Nous avons marché vers la COP21 avec les pèlerins du climat

Pèlerins climatiques COP21 hauteurLe 27 novembre 2015, 150 pèlerins sont arrivés à Paris pour faire entendre leur volonté de voir la COP21 prendre les mesures énergiques nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique. Nous avons accompagné certains sur les derniers kilomètres.

Ce matin-là, le brouillard rôde encore autour du RER qui me conduit à Bussy-Saint-Georges, en Seine-et-Marne. C’est là que sont arrivés, la veille, une quarantaine de pèlerins, venus de Suède et d’Allemagne, auxquels se sont joints quelques Français de l’Est.

Ils ont déjà été accueillis et accompagnés par les diocèses de Metz et de Châlons-sur-Marne. Ce matin, c’est le diocèse de Meaux qui va les confier au diocèse de Paris pour le dernier trajet.

Les sacs à dos sont bouclés et les gourdes se remplissent, dans la maison paroissiale. On sent que ces 2 jours de marche dans le diocèse ont suffi à créer des liens chaleureux avec ceux qui les ont accompagnés. Car ces chrétiens de Seine-et-Marne se sont mobilisés pour la COP21 : ils racontent aux pèlerins le concert inter-religieux de 1200 personnes qu’ils viennent aussi de réussir, entre l’église, la synagogue, la mosquée et la pagode, pour la paix et l’avenir de la planète.

Au titre de la Conférence des évêques de France, je suis venu avec les chrétiens du diocèse de Paris qui les accueillent maintenant. Le passage du « fanion » de la marche est émouvant. Il symbolise cette conversion permanente du pèlerin qui doit faire ses adieux aux amis d’hier pour s’ouvrir à une nouvelle étape.

Le vieux paysan péruvien écarquille les yeux : « Muy grande ! Muy moderno ! »

Cette étape pour rejoindre le cœur de Paris n’a pu être autorisée quePèlerin climatique t-shirt sous forme de petits groupes et sans grandes banderoles, suites aux récents attentats. Deux Péruviens et leur interprète ont voulu se joindre à nous aujourd’hui, pour marcher aussi. Ils habitent un petit village dans la Cordillère des Andes. Au-dessus d’eux, un glacier fond à cause du réchauffement et forme un lac qui gonfle, dans un sol de moraines instables. Les berges du lac menacent de céder, risquant d’emporter leur village et la ville qui se trouvent en contrebas. Alors, symboliquement, ils sont venus, en avion, protester à la COP21, et déposer plainte, en Allemagne, contre une grande entreprise qui fabrique de l’électricité avec du charbon et produit ainsi beaucoup de CO2. A leur manière, ils disent aussi que « tout est lié ».

C’est par la coulée verte que nous entrons dans Paris, après avoir admiré le château de Vincennes. Au fil des kilomètres, nous faisons connaissance. Eva est suédoise. Elle a déjà marché 1 500 km. Elle arbore un bonnet bleu-blanc-rouge. En effet, les pèlerins ont appris les attentats de Paris pendant leur marche. Ils se sont interrogés. Quelques-uns ont rebroussé chemin. Les autres ont voulu continuer. Et c’est alors qu’ils ont traversé ces lieux lourdement marqués par les guerres : Lorraine, Sainte-Ménehould, la Marne… Une dimension inattendue qui s’est invitée dans leur cheminement pour la paix climatique.

Pasteure Annette KurschusGrete travaille. Elle est mère de famille. Elle n’a pas pu se libérer pour les deux mois et demi qu’a duré cette marche. Alors, elle est venue à plusieurs reprises marcher quelques jours. Elle se réjouit de pouvoir vivre l’arrivée à Paris. Au passage du périphérique, nous sommes accueillis par un groupe de jeunes allemands, venus en train pour faire les derniers pas avec leurs marcheurs.

Ceux-ci avouent leur fatigue mais l’entraînement garde leur pas vif et assuré. Nous voici dans les rues de Paris. Le vieux paysan péruvien écarquille les yeux : « Muy grande ! Muy moderno ! » Les passants nous regardent en déchiffrant les petits fanions sur les sacs. Ils nous interpellent et admirent le courage et la motivation des marcheurs.

Avant-dernière étape : les pèlerins se regroupent au temple luthérien des Billettes, pour une célébration œcuménique d’action de grâce. Ils viennent déposer leur sac autour de l’autel, avec des bougies, et témoigner de leur parcours. Eva montre à cet évêque du Guatemala qui les accueille la gourde spéciale où elle a emporté de l’eau de la mer Baltique, mélangée à l’eau des rivières qu’elle a traversées, en Allemagne puis en France. Une eau unifiée qu’elle veut remettre symboliquement aux autorités de la COP21.

Ce qui est très frappant, dans tous les témoignages, c’est la rencontre de deux émerveillements. Nous, à Paris, sommes impressionnés par la volonté et la motivation de ces pèlerins : ils ont affronté le froid et la pluie, dormi sur des sols de salle des fêtes, été dépendants d’hôtes successifs, témoigné régulièrement devant des publics divers. Mais eux sont unanimes à s’émerveiller des rencontres qu’ils ont faites et de l’accueil qu’ils ont reçu. Ils nous parlent de ces enfants d’une école qui ont marché avec eux une matinée entière ; de cette dizaine de personnes souffrant d’un handicap psychique qui se sont relayées deux jours pour les accompagner ; des mairies et des familles qui se sont mises en quatre pour les héberger ; et des chrétiens qui les ont rejoint pour marcher quelques heures ou quelques jours avec eux. Comme disait l’un d’eux, « Nous sommes partis, pleins d’amour et d’énergie pour défendre la création, pensant les donner  sur notre chemin. Et c’est nous qui avons été remplis, au fur et à mesure de notre marche ». Dans sa prédication, la pasteure Annette Kurschus (photo), présidente de l’Eglise évangélique de Westphalie, a comparé ces marcheurs de la COP21 à ce jardinier de la parabole, qui est convaincu que ses efforts vont réussir à faire produire des fruits par le figuier, jusqu’à maintenant stérile.

pèlerins climatiques drapeaux

Quelques pâtés de maison plus loin, derrière l’Hôtel de Ville, c’est enfin l’arrivée des pèlerins, dans l’église Saint-Merri, déjà habitée par les œuvres d’artistes contemporains. C’est ici que se rejoignent tous les pèlerinages pour le climat. Un grand temps de joie avant la célébration exprimant la prière pour cette Conférence climatique de Paris. Nous découvrons enfin les visages de ceux qui se sont lancés dans cette aventure.

Après une telle journée, nous pouvons attester que ce qui a été célébré le lendemain à Saint-Denis avait réellement du poids. Cela nous a encouragé à aller marcher individuellement le dimanche 29 novembre, dans Paris, avec nos badges et notre écharpe blanche.

Jean-Hugues Bartet

En plus de notre groupe, nous rencontrons… Pèlerins climatiques allemands

  • Des Anglais de plusieurs confessions, venus à vélo.
  • Un autre groupe venu de Londres, également à vélo et qui arbore, sur les gilets jaune-fluo, l’acclamation « Laudato Si’ ».
  • Des catholiques autrichiens qui ont ramassé, tout au long de leur marche, un peu de terre de chaque endroit, afin d’apporter à la COP21, une terre rassemblée.
  • Des Anglais de confessions diverses, venus à pied de Londres et prenant au sérieux la parole du prophète Michée (6,8) : « On t’a fait connaître, oh homme, ce qui est bien. C’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, que tu marches humblement avec ton Dieu. »
  • Des Philippins venus en avion à Rome après avoir marché dans leur pays. Ils ont marché de Rome à Paris, accompagnés par des pèlerins d’autres pays pour signifier que nous sommes tous liés comme la corde qu’ils ont apportée. Leur émerveillement devant la beauté de la création, lorsqu’ils ont traversé les Alpes, a entraîné l’action de grâce de toute l’assemblée.

 

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