COP 21 : l’Accord de Paris du 12/12/2015

COP21_logoDécryptage de l’Accord de Paris, signé le 12/12/2015, à l’issue de la COP21, dans cette fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC 2016, n°07).

Un accord historique a été obtenu et adopté en fin de la COP 211 samedi 12 décembre 2015 en début de soirée sur la lutte internationale contre le changement climatique. C’est le fruit de quatre ans de travail et négociations intenses depuis la Conférence de Durban à la fin de l’année 2011. Il sera officiellement signé à l’ONU le 22 avril 2016 et entrera en vigueur le jour où le nombre de ratifications atteindra 55% des pays (les « Parties ») représentant 55% des émissions de gaz à effet de serre. Le préambule de l’accord Paris met en avant les droits des peuples indigènes, des communautés locales, des peuples vulnérables au changement climatique ainsi que les notions d’équité intergénérationnelle, de justice climatique et de protection des écosystèmes (en particulier des océans) et de la biodiversité.

De quoi est constitué cet accord2 ?

Il y a l’accord lui-même, qui est la partie juridiquement contraignante au sens du droit international de l’environnement (texte de 12 pages), et il y a la décision qui a permis l’adoption de cet accord (texte de 20 pages), qui décrit de manière détaillée les points techniques qu’il faudra mettre en place d’ici 2020 pour permettre la mise en oeuvre effective de cet accord historique.
Ce texte peut être considéré comme une avancée profonde et inattendue vers l’application réelle de la Convention Changement Climatique signée au Sommet de la Terre à Rio en 1992. Contrairement au protocole de Kyoto signé en 1997, dont les engagements n’impliquaient que les pays développés, ici tous les pays sont concernés. Tous les éléments sont ainsi réunis pour construire collectivement une stratégie mondiale d’« atténuation » du changement climatique (en réduisant les émissions de gaz à effet de serre) et d’« adaptation » à ce changement, ainsi que la feuille de route pour instruire avant 2020 les détails de cette stratégie. En ce sens, l’adoption de cet accord n’est pas la fin mais le début d’un long processus. Traçons-en les lignes de force :

Visibilité sur l’objectif de long terme

L’Accord de Paris est très clair : il embrasse à la fois l’atténuation, l’adaptation et la résilience ainsi que les aspects financiers. Il rehausse l’ambition climatique en adoptant comme objectif une augmentation de température nettement inférieure à 2°C par rapport à la période préindustrielle3 et en envisageant la poursuite des efforts nécessaires pour ne pas dépasser 1,5°C. Il se donne comme objectifs d’aider les pays en développement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’à s’adapter et à accroître leur résilience aux évolutions du climat, et aussi de fournir les moyens financiers pour leur permettre d’atteindre ces objectifs. Ceux-ci sont extrêmement ambitieux (pour ne pas dire impossibles à tenir !), mais il faut comprendre que politiquement il était très difficile de s’en tenir à une référence au 2°C seulement. Les pays qui subissent déjà les effets du réchauffement climatique voulaient que le protocole acte la nécessité de ne pas dépasser une élévation de 1,5 °C et en faisaient un point dur de la négociation. Les petits Etats insulaires, menacés de disparition, et les pays d’Amérique centrale et des Caraïbes, certains pays Africains, mais aussi le Népal, la Bolivie et le Nigéria, se sont vus ici soutenus par une coalition dite « pour une haute ambition » rassemblant près de 80 pays, dont les Etats-Unis, l’Union européenne et le Brésil (en décalage avec les autres « Basic », Afrique du Sud, Inde et Chine).
L’Accord en déduit logiquement la nécessité d’atteindre aussi rapidement que possible un pic mondial d’émissions (en reconnaissant que cela demandera plus de temps pour les pays en développement). Il introduit aussi, ce qui est une innovation, la notion de neutralité carbone : une fois leur pic d’émissions passé, les Etats s’engagent à réduire rapidement leurs émissions afin d’atteindre à l’échelle mondiale une neutralité carbone4 dans la seconde moitié de ce siècle. Ces objectifs de long terme vont guider l’articulation des politiques nationales dans les décennies à venir et donnent un signal fort aux acteurs économiques et industriels pour innover dans les technologies bas carbone, et aussi pour des collectivités territoriales, des ONG et des citoyens de développer des initiatives pour contribuer à ces objectifs.

Où en est-on aujourd’hui des engagements ?

Avant même son ouverture, la conférence de Paris a connu un premier succès : 183 Etats, représentant plus de 95 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ont remis au secrétariat de la Convention cadre pour les changements climatiques de l’ONU leur contribution nationale à la lutte contre le réchauffement climatique. Mais le compte n’y est pas, car les scientifiques estiment que ce bilan initial des engagements conduit à un réchauffement de 3°C d’ici la fin du siècle. Pour atteindre les objectifs fixés, la gouvernance prévoit de susciter des améliorations progressives par émulation entre les Etats. Les Décisions et l’Accord de Paris demandent à tous les pays de réviser leurs engagements de réduction tous les cinq ans (en accroissant leurs efforts), ce qui conduit chaque Etat à développer une vision de son devenir énergétique et à la mettre en oeuvre. Un bilan mondial quinquennal des efforts réalisés sera établi en 2018 puis tous les cinq ans, pour permettre aux Etats des révisions en conséquence. De plus, l’Accord crée un cadre de transparence améliorée dans lequel chaque Etat fera part de l’avancement de ses actions de réduction et d’adaptation, des progrès de sa « contribution nationale », ainsi que des transferts financiers et technologiques. Ces informations, qui devront tenir compte des spécificités des pays en développement, seront soumises à une revue technique d’experts qui sera chargée de proposer des voies d’amélioration.

Un régime climatique favorable à l’investissement

L’Accord prévoit que les pays développés doivent fournir des ressources financières aux pays en développement à la fois pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ainsi qu’à s’adapter et à accroître leur résilience aux évolutions du climat. D’autres pays (à savoir les pays émergents) sont également encouragés à le faire, ou à continuer de le faire. Cette section fait référence à la mobilisation des financements climatiques à partir d’une grande variété de sources et définit une progression au-delà des efforts antérieurs. La mobilisation doit se poursuivre jusqu’en 2025 et l’objectif collectif devrait augmenter à partir d’un plancher de 100 milliards de $ US par an.

Le prix du carbone et les instruments économiques

Ce sujet a fait l’objet de nombreux rebondissements tout au long de la COP 21. L’accord traite de la mise en oeuvre de mécanismes, notamment par des approches coopératives (marchés sous un autre nom), pour soutenir l’atténuation des émissions de GES et soutenir le développement durable. Ces règles devront être adoptées à la première réunion de la Conférence des Parties après l’entrée en vigueur de l’accord.

Adaptation, résilience et pertes et dommages

L’Accord fait une place importante à l’adaptation, la résilience et la question des pertes et dommages. Sur les pertes et dommages, il y a eu clairement un compromis. En échange d’avoir accepté (dans la décision) qu’il n’y a pas de responsabilité ou de compensation automatique, les pays les moins avancés ont acquis une reconnaissance du concept de « pertes et dommages » liées aux catastrophes climatiques dans l’accord (élévation du niveau de la mer, hausse des températures, acidification des océans, fonte des glaciers, salinisation, perte de biodiversité, désertification, déforestation, etc…). Toutefois, les exigences pour les pays de prendre des mesures ou de fournir des soutiens aux pays particulièrement vulnérables au climat est plus faible que ce qu’ils auraient peut-être espéré.

Jean-Pierre Chaussade, O.F.C.

1 21ème session de la Conférence des Parties à la Convention Climat qui s’est tenue au Bourget du 30 novembre au 12 décembre 2015.
2 Les deux textes constituent le document FCCC/CP.2015.l.9/Rev.1.
3 L’augmentation de température déjà atteinte est de 0,9 °C.
4 Neutralité carbone : cela signifie que les émissions anthropiques sont compensées par les « puits de carbone », réservoirs qui captent et stockent le carbone atmosphérique. Le principal puits est le puits océanique ; il absorbe entre deux et trois milliards de tonnes de carbone. Les autres puits sont dans la biosphère et doivent être développés (lutte contre la désertification, reforestation, pratiques d’agroécologie…).

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