« Vacances, loisirs, repos… » : le regard de Mgr Marcel Perrier

Le loisir de choisir.
La civilisation des loisirs, tant annoncée, tant attendue, a tout inventé pour te distraire. Elle te tire à hue et à dia, loin de toi-même. Et dans le tourbillon des possibilités, tu peux tourner comme une toupie qui a perdu son axe, qui ne choisit plus son chemin et qui ne reconnaît même plus sa trace. Tu peux aussi choisir, en arts et en cultures, en marches et en sport, en relations et en chansons, ce qui te feras grandir, « avec plaisir » !

Le repos… un devoir !
Dans la Bible, il est beaucoup question de repos. Le repos est même devenu un devoir. « Le septième jour sera un jour de repos complet. » (Exode 31, 15) Il s’agit d’imiter Dieu lui-même qui se reposa de tout le travail qu’il avait fait. (Genèse 2, 3) Il y eut un temps où les gens ne se reposaient que pour mieux travailler après. Actuellement, des hommes travaillent beaucoup pour pouvoir se payer un vrai temps de repos et de loisirs. D’autres ont un travail qui consiste à être entièrement au service des loisirs des autres. Ne faut-il pas réhabiliter le repos, lui redonner son vrai sens. L’expérience le montre bien : « Celui qui ne se repose jamais, finit par fatiguer les autres. »

Se reposer
Jésus l’a demandé à ses disciples :
« Reposez-vous un peu » (Marc 6, 30-34)
Se reposer… se poser à nouveau devant soi, mais autrement… Se retrouver soi-même, avec ses regrets à consoler, ses blessures à panser, des besoins à orienter, des souvenirs à méditer, des appels à écouter… S’accueillir soi-même, avec patience, miséricorde et confiance…

Se reposer… se poser à nouveau devant la nature, avec un regard neuf… La nature est le premier livre que Dieu nous écrit. Elle porte tant de signes et de paraboles : la source toujours fidèle, l’eau qui chante dans les imprévus des cascades et des ravins, l’arbre debout dans la tempête grâce aux racines qui s’embrassent solidement dans le sol.

Se reposer… se poser à nouveau devant les autres, avec des yeux renouvelés… La vie nous met, en file, les uns derrière les autres. La télévision nous met côte à côte.
Se retrouver face à face, dans un dialogue tout neuf, avec un regard vrai, pour une proximité vécue même dans le silence… « Heureux ceux qui s’aiment assez pour savoir se taire ensemble. » Peguy.

Se reposer… se poser à nouveau devant Dieu, avec un cœur d’enfant… Il est source de vie et d’amour dans la conscience de chacun. Il murmure, comme au temps d’Esaïe (ch. 43):
« Je t’ai appelé par ton nom, tu comptes beaucoup à mes yeux, tu es précieux pour moi
car je t’aime. »
Il est aussi « le Dieu des grands espaces et des larges horizons », le Dieu de l’Histoire en perpétuel enfantement.

La contemplation… un sommet !
La contemplation n’est-elle pas le sommet de la respiration humaine ? Par elle, nous sommes reliés à la source, reliés à la vie, épanouis dans un vis à vis qui nous élève. Elle est détente physique, éveil de sentiments, aspiration pleine de projets, ouverture aux possibles. Elle a un pouvoir de recréation qui nous aide à repartir, ressourcés, artisans de l’avenir, dans ce monde en chantier.

Le repos pascal.

Je n’aime pas trop lire sur une pierre tombale : « Ici repose… » même si l’on ajoute « dans l’attente de l’éternité » ! Disons plutôt : « Ici on a posé tes restes !… Mais toi, tu te reposes en Dieu ! » C’est bien ainsi que parle la Bible. « Le juste se repose dans le Seigneur. » « Le juste se repose dans sa gloire » (Si. 14, 27) « Ma chair reposera dans l’espérance » (Ps 15, 9) Et c’est bien dans ce repos que Dieu nous recompose. Il nous recrée pour une vie nouvelle et éternelle.
Après tant de pas, sur les chemins caillouteux de la vie, la chenille s’immobilise en devenant chrysalide. Et durant cette longue immobilité, elle se forme et se transforme et renaît papillon. Merveilleuse renaissance !
N’est-ce pas aussi l’histoire du tombeau de Jérusalem qui avait reçu le corps de Jésus, enveloppé de bandelettes. Après le long repos du samedi saint, le tombeau s’est ouvert et le crucifié du vendredi est devenu le Ressuscité du matin de Pâques. « Dieu comble son bien aimé quand il dort ! »

De la récréation à la recréation.
Ne faut-il pas faire la lecture pascale de nos vacances, de nos loisirs, de nos repos ? La récréation devient-elle recréation ? De nos jours, combien de loisirs polluent les corps, cassent le ressort des consciences, démolissent des vies, des familles et des communautés. Le temps libéré est, au contraire, un temps pour choisir la vraie vie, un moyen de mûrir et de grandir. Il est une occasion d’approfondir nos sentiments et nos relations. Évangéliser les loisirs, n’est-ce pas les rendre vraiment re-créateurs ?… recréateurs de personnes, de liens et de communautés ?

Mgr Marcel Perrier, évêque de Pamiers