Canonisations: sel et lumière

En remarquable pédagogue, le Pape François canonise ce dimanche deux géants du catholicisme du vingtième siècle, Jean XXIII et Jean-Paul II. Rien de fortuit dans cette décision d’associer ces deux papes dans la même célébration.

Plus que jamais, en effet, nous avons besoin des charismes de l’un et de l’autre pour assumer les défis de la foi en 2014. Dans l’évangile, Jésus appelle ses disciples à être sel de la terre et lumière des hommes. Le Christ ne place pas une de ces attitudes au dessus de l’autre, ou excluant l’autre.

Sel et lumière !

Or, il me semble que Dieu donne à l’Eglise, par le pontificat de Jean XXIII, l’appel irréversible à dialoguer avec le monde. Et il donne à nos communautés, par le ministère de Jean-Paul II, l’appel non moins irrépressible d’être fidèles à notre baptême.
Par Jean XXIII, le don du Concile. Par Jean-Paul II, l’insistance, ancrée dans le Concile, de repartir du Christ.
Par Jean XXIII, l’ouverture des fenêtres de l’Eglise sur le monde. Par Jean-Paul II le « N’ayez pas peur de suivre le Christ ».
Par Jean XXIII, une Eglise écoutante des joies et des détresses de l’humanité. Par Jean-Paul II, une Eglise qui propose à l’homme le Christ pour unique Rédempteur.
Par Jean XXIII, le retentissant « Pacem in terris ». Par Jean-Paul II, une visitation de presque toutes les nations.
Par Jean XXIII, une intelligence de la diplomatie et de l’orient. Par Jean-Paul II, un impact décisif sur la géopolitique Est-Ouest.
Par Jean XXIII, la bonté du pasteur. Par Jean-Paul II, les repères éthiques.
Par Jean XXIII, la confiance en l’Esprit guidant le Concile que d’autres achèvent après sa mort. Par Jean-Paul II, la confiance en l’Esprit guidant les JMJ que d’autres relaient aujourd’hui.
Par Jean XXIII, le bon sens et l’humour de Bergame. Par Jean-Paul II, le talent théâtral et médiatique de Wadowice.
Par Jean XXIII, l’héritage des conflits mondiaux meurtriers. Par Jean-Paul II, le refus radical des totalitarismes.

Sel et lumière!

Imagine-t-on une évangélisation sans saveur ou sans visibilité?
Jean XXIII donne goût à l’annonce de Jésus. Jean-Paul II en explicite le message.
Jean XXIII est comme un curé prêchant à tous la Bonne nouvelle. Jean-Paul II se fait héraut de la liberté dans la vérité.
Jean XXIII voit venir une civilisation nouvelle. Jean-Paul II exhorte à la civilisation de l’Amour.
Jean XXIII remet à Dieu sa décision œcuménique de convoquer les évêques du monde entier. Jean-Paul II dira que ce legs spirituel est une véritable boussole!

Mon expérience de porte-parole de l’Église en France, à la fois traversée par de nombreuses mutations et capable d’une réelle vitalité, me fait dire que cette « double canonisation » est une immense grâce. Les réseaux catholiques portant davantage le souci de l’insertion dans les réalités de la société sont ici encouragés, afin que le sel ne se dénature pas. Les réseaux plus sensibles à l’attestation publique de la foi trouvent aussi le réconfort, afin que la lumière ne demeure pas sous le boisseau. Nul n’est à lui seul l’Eglise. Nous sommes le corps du Christ. Nul ne détient le monopole de la sainteté. Dieu seul est saint. Le Pape François, à la suite du très courageux Benoît XVI, veut servir la communion. Sa popularité n’est pas une simple affaire de communication. Il nous est providentiellement donné pour être, selon son expression, des « disciples missionnaires ».
François conjugue bonté et exigence. Il tisse, au fil des jours, une évangélisation de bienveillance et de croissance.
Pas l’une sans l’autre! Il puise donc à la source de Jean XXIII et à celle de Jean-Paul II. La double canonisation est un appel, pour chacun de nous, à ne brader ni la présence au monde ni l’annonce délibérée de l’évangile. Nous voyons, par l’actualité de chaque jour, la ligne de crête que cela représente.
Écouter par exemple l’angoisse de ceux qui sont en fin de vie suppose à la fois une présence fraternelle à leur épreuve et une prise de position publique en faveur des soins palliatifs. Etre sel de la terre sera « être là » de façon humble auprès d’un frère. Etre lumière consistera à rejeter avec vigueur et l’acharnement et le suicide assisté. Jean XXIII avait une dévotion envers les saints comme le Curé d’Ars ou François de Sales. Jean-Paul II a battu les records de béatifications et de canonisations. Voici que l’Eglise le leur rend bien! Dimanche, en recevant ces deux témoins dans la même Eucharistie, nous percevons que nous ne sommes rien les uns sans les autres.

Mgr Bernard Podvin
Porte-parole des évêques de France

Parution Voix de l’Ain – Vendredi 25 avril 2014