui-même a souffert et qui lui-même nous a blessés. Consentir à ne pas recuire indéfiniment sa propre souffrance, mais habiter celle de celui-là même qui l’a provoquée.

Ce chemin est au-delà de notre capacité. Par nous-mêmes, par nos propres efforts même spirituels, psychologiques, nous ne pourrons pas aboutir à cette réconciliation, à cette délivrance. Nous avons besoin, absolument, de la Miséricorde du Père. Il FAUT que le Père des Miséricordes intervienne dans nos vies, dans nos familles, dans notre peuple, dans toutes les dimensions de notre société, de notre monde. Que l’œuvre du Père soit faite.

La Miséricorde, ce n’est pas un mot, frères et sœurs, ce n’est pas un concept, ce n’est pas une idée, ce n’est même pas un discours. La Miséricorde, c’est une expérience, un toucher, l’expérience d’un amour qui pardonne et qui se donne, celle de la certitude : Il m’a touché !

Le Père éternel veut nous faire miséricorde, à vous, à moi, à tout homme en ce monde. Il veut se laisser toucher et venir nous toucher. Mets ton doigt dans mon côté, dit-il à Thomas. Prenez et mangez, dit-il en parlant de son corps.

Dans la vision de sœur Faustine, ce beau tableau du Christ, roi de Miséricorde et de Gloire, les rayons qui sortent des mains semblent venir jusqu’à nous, nous toucher.

Sur l’icône de la Vierge de la Miséricorde, la Vierge touche son fils et son fils touche le manteau de la Vierge, sa mère. Elle va circuler dans nos paroisses, dans nos familles pour que nous puissions, par ce symbole, être touchés par ce signe. Au moment où la misère nous (me) transperce, Dieu m’envahit de sa Miséricorde. Il ne me juge pas. Il m’aime. Non pas pour mes petits signes de bonté, il m’aime à cause et avec mes faiblesses, mes petitesses, mes misères, justement.

Quand il nous touche, il nous purifie. Il faut que tous l’entendent !

Il y a, avec cette porte qui s’ouvre, avec ces portes qui s’ouvrent dans nos sanctuaires (bientôt à la cathédrale de Saint-Pierre, puis au Morne-Rouge, à Sainte-Anne, à Balata), avec cette année, avec ce temps qui s’ouvre, avec cette année de bienfaits, un chemin qui s’ouvre. Mais ce n’est pas le chemin de la perfection, ce n’est pas le chemin des parfaits, des « bien-pensants », des « bonnes personnes » qui savent tout, qui sont sûres d’elles-mêmes ! Ce soir s’ouvre le chemin des imparfaits, des blessés, des boiteux, le chemin de tous ceux qui se reconnaissent pauvres et nuls devant le Seigneur.

La porte s’est ouverte, elle s’ouvrira sans cesse cette année : le Christ le veut ! Le Père le veut pour tous ceux qui se sentent, d’une façon ou d’une autre, exclus dans l’Eglise, voire par l’Eglise. Même si ce n’est pas vrai, on ne peut pas nier que beaucoup se sentent rejetés : les divorcés, les divorcés remariés, ceux qui vivent en concubinage, ceux qui prennent la contraception, ceux qui ont pratiqué une IVG, ceux qui pratiquent des superstitions ou des idolâtries, les personnes homosexuelles, les croyants des autres religions, les incroyants ou les mécréants, les « sans Dieu » et tous les blessés de la vie. Pour eux, la porte s’est ouverte. Pour eux, pour nous, la porte s’est ouverte.

La porte de la Miséricorde, c’est le Père qui l’ouvre, comme un « chemin de l’imperfection », pour nous donner lui-même sa sainteté, pour nous toucher. Quand il nous touche, il nous purifie. Il faut que tous l’entendent et si la porte de certains cœurs de ceux que j’ai nommés est encore fermée, qu’elle s’ouvre au plus vite ! Au nom de tous les chrétiens qui ont pu les blesser, je leur demande pardon.

L’Eglise doit être, dit le Pape François, le lieu même de la Miséricorde, où tous les exclus se sentent accueillis, aimés, choyés, préférés par l’amour miséricordieux de Dieu. Il n’y a pas d’autre chemin pour l’Eglise, il n’y a pas d’autre chemin pour le monde. Alors que le monde enseigne la loi du plus fort, la loi du chacun pour soi, nous, avec le Père miséricordieux, nous apprenons que l’imparfait, le petit, le blessé, est un préféré, un bien-aimé, un chéri de Dieu.

Alors, aujourd’hui, oui, les portes sont ouvertes, les portes de la Miséricorde, pour une année de bienfaits et de grâce. Elle n’aura peut-être pas de fin, mais elle commence aujourd’hui. Ce temps de la miséricorde pour chacun d’entre nous est aussi, d’abord, celui de la conversion personnelle. Car c’est à partir du milieu de notre cœur, du centre de notre vie, dans les zones les plus sombres de notre existence, c’est à partir de cela que le Seigneur va convertir le monde. C’est à partir du lieu de notre propre conversion, où réside celui qui nous a blessés, celui que nous n’aimons pas, celui qui nous a torturés notre vie durant ou qui nous a mal parlé, c’est à ce lieu-là que le Seigneur s’adresse, c’est là que la porte s’ouvre aussi.

L’Eglise nous donne différents signes pour accomplir cela, et parmi ces signes, le plus élevé : le sacrement de la réconciliation, lieu de la miséricorde. Il y aura beaucoup de confessions au cours de cette année, beaucoup de joie alors ! Beaucoup de liberté, beaucoup de libération. C’est un 22 mai perpétuel ! Il y aura des temps de jubilé, car c’est une année de joie et nous allons avec les familles, les prêtres, les religieuses, les prisonniers, les malades et bien d’autres encore, manifester cette joie par des rendez-vous qui nous serons donnés.

A la fin de chaque eucharistie, nous nous tournerons vers la Vierge, Mère de Miséricorde, en chantant le Salve Regina. La Vierge, par le signe de cette icône, que nous venons de bénir, passera, comme je le disais tout à l’heure, de paroisse en paroisse, de quartier en quartier, de famille en famille, pour que, chacun, nous soyons rejoints, personnellement.

Combien d’âmes ont déjà été réconfortées et le seront cette année par l’invocation : Jésus j’ai confiance en toi

Je demande au Seigneur et à vous, frères et sœurs, d’y inviter les plus éloignés de l’Eglise, les plus improbables, ceux que parfois nous ne regardons peut-être pas parce qu’ils ne sont pas de chez-nous : c’est pour eux que la porte est ouverte car ils sont nos frères et nous leur ressemblons beaucoup en vérité. Tout cela bien sûr, toutes ces manifestations extérieures n’ont de sens que si la prière, la confession, la conversion, les gestes de pardon et d’amour se multiplient dans notre diocèse, dans notre vie personnelle quotidienne.

Je voudrais citer pour finir ce message du saint pape Jean Paul II disant que la Miséricorde est le don le plus beau que l’Eglise pouvait faire au monde tout entier : « Le message réconfortant de la miséricorde s’adresse à celui qui, touché par une épreuve particulièrement dure, écrasé par le poids du péché, celui qui a perdu toute confiance en la vie, est tenté de céder au désespoir. C’est à lui que se présente le doux visage du Christ. Le doux visage, je l’espère aussi, de l’Eglise. Combien d’âmes ont déjà été réconfortées et le seront cette année par l’invocation : Jésus j’ai confiance en toi. »

Combien d’initiatives dans nos familles, nos mouvements, nos communautés de quartier, nos paroisses, nos sanctuaires permettront à des hommes et des femmes de retrouver ce regard posé sur eux : Jésus, j’ai confiance en toi.

Combien de cœurs seront enfin délivrés, combien de chaînes tomberont lorsque des âmes auront dit : Jésus, j’ai confiance en toi.

Combien de nuages les plus épais vont se dissiper dans nos vies, combien de démons seront chassés lorsque nous dirons et redirons : Jésus, j’ai confiance en toi.

Et que la lumière soit sur chacun d’entre nous parce que le Dieu, Père de Miséricorde, nous a fait miséricorde. Amen. »

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