« Sur la route des vacances » par Mgr Sankalé

Et si les embouteillages sur la route des vacances nous aidaient à comprendre le dessein de Dieu ? Une réflexion de Mgr Louis Sankalé, évêque de Nice.

On a souvent l’impression de perdre son temps dans les embouteillages. Hier, il y a eu huit cents kilomètres de bouchons. De quoi avoir le temps de tester sa patience ! Rouler au pas peut aussi avoir une autre vertu. Vous pouvez vous concentrer à la fois sur le pare-choc qui vous précède et sur de graves questions, du genre : ʺEt si les embouteillages nous aidaient à comprendre le dessein de Dieu, son plan sur l’humanité ?ʺ Jésus n’a-t-il pas dit : ʺJe suis le cheminʺ ?

Commençons par le commencement. Avant de partir en vacances, il faut se décider pour un endroit. Nous avons parfois du mal à choisir. ʺIrons-nous camper dans l’Estéron ou dans la Vésubie ?ʺ Les amoureux de la Roya et de la Tinée répondront sans doute : ni l’une ni l’autre ! Sur un autre plan, plus profondément, c’est la même question qui nous est posée : ʺDieu est-il vraiment le terminus de notre vie ?ʺ Se fixer un objectif est primordial. Ensuite seulement vient la question du trajet. Quelle route vais-je emprunter pour gagner ce site à la vue imprenable ?

Certains sont fâchés avec les autoroutes. Par principe. Ils trouvent que c’est ennuyeux, qu’il y a trop de monde, que ça fait mouton de Panurge. Pourquoi pas, mais posons-nous la question : l’espèce de phobie dont l’Église est parfois l’objet ne se nourrirait-elle pas des mêmes déclics irraisonnés ? Quand on se représente le Corps du Christ comme une autoroute à plusieurs voies (plus ou moins rapides, selon que l’on ʺpratiqueʺ beaucoup, moyennement ou très peu, avec, bien sûr, une bande d’arrêt d’urgence réservée à tous les paumés dont l’Évangile affirme qu’ils arriveront au péage avant nous), comment résister à la tentation d’aller butiner dans les chemins de traverse ?… On ne m’enlèvera pas de l’esprit qu’il y a du conformisme dans cet anticonformisme de saison. Et pour ce qui est du miel ainsi récolté, il n’a que la saveur de la terre où il coule. Celle dont parlait Moïse avait, elle, un goût de liberté, un goût que connaissent bien les baptisés de Pâques.
 

La vie chrétienne est un chemin

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Que dire de nous, qui faisons profession de ʺpratiquerʺ l’autoroute ? Dès que ʺbison futéʺ voit rouge, nous regretterions de n’être plus seuls sur le bitume ! Au fond, nous aimons les voies rapides à condition de n’avoir personne à suivre, personne à dépasser, personne dans le rétroviseur. C’est un peu ce qui se passe lorsque nous chantons ʺNous sommes le corps du Christʺ, tout en accusant nos communautés d’être un brin pénibles… ʺNous sommes un seul cœur, une seule âme, mais avouez que l’on se porte mieux quand Untel n’est pas là !ʺ

Ce n’est pourtant pas bien compliqué. Pour avancer ensemble, il suffit que chacun respecte la vitesse, la distance de sécurité qui le sépare des autres et veuille bien rouler dans le même sens qu’eux. N’en déplaise à Panurge, ici chacun dessine librement sa propre trajectoire en se laissant attirer par le Christ. Cela s’appelle ʺfaire Égliseʺ. L’aimant oriente la limaille en lui traçant un chemin qui est à la fois singulier, sûr et libérateur, un exode en quelque sorte (un mot cher aux observateurs patentés de nos migrations estivales).

Et puis, au bord de la route, nous ne savons pas toujours lire les panneaux indicateurs. D’où le risque de tourner en rond. C’est ce qui se passe dans la vie chrétienne, quand on est bloqué quelque part, qu’on a l’impression d’avoir loupé quelque chose… Que faire dans ce cas ? Du surplace, de peur de se tromper ? Rester scotché à son rond-point, en marmonnant pendant des heures ʺà droite, à gauche, à droite, à gaucheʺ ; comme on peut se répéter pendant des mois, des années voire une vie entière ʺDieu, pas Dieu, la messe, pas la messe, je crois, je ne crois pasʺ ? La vie chrétienne est un chemin. Rester les bras croisés en pariant que cela nous fera arriver plus vite, reviendrait à attendre qu’il y ait du vent pour ramasser les olives.

Sur l’autoroute, il arrive aussi que l’on tombe en panne, que l’on se trompe de direction, que l’on se retrouve seul, perdu, loin de chez soi, sans pouvoir communier avec Dieu parce que l’on a péché, que l’on est coupé de lui, revenu de tout, recroquevillé sur soi-même. Quel soulagement, lorsqu’au loin une sirène se fait entendre et que des gyrophares viennent trouer la nuit !… Voix du Seigneur : ʺJe t’ai gravé sur les paumes de mes mains… Quand une mère abandonnerait son enfant, moi, je ne t’abandonnerai jamaisʺ (Isaïe 49, 15-16). Celui qui est ʺle cheminʺ nous a aimés jusqu’à l’extrême. Compagnon de route, il est aussi le Pain des voyageurs. Pour avancer avec Lui, la première question que je me pose n’est pas ʺoù en suis-je ?ʺ, mais ʺest-ce bien Lui que je suis ?ʺ.

Mgr Louis Sankalé
Évêque de Nice

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