Père Gilles Drouin : « Tant d’images et de visages, habitent définitivement mon cœur depuis ces moments incroyables »

GILLES DROUIN - SECRETAIRE GENERAL DES J.M.J.Gilles Drouin, prêtre du diocèse d’Évry, chargé d’enseignement au séminaire d’Issy les Moulineaux et à l’Institut Supérieur de Liturgie du Theologicum (ICP) était en 1997, secrétaire général des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ).

« Certains dans l’équipe de préparation des JMJ de 97 ont parlé d’expérience pascale. Et je crois que c’est juste. Une expérience magnifique mais parfois rude humainement et qui a débouché sur un moment incroyable de grâce et de joie.

J’ai rejoint la toute petite équipe de préparation le 1er avril 1996 soit 16 mois avent le jour J. J’avais été contacté par un ami, alors directeur de cabinet du cardinal Lustiger, en raison d’une expérience d’organisation dans le privé. J’étais évidemment chrétien, mais il s’agissait avant tout d’une mission d’organisation, et, pas dans une perspective « vocationnelle », laquelle s’est cristallisée plus tard. Le projet était donc fondamentalement professionnel mais ces mois ont constitué une expérience humaine et spirituelle inoubliable.

Une expérience humaine d’abord, parce qu’il fallait gérer et accompagner la croissance, puis la décroissance, d’une équipe qui, lorsque je suis arrivé ne comptait que quatre permanents. Nous avons eu la chance grâce à Monseigneur Michel Dubost alors évêque aux armées de bénéficier d’appelés du contingent, tous volontaires, des jeunes gens auxquels l’Église a donné des responsabilités qu’aucune organisation civile ne leur aurait donné. Il a fallu les accompagner, les soutenir dans un contexte où les incertitudes, les tensions ne manquaient pas. Ça a été la partie finalement la plus importante, délicate mais combien passionnante, de ma mission. Aider ces jeunes gens, riches de leur enthousiasme et de leur générosité, à ne pas se laisser happer par le doute, voire l’amertume quand les comportements, les attitudes s’écartaient de ce qu’ils attendaient légitimement d’une structure d’Église. J’ai eu, je crois, la grâce, d’un attachement solide à l’Église, qui, j’espère, a été communicatif. Et c’était vital dans ce contexte. Et c’est là que l’expérience humaine rejoint une expérience profondément spirituelle, ecclésialement spirituelle.

Les questions techniques ont été incroyablement compliquées. Il a tout d’abord fallu imaginer puis mettre en place une organisation mixte composée d’une ossature de professionnels, en raison de l’ampleur de l’évènement, mais sur laquelle se greffait un apport massif de bénévoles, à la fois pour des raisons de coût mais aussi et surtout pour des raisons pastorales. La mobilisation des réseaux d’Église a été une préoccupation constante. Il a fallu aussi évidemment veiller à l’équilibre financier de l’opération : je me souviens quand je suis arrivé de ne pas avoir la trésorerie pour payer la petite équipe, dont moi, à la fin du mois. Nous avons quêté, à Reims, Tours et Auray, en marge du voyage de Jean Paul II en avril 96, puis mis au point un plan de bataille pour récolter des fonds ou, bénéficier de prestations de services à prix coutant, beaucoup d’entreprises nous ont aidé de cette manière. Je suis particulièrement fier d’avoir, avec nos équipes, maitrisé les coûts, une préoccupation constante de notre président, 310 millions de francs engagés sur un budget de 280, un dépassement très faible dans ce type d’évènement, et surtout d’avoir terminé avec un excédent de 30 millions, intégralement reversé à la pastorale des jeunes des diocèses de France.

Mais évidemment, le « miracle », pascal, parce que survenant après de longs mois souvent difficiles, a été celui de cette ambiance extraordinaire qui régnait dans une région capitale, pacifiquement envahie par des centaines de milliers de jeunes aussi joyeux que magnifiques, une participation qui dépassait à chaque étape les prévisions les plus optimistes, il y a aussi eu cet incroyable retournement de la presse, initialement goguenarde vis-à-vis ce qu’elle qualifiait de « catho pride », et progressivement charmée puis impressionnée par ce qui se passait. Le plus important est évidemment invisible et non mesurable, c’est dans les cœurs que cela s’est passé. Je suis tout sauf objectif, mais je crois que 97 marque une date importante dans l’histoire récente de l’Église de France, une date encore difficile à caractériser, celle de l’émergence de la fameuse Génération Jean Paul II qui a tant renouvelé le visage de l’Église depuis 20 ans. L’Esprit a soufflé à coup sûr sur Paris et sur l’ensemble des diocèses de France au cours de ces jours torrides d’août 97. Il est peut-être temps 20 ans après de relire ce qu’Il a voulu dire à notre Église, tant de lumière, de joie, de vitalité et, en même temps quelques « ombres » : la courbe des ordinations n’a semble-t-il pas été impactée par ces JMJ et poursuit sa lente érosion, qu’est-ce que l’Esprit veut donc dire à notre Église ?

Après le temps de « clôture » de l’évènement, j’ai repris, comme tous les membres de notre équipe que nous avons voulu accompagner personnellement dans leur retour à la vie « normale », un travail professionnel puis je suis devenu, trois ans plus tard séminariste puis prêtre du Diocèse D’Évry.

Tant d’images, et surtout de visages, habitent définitivement mon cœur depuis ces moments incroyables. Le temps a passé, je suis devenu liturgiste, bientôt directeur de l’Institut Supérieur de Liturgie de Paris, le temps est venu pour moi, après une longue éclipse de revenir, paisiblement, sur ce qui s’est passé, j’ai essayé de le faire, au plan liturgique, pour un récent colloque, avec une conférence intitulée « Longchamp 97, un pèlerinage pascal » ; dans ce domaine aussi, celui de la liturgie, les JMJ de Paris auront marqué l’histoire de l’Église de France.

Dieu soit béni, en aout 97, Il s’est révélé, une fois encore, comme le Maitre de l’Inattendu ! »

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