Lettre aux prêtres : « Je vous appelle mes amis », par Mgr d’Ornellas

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Chers frères et amis,

Au terme de cette année pastorale qui a coïncidé avec l’Année sacerdotale, le Conseil Presbytéral m’a proposé de vous écrire un message qui serait avant tout un encouragement. L’amitié fraternelle a guidé ma plume. Par le sacerdoce reçu et le ministère confié ici ou ailleurs, vous participez à la mission apostolique de votre évêque. Vous êtes vraiment mes frères et mes amis, comme le souligne Vatican II.

Comme vous et avec vous, je mesure combien nous vivons une période de changements. La société bouge et se présente incertaine, cherchant l’espérance vraie et souhaitant une plus juste solidarité. Le mot « crise » a une connotation existentielle. Cela a inévitablement une répercussion sur notre vie de prêtres. À Pontmain, le 31 mai dernier, le père Vianney Bouyer, prêtre du diocèse d’Angers, nous a rappelé que l’Église a connu des mutations de société aux lendemains de la Révolution française : ce fut l’époque de saint Jean-Marie Vianney, du bienheureux Antoine Chevrier et de tant d’autres pasteurs « selon le cœur de Dieu » (Jérémie 3, 15). Aujourd’hui, comment vivre notre mission de prêtres ?
Soyez heureux d’être prêtre

Nombreux sont les chrétiens qui ont donné ou qui donnent encore le meilleur d’eux-mêmes pour l’« Évangile de Dieu ». Beaucoup gardent le souvenir précieux de prêtres qui les ont accompagnés, réconfortés et qui sont pour eux de beaux visages de la bonté de Dieu. Ils comptent sur vous. Beaucoup vous expriment leur gratitude. Acceptez-la simplement et soyez heureux d’être les prêtres du Seigneur pour son peuple.

L’apôtre Paul n’a pas hésité à dire à son cher Timothée : « Ravive en toi le don que tu as reçu par l’imposition de mes mains. » Au terme de l’Année sacerdotale, cette invitation revêt une actualité nouvelle. Laissez remonter à votre mémoire ce moment inoubliable où vous avez reçu l’imposition des mains. Non pour retourner en arrière, mais pour rendre grâce à Dieu du don reçu et de son appel : ils demeurent actuels. « Je vous ai choisis », dit Jésus après avoir déclaré : « je vous appelle mes amis ». Vous lui avez répondu de tout cœur : « me voici ». Votre réponse aussi est actuelle. C’est la raison pour laquelle, à chaque retraite sacerdotale du mois de janvier, j’ai proposé aux prêtres de redire « me voici » et de recevoir à nouveau son étole.
Amis du Seigneur en vérité

Prêtres, nous sommes liés en vérité au Christ par une amitié dont il a le secret. Nous n’avons pas l’habitude d’en parler entre nous. Cette amitié est pourtant réelle et profonde. Elle habite les diverses manières de vivre le ministère. Elle est un réconfort dans les épreuves de la mission. Elle est notre roc sur lequel nous construisons peu à peu la maison de notre vie. Elle se nourrit de mille rencontres où des hommes et des femmes, des enfants et des blessés de la vie sont devenus pour nous le visage de Jésus. Elle se ressource aussi de façon vive dans notre prière quotidienne, dans notre méditation personnelle de la Parole de Dieu et de l’enseignement de l’Église, dans la célébration de l’Eucharistie et dans le sacrement de la réconciliation, ainsi que pendant notre retraite annuelle. Soyons fidèles à ces moments de ressourcement, même si parfois la fatigue est là. Quelles que soient les mutations que vit une société, cette belle « amitié » demeure. Que le choix du Christ et son amitié soient votre joie.

Vivre entre nous une amitié fraternelle

Le Christ a appelé chacun de nous et nous a réunis dans un même presbyterium pour un même peuple, celui du diocèse de Rennes. En étant envoyé comme votre évêque pour vous et pour tout le diocèse, j’ai une grande joie d’être au milieu de vous, partageant avec vous le même sacerdoce. Notre amitié avec le Christ est inséparable de celle qu’il met entre nous. Celle-ci est une amitié sacramentelle. C’est pourquoi, il est juste et bon que vous participiez chaque année aux célébrations diocésaines comme la Messe chrismale et les Ordinations, et aussi à la rentrée pastorale de La Peinière. Ce n’est un mystère pour personne que, dans un proche avenir, vous serez beaucoup moins nombreux. Dès lors, vous êtes appelés à échanger davantage et à mieux vous connaître les uns les autres. Unis dans l’amitié et la bienveillance mutuelle, vous porterez ensemble – et moi avec vous – la charge « pastorale » telle que Dieu voudra qu’elle se présente !
Pasteurs pour aimer

Dieu vous a choisis pour une mission spécifique : « sois le pasteur de mes brebis. » Comme est éloquent le dialogue entre Jésus et Pierre (Jean 21) ! Il met en lumière votre passion : être envoyés auprès d’une communauté pour la servir comme « pasteur ». Relisez les allégories du pasteur au chapitre 34 d’Ézéchiel ou au chapitre 10 de Jean ; elles sont parlantes. Derrière les expressions bibliques qui le décrivent, nous entendons un appel à aimer car, nous le savons bien, le secret de notre ministère de « pasteur », c’est l’amour. Vatican II a merveilleusement mis en lumière la « charité pastorale ». Méditez le beau numéro 14 de Presbyterorum ordinis ! Par votre « charité pastorale », vous participez à l’amour même de l’unique Bon Pasteur pour ses brebis d’aujourd’hui en Ille-et-Vilaine, brebis bien portantes et brebis malades ou blessées.
Aimer jusqu’au bout, de mille manières

Prêtre à la manière des apôtres est une mission magnifique et unique. Elle ne cesse pas quand le poids de l’âge se fait sentir. Prêtres aînés, que vous soyez « résidents », « associés », ou encore « auxiliaires » pour pouvoir célébrer plus facilement des mariages, vous témoignez que le « pasteur » aime jusqu’au bout. Certains, en raison de leur santé, n’ont pour seul ministère que celui de la prière. Que cette prière est précieuse au cœur du diocèse ! Que ce soit par la prière, par la célébration de l’Eucharistie pour des obsèques ou des Communautés, par la compassion auprès de malades ou de personnes âgées, par le temps donné pour l’indispensable sacrement de la réconciliation, vous êtes pasteurs auprès de brebis qui attendent toutes votre témoignage rendu à l’infinie bonté de Dieu et à sa proximité. Certains d’entre vous rendent le beau service de l’Eucharistie pour des communautés religieuses priantes où les sœurs s’offrent et prient pour le diocèse. Cela est important. Un très grand merci aux uns et aux autres ! Que votre vie donnée, par amour, soit aussi votre joie !
Préoccupés pour l’avenir, mais confiants

Au cours de diverses rencontres vécues cette année, j’ai entendu plusieurs d’entre vous exprimer leur inquiétude pour l’avenir. Celle-ci habite normalement la vie et le ministère de prêtres qui portent le souci de l’annonce de la Bonne Nouvelle. Il est vrai que l’Ille-et-Vilaine est devenue une terre de mission ! Que cette inquiétude vous pousse à vous tourner vers le Christ. Il est fidèle. Priez-le dans l’espérance. « N’ayez pas peur ! » Bon Pasteur, il n’abandonne pas ses brebis. Faites confiance aux nouvelles générations de prêtres. Collaborant avec les chrétiens saisis par l’« Évangile », ils trouveront leur manière d’être pasteurs au nom du Christ. Le ministère des prêtres de demain ne sera pas identique à celui des prêtres d’hier, mais il sera tout autant fécond s’il est vécu dans la « charité pastorale ».

Nourrir la foi et accompagner

Pasteurs au nom du Christ, nous avons à nourrir la foi des chrétiens en les conduisant sur de « bons pâturages ». Cela nous demande de marcher aux côtés des brebis, d’être attentifs à leurs demandes, de respecter leur histoire et leur liberté, de les éclairer peu à peu sur ce qu’elles vivent à la lumière de l’Amour de Dieu. Il est là dans leur vie. Souvent, elles l’ignorent et cherchent. Le prêtre est patient, il est à l’écoute, il aide à discerner ce qui relève de Dieu, il donne la parole évangélique qui illumine, il conduit pas à pas jusqu’au Christ en son Eucharistie. Pour cela, il a besoin d’être un familier de l’Écriture et un priant, ce qui le rend tout autant proche de Dieu que des hommes. L’Écriture et la prière se nourrissent l’une l’autre ; elles donnent force et lumière au pasteur dans sa mission de discernement et d’accompagnement.
« Voyez comme ils s’aiment »

Vous serez de plus en plus invités à assurer ensemble le service pastoral d’une Communauté paroissiale ou de plusieurs. Bien sûr, dans la mesure des possibilités et compte tenu du souhait de chacun. Priant et lisant ensemble la Parole de Dieu, unis dans l’Eucharistie et la célébrant ensemble quand cela est possible, partageant les soucis pastoraux, vivant une convivialité fraternelle, les prêtres réalisent ainsi le « voyez comme ils s’aiment » au cœur d’une Communauté chrétienne. Celle-ci se sent alors fortifiée dans son appel à grandir dans l’amour mutuel, à porter témoignage de l’amour de Dieu et à unir foi vivante au Christ et charité active pour les plus démunis.

Serviteurs d’une Communauté paroissiale

La Communauté paroissiale est d’autant plus rayonnante qu’elle est nourrie dans sa foi et dans sa prière. Prêtres, votre joie est de faire connaître le Christ aux chrétiens pour qu’ils nouent une relation vivante avec lui. La prédication les aide en leur dévoilant le sens de l’évangile, sens toujours actuel qui rejoint le cœur où chacun se situe vis-à-vis du Christ, cherche à le prier, à grandir dans la foi et à le suivre dans son amour pour les autres. Prêtres, vous avez la mission d’apprendre aux chrétiens, aux familles et aux jeunes, l’art de la prière. La beauté de la liturgie, de ses chants et de ses silences, y contribue en donnant le goût de Dieu et de sa présence. Prêtres, vous aimez susciter le partage fraternel entre les chrétiens dans leur diversité. Certains d’entre eux sont engagés dans des mouvements et dans des établissements scolaires catholiques. Travaillant pour eux tous et avec eux, ainsi qu’avec les diacres, les ministres institués et les consacré(e)s, vous avez à cœur d’être proches de votre Communauté paroissiale, de la nourrir et de répondre le plus possible aux diverses demandes. Que cela ne vous dispense pas de prendre du repos, périodiquement nécessaire. « Venez à l’écart et reposez-vous un peu. » (Marc 6, 31)
Ministres de l’action de grâce

Nourris du pain de l’« Évangile », les chrétiens prennent des initiatives comme beaucoup d’entre vous le constatent. Sous la conduite de leur curé, ils prennent en main les diverses activités de leur Paroisse ou de leur Communauté chrétienne. Ils ont besoin de votre encouragement à aller vers nos contemporains, gratuitement et humblement témoins d’une Bonne Nouvelle : Dieu est Amour. Ils demandent simplement que vous les accompagniez et les souteniez avec discernement dans leurs initiatives, en leur faisant confiance. Prêtres, vous voyez sans cesse le témoignage rendu par tant de chrétiens ! Ne regardez pas le nombre, mais rendez grâce avec joie pour la vitalité que vous voyez ! Par votre ministère de la prière, prenez dans le Magnificat qui vient sur vos lèvres chaque soir, tous les baptisés que l’amour de Dieu anime et aussi les catéchumènes, ainsi que les personnes de bonne volonté.

Prêtres dans un Pôle eucharistique

Après de nombreux échanges, le diocèse s’oriente vers les Pôles eucharistiques. Il y a là un véritable enjeu missionnaire : que les Communautés chrétiennes prennent de plus en plus conscience de leur mission prophétique pour le monde. Nos contemporains attendent plus ou moins passivement qu’un témoin vienne vers eux. Ils lui demanderaient alors : « montre nous le Père, cela nous suffit. » Ces Pôles n’existeront pas sans les Coopérateurs pastoraux qui animeront en proximité le témoignage de la Communauté chrétienne locale dans la commune. L’Eucharistie, le grand « mystère de la foi », demeure une source pure. Dans les changements de société, elle irrigue et fortifie toute vie avec le Christ, lui qui envoie ses disciples annoncer l’Amour du Père. Avec les chrétiens, nous avons à réfléchir pour que les familles soient heureuses de s’y ressourcer avec leurs enfants et les jeunes. Que cette source et ce sommet soient toujours plus la joie de votre vie de prêtre !
« Soyez parfaits comme votre Père »

Le Christ nous a appelés ! Il continue d’appeler. Les quatre évangiles commencent par le récit des appels à le « suivre ». Ils nous apprennent que le Christ édifie son Église en appelant. Il appelle à la sainteté, c’est-à-dire à la « perfection de la charité », selon le lumineux chapitre 5 de Lumen gentium. Pasteurs en son nom, osons nous en faire humblement l’écho auprès des chrétiens. Prêtres, réentendons cet appel pour nous-mêmes en étant « accueillants à l’Esprit du Christ », selon la belle invitation du n° 12 de Presbyterorum ordinis. Avec grande bonté et aux moments favorables de nos histoires personnelles, Dieu prononce à nouveau son appel qui, de façon étonnante, éveille des énergies nouvelles au cœur du prêtre et des chrétiens.
Soucieux ensemble des vocations sacerdotales

Le Christ appelle des jeunes. Ils sont d’autant plus heureux d’entendre « suis-moi » que notre amitié fraternelle et notre joie de la mission témoignent de la beauté de cet appel. Ils sont alors attirés par la mission de prêtre dans l’Église. Plus que d’autres, nous savons que Jésus est fidèle. En croyant aujourd’hui à son appel et en priant pour qu’il envoie des « ouvriers à sa moisson » en Ille-et-Vilaine, soyons disponibles pour écouter les jeunes. Bien sûr, l’atmosphère actuelle de la société et la situation générale des familles ne favorisent pas immédiatement l’engagement à tout quitter pour Dieu, ni l’écoute de son appel. Par contre, cet appel peut être plus facilement entendu au sein de Communautés chrétiennes vivantes, chaleureuses, priantes et joyeuses de vivre et d’annoncer l’« Évangile ».

Nous devons aider les chrétiens les plus engagés avec nous dans la transmission de la foi à comprendre la beauté de l’appel à « tout » quitter pour le Christ. Ils seront alors davantage attentifs à le faire entendre auprès de jeunes et à les aider dans leur libre réponse. Il est nécessaire d’encourager les jeunes à participer aux propositions diocésaines qui leur sont faites. Elles fortifient leur engagement chrétien au long de l’année dans leur milieu de vie qu’est la famille, l’établissement scolaire, le milieu étudiant. Encouragez-les à participer à un mouvement, celui qui leur est adapté. Prêtres, portons ensemble le souci de l’appel à devenir prêtre.

Avec Marie, une femme qui aime

Cette Année sacerdotale a suscité un élan. Qu’il demeure vivant ! Laissons le Christ nous redire avec amitié : « courage ! » Rendons grâce à Dieu pour ceux qui reçoivent aujourd’hui l’ordination sacerdotale. Rendons grâce aussi et prions pour les séminaristes du Séminaire Saint-Yves et les jeunes de la Maison Charles de Foucauld. Remercions Dieu pour chaque prêtre du presbyterium et pour tous les prêtres – parfois venus de loin – qui participent à notre mission dans le diocèse. Tout prêtre est un don de Dieu à son Église et à la société.

En consacrant les prêtres du monde entier au Cœur immaculé de Marie, Benoît XVI nous rappelle que Marie, notre Mère, est tout simplement et entièrement une femme habitée par la Parole de Dieu, une femme qui aime. Faisons nôtre cet acte de consécration. Je l’ai prononcé à Pontmain, le 31 mai dernier, devant 600 prêtres venant des neuf diocèses de la Province de Rennes. Que nous soyons en mission en Ille-et-Vilaine ou en terre lointaine, cette consécration est pour nous une invitation à devenir simplement et de plus en plus des prêtres au cœur habité par la Parole de Dieu, des prêtres qui aiment.

Rennes, le dimanche 27 juin 2010

+ Pierre d’Ornellas
Archevêque de Rennes

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