Ouverture des Assises de la Santé par Mgr Michel Guyard

Guyard Michel - Le HavreChers amis,

Il y a quelques jours, lors de l’Assemblée des Evêques, ici-même, un journaliste a fait remarquer à l’un de mes confrères que, cette année, nous avons semblé accorder une attention particulière aux questions de société et il citait : la crise financière et économique, le travail du dimanche, la recherche bio-médicale, l’indifférence religieuse, etc… et il qualifiat cela d’heureuse ouverture au monde, par rapport à d’autres assemblées où paraîssaient dominer les questions internes à l’Eglise.

On sait qu’il faut se garder des impressions trop réductrices. Les questions internes à l’Eglise sont toujours étudiées dans leur rapport avec le Monde. S’occuper de catéchèse, c’est bien se soucier du témoignage de l’évangile dans le monde.

Mais il est un fait incontestable que les débats de la société actuelle mettent au premier plan l’avenir de l’homme. Ils invitent à s’interroger à frais nouveaux sur le sens de sa vie comme sujet et dans sa relation avec les autres. Le développement des techniques, la non-maîtrise des relations économiques, les menaces sur l’environnement obligent à ouvrir le débat sur la finalité de nos entreprises. Et il est normal que les chrétiens, qui tiennent de Jésus-Christ une réponse à la question récurrente du sens de la vie et de l’avenir de l’humanité, s’invitent au débat et apportent leur pierre dans le dialogue qui s’instaure avec tous ceux qui l’acceptent dans la quête de la vérité.

La pastorale de la Santé se situe au cœur de cette réflexion. L’Eglise, à l’appel du Christ, a toujours porté son attention à ceux qui souffrent. Mais il est vrai que depuis quelques décennies, et en particulier en 1982, les évêques en ont pris acte officiellement, les progrès scientifiques et les recherches bio-médicales ayant complètement modifié la conception de la santé.

Il ne s’agit plus seulement de guérir, mais de prévenir.

Et il faut se réjouir des progrès qui ont permis et qui permettent d’éviter tant de souffrances. Il faut se réjouir du travail de tous les chercheurs qui mettent leur intelligence au service du mieux-être de leurs frères humains. Mais le champ de la recherche doit-il être sans limites ? Doit-on, au non du bien-être, aller jusqu’à l’origine de la vie elle-même ? Doit-on accepter que l’exigence de santé collective conduise à déterminer biologiquement et chimiquement qui doit vivre et qui doit mourir ? La liberté de la recherche est nécessaire, mais celle du chercheur peut le conduire au vertige de croire qu’il pourra devenir le maître de son destin face à la vie, face à la mort.

Devant ce vertige menaçant, beaucoup s’interrogent. Et ils s’inquiètent lorsqu’ils constatent que les principes, apparamment incontestés des droits et de la dignité de l’homme, sont ébranlés : ils le sont lorsque le droit de vivre semble s’accomplir dans le droit de mourir ; lorsque le droit « de » l’enfant se heurte au droit « à » l’enfant ; lorsque les moyens spécialisés mis en œuvre pour venir en aide aux personnes handicapées s’accompagnent d’interrogations sournoises sur d’autres moyens que l’on aurait pu mettre en œuvre, en amont, pour éviter ces handicaps ; lorsque la dignité de l’être humain n’a plus sa référence en Dieu, dont il est l’image, mais est appréciée selon des critères définis par chacun au nom de son appréciation personnelle vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres.

Ces questions ne sont pas des sujets de dissertation pour apprentis philosophes. Elles constituent le fond de tableau des réalités quotidiennes que vivent tous ceux dont vous êtes proches, dans le cadre de la Pastorale de la Santé : chercheurs des laboratoires, médecins, personnel soignant mais aussi les malades et leurs familles.

Ce sont les questions de fond que vivent ceux qui sont concernés par l’accueil de la vie et ceux qui en accompagnent l’achèvement terrestre.

Ce sont les questions que vous vivez dans votre engagement pastoral, et je sais que vous y réfléchissez en équipes d’aumônerie, que vous les travaillez avec des personnes compétentes. Mais il y a aussi toutes celles que vous avez évoquées dans l’enquête et qui feront l’objet de votre travail de demain. Car le chemin de la vie doit prendre en compte le quotidien où se joue le respect ou non de la dignité humaine.

Ces premières Assises sont les vôtres en ce sens que vous en avez été les premiers artisans. Vous en serez les acteurs au cours de ces trois jours. Le thème annonce clairement notre projet : nous voulons œuvrer pour la dignité de l’homme, image de Dieu, appelé à vivre de sa vie. Ce travail consiste à avancer pas à pas, comme l’indique le livret qui vous a été donné. Pas à pas dans les pas du Christ, mais aussi pas à pas aux côtés des malades et des soignants qui sont nos compagnons de route. Nous nous situons dans une démarche pastorale, c’est-à-dire celle de l’accompagnement dans la recherche de la Vérité de celui qui est la Vérité mais que nous ne possédons pas. Et dans cette perspective, considérons que les orientations que nous allons définir ensemble sont des suggestions de l’Esprit-Saint pour répondre en notre temps à l’appel de Dieu pour le service de nos frères.

C’est dire que nous n’avons pas à asséner nos certitudes ou professer une morale idéologique.

Marcher ensemble à la suite du Christ, c’est accepter de nous libérer de nous même pour accueillir l’innattendu de Dieu. L’Evangile n’est pas une cause à défendre, La Bonne Nouvelle est une personne, Jésus-Christ, qui nous révèle l’amour du Père. Et lutter pour la dignité de l’homme, c’est témoigner de cet amour de Dieu pour tout homme. C’est la seule raison de notre combat. Il n’est pas celui de la violence qui veut détruire son adversaire, il est celui de la force de l’amour et fait entrevoir que tout être est capable d’aimer.

Le « service évangélique des Malades », est un service particulier de la Pastorale de la Santé. Rien ne nous empêche de considérer les autres formes de pastorale que nous exerçons, aussi, comme le service de l’Evangile . Serviteurs de la Parole, serviteurs de la Présence de Dieu, serviteurs de la Vérité…

Aussi, je suis heureux de saluer les 2000 serviteurs ici présents et qui en représentent plusieurs milliers d’autres de nos diocèses. Je salue également nos invités qui, par leur présence, expriment leur solidarité avec notre mission.

Bonnes Assises !

Mgr Michel Guyard