6. L’éducation face à des identités fragiles et revendiquées

éducation-identités-7L’interpénétration croissante des sociétés est devenue une caractéristique majeure de la mondialisation que connaît notre époque. Cette nouvelle réalité fait apparaître comme en écho le besoin profond des êtres humains et sociétés de reconstruire leur différence chaque fois que leur identité est secouée, malmenée. Cette question de l’identité travaille notre société française. Et beaucoup de nos concitoyens, confusément ou non, s’interrogent : qui suis-je vraiment ? A quoi est-ce que je crois ? Quelles sont les valeurs qui m’ont façonné et qui comptent pour moi ? D’où viennent-elles ? Quelles sont mes appartenances, mes fidélités ? Plus largement, au niveau de tout un peuple, ce sont les mêmes interrogations : quelle est notre véritable identité ? De quoi se nourrit une identité nationale ? Mais aussi quel sens y-a-t-il à vivre ensemble, quelle reconnaissance, quelle utilité sociale ? Ce sont des questions importantes parce que nous savons que l’identité donne des racines, inscrit dans une histoire, et en même temps permet d’accéder à un groupe. Il est très important que notre société s’empare de ces questions, à la fois pour percevoir ce qui a construit et forgé notre pays, mais aussi pour prendre la mesure de la richesse que des identités plurielles peuvent lui apporter en faisant émerger les liens d’unité au cœur même de cette diversité. Il ne faudrait pas que les recherches et affirmations d’identités débouchent sur des enfermements identitaires. Plus que d’armure, c’est de charpente que nos contemporains ont besoin pour vivre dans le monde d’aujourd’hui.

A cet égard, le parcours de ces jeunes de nationalité française, le plus souvent d’origine arabe mais pas tous, qui sont partis combattre en Syrie ou en Irak pour Daech ne peut que nous interpeller. On peut apporter différents éléments d’explication. Mais il semble assez clair qu’il s’agit de jeunes déstructurés qui n’ont pas trouvé leur place dans la société, et qui pour certains avaient déjà basculé dans de la petite délinquance. Ils vont trouver dans un discours clé en main et un engagement radical, l’opportunité de donner immédiatement un sens à leur existence, de la faire sortir de la médiocrité, et de contester la société dans laquelle ils n’ont pas su s’insérer. Sans minimiser en aucune façon leur responsabilité ni celle des commanditaires qui ont manipulé leur destin, il convient de se demander pourquoi l’intégration n’a pu s’opérer, et comment notre société a laissé une partie de sa jeunesse se perdre dans de telles aventures mortifères et meurtrières.

Pour cela, il ne suffit pas de regarder notre société et de reconnaître qu’elle est devenue plurielle : il est nécessaire de s’interroger sur la crise que traverse depuis plusieurs décennies notre système éducatif. La famille, en tant que premier lieu d’éducation, a vocation à ne pas enfermer l’enfant et à lui donner les premiers éléments de son entrée dans une communauté humaine toujours plus vaste que son milieu d’origine. Cette œuvre éducative n’est pas achevée par la famille : elle se poursuit jusqu’à l’âge adulte grâce à l’école, lieu par excellence de socialisation et d’exorcisation de la violence. Mais la tâche éducative va plus loin : au-delà de la nécessaire transmission des savoirs et de la non moins nécessaire acquisition des compétences, elle se doit d’ouvrir les jeunes à l’universel par la culture, seule en mesure de rendre possible le dialogue entre les cultures.

Dans notre société, profondément redevable à l’égard de son histoire chrétienne pour des éléments fondamentaux de son héritage, la foi chrétienne coexiste avec une grande diversité de religions et d’attitudes spirituelles. Le danger serait d’oublier ce qui nous a construits, ou à l’inverse de rêver du retour à un âge d’or imaginaire ou d’aspirer à une Eglise de purs et à une contre-culture située en dehors du monde, en position de surplomb et de juge. La révélation chrétienne ne conduit pas à une telle contre-culture, car depuis les origines elle fait alliance avec la raison et reconnaît des « semences du Verbe » dans la culture, définie par Jean-Paul II comme ce par quoi « l’homme devient plus homme » (UNESCO, 2 juin 1980).

Pistes pour échanger
  • Comment définiriez-vous votre identité ?
  • Quelle doit être la place des chrétiens dans la société ? Que peuvent-ils apporter à celle-ci ?

Table des matières
« Dans un monde qui change, retrouver le sens du politique »
Le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France aux habitants de notre pays

Introduction

  1. Retrouver le politique
  2. Une société en tension
  3. Ambivalences et paradoxes
  4. Un contrat social à repenser
  5. Différence culturelle et intégration
  6. L’éducation face à des identités fragiles et revendiquées
  7. La question du sens
  8. Une crise de la parole
  9. Pour une juste compréhension de la laïcité
  10. Un pays en attente, riche de tant de possibles

Conclusion
Quelques pistes pour échanger à partir du texte

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