Interview du P. Maurice Carré, délégué national de la Mission ouvrière.

2008 est une année riche en événements pour la Mission ouvrière. Dans quel cadre s’inscrivent ces rencontres ?

Il s’agit de rencontres habituelles des membres de la Mission ouvrière mais également d’initiatives plus ponctuelles. Elles prouvent que l’Église n’est pas absente et se soucie des milieux populaires. Ainsi les religieux et religieuses concernés par la présence de la vie religieuse dans les cités et quartiers populaires se retrouveront du 14 au 16 avril, à Chevilly-Larue. Cette rencontre portera la question de la présence de la vie religieuse dans les cités et quartiers populaires. Quelle relève envisager face au vieillissement et à la diminution de ces communautés ?

Depuis quelques temps maintenant, la Mission ouvrière travaille avec d’autres services. Quelle forme prend cette collaboration ?

Il peut s’agir de rencontres épisodiques ou plus régulières. Ainsi le service national de la pastorale des migrants participe à deux des huit réunions organisées par le secrétariat national.
Etre en lien avec d’autres acteurs nous permet de mieux cerner le public des milieux populaires. La Pastorale des migrants comme le Secours catholique ont un savoir-faire sur lequel nous nous appuyons. Aujourd’hui, pour nous adresser aux migrants qui arrivent d’Afrique, de l’Europe de l’Est, il est important que nous tenions compte de leur culture. Dans les diocèses, la Mission ouvrière travaille en partenariat avec différents services pour mettre en place une pastorale des milieux populaires. C’est le cas à Lille, Saint-Etienne, Nantes ou Nancy.

L’année dernière, la Mission ouvrière fêtait ses 50 ans. Quel regard portez-vous sur son évolution ?

De 1968 à la fin des années 70, le dynamisme du mouvement ouvrier était porteur d’une certaine utopie : implantation de sections syndicales, grandes manifestations… Puis est venue la crise pétrolière avec le chômage de masse. Les organisations syndicales sont devenues moins fortes, le lien social a commencé à se déstructurer, les formes d’engagements se sont diversifiées. La Mission ouvrière en a pris acte : c’est l’époque de la naissance des « missions ouvrières locales ». On ne parle plus seulement de « monde ouvrier ou classe ouvrière » mais aussi de « monde populaire, de milieux populaires » composés aussi d’une population rurale arrivée en ville. Dans les équipes de mouvements, ce sont tous les secteurs de la vie qui sont pris en compte, partagés, réfléchis à la lumière de l’Évangile et pas seulement la vie syndicale.

A partir des années 90, des militants ont quitté les HLM ou les barres des grands ensembles…D’autres ont fait le choix d’y rester et de s’y investir. Les communautés religieuses, seule présence d’Église en certains endroits, sont toujours des repères lumineux pour les milieux populaires. Des populations sont arrivées venant d’autres continents avec leur culture, leur religion…. Ceux qui sont chrétiens colorent la vie des communautés, des mouvements dans les cités et les banlieues. D’autres défis sont lancés du même coup à la Mission ouvrière. Comment les rejoindre ? De là, naissent des partenariats avec d’autres acteurs d’Eglise, comme la Pastorale des Migrants, le Secours Catholique, le Service du Catéchuménat… Des liens se nouent avec les associations présentes dans les quartiers, parfois à leur demande.

Ces partenariats ne remettent-ils pas en question l’identité originelle de la Mission ouvrière ?

« S’ouvrir à d’autres et entrer avec eux en partenariat » était l’une des orientations votées en 2005 lors de notre rencontre nationale à Nantes. Avant de s’ouvrir aux autres, il faut déjà savoir qui on est, et accepter que les autres soient différents et les reconnaitre dans leurs différences. Aujourd’hui la particularité de la Mission ouvrière est de s’adresser aux milieux populaires, mais aussi de porter le souci des hommes et femmes du monde ouvrier. Les prêtres-ouvriers nous rappellent cet aspect de notre mission.
A Nantes, Mgr Jean-Louis Papin, alors président du Comité épiscopal de la Mission en monde ouvrier, nous avait encouragés à « ne pas déserter les lieux de travail ». Cet appel nous a « reboostés ». De nombreuses initiatives se sont mises en place à l’occasion de licenciements, de délocalisations. Même si elles ne modifient pas la situation, elles offrent des lieux de parole à ceux qui subissent ces épreuves.
La Mission ouvrière s’adresse à des hommes et des femmes en milieux populaires avec simplicité et clarté. Elle les rejoint dans ce qu’ils vivent, leur propose de découvrir l’Évangile dans un langage qu’ils comprennent.