Heureux les ambassadeurs de la Diaconie !

Portées par la grâce de Lourdes, 550 personnes ont vécu pour la Toussaint la première Université de la Solidarité et de la diaconie organisée par le Conseil national de la solidarité et de la diaconie à l’appel du Réseau Saint Laurent [1]. Quatre jours pour mutualiser des bonnes pratiques afin de rendre l’Église toujours plus ouverte aux plus fragiles. Par Chantal Joly.

DSCN1764Un lavement des pieds à échelle XXL de toute une église, des clowns autour de l’autel, un échange de cartes genre Pokémon des saints, l’Évangile gestué, une convivialité sans barrières sociales ; le rassemblement qui s’est vécu du 30 octobre au 2 novembre à Lourdes n’était pas ordinaire. Et d’abord le choix du mot Université. « La foi des pauvres est nécessaire à l’Église. La diaconie se vit comme une dynamique collective et non comme une dynamique avec les riches qui tireraient les pauvres. Tous riches et pauvres sont dans ce double mouvement de donner et de recevoir », a explicité Gwennola Rimbaut, théologienne. Pas de professeurs d’un côté et des apprenants de l’autre mais des personnes qui se co-enseignent.

La démarche Diaconia 2013 avait permis l’expression de cette place et de cette parole des plus pauvres. Près de quatre ans après -un temps de maturation sans doute nécessaire-, un certain nombre d’initiatives ont germé ou se sont amplifiées dans des paroisses, des diocèses, des mouvements. Pour preuve le nombre d’ateliers proposés à Lourdes. 93 ! Souvent des microréalisations mais qui sont déjà levain dans la pâte.

Des prophètes contemporains

DSCN1767Ainsi, pendant deux matinées, la cité Saint Pierre [2] fut une ruche bourdonnante de partages de savoir-faire et de transmission d’expériences… Au self, dans l’atelier « Célébrer et vivre les sacrements » qu’il animait, Claude, un diacre du diocèse du Mans, expliquait que lorsqu’il joint une famille du Quart Monde à deux autres familles « c’est bon pour tout le monde » tandis que Laure, du Sappel, déclarait : « Les gens qui ont une expérience de galère ont une expérience du Christ que je n’aurais jamais ». À l’espace convivialité bar où se tenait l’atelier « Séjour Bible Sapin », un réfugié racontait comment « l’humanité et la foi de familles qui vivent l’exclusion, la solitude ou la précarité grandissent » lors de ce temps de vacances et de partage autour de la Parole de Dieu.

En salle Jérémie témoignaient des prophètes plus contemporains. D’abord Claire et ses amis de l’association « Grain de Sel Hors-les-Murs » de Grenoble qui offrent à des jeunes adultes prisonniers d’addictions cette parole libératrice : « Dieu croit en toi et nous aussi, même si tu rechutes ». Puis, après la pause café, les « Marcheurs de l’Espérance ». Eux aussi racontaient combien leur pèlerinage vers Compostelle les a transformés et pour certains « ressuscités ». « Nous avons été étonnés des effets sociaux que cette aventure a produite : retour au travail pour certains, reprise en main de leur santé pour d’autres… », a commenté Alexandre, animateur au Secours Catholique de Marseille. Saluant les fruits de cette aventure physique, fraternelle et spirituelle, la salle a entonné le chant « Le Seigneur fit pour nous des merveilles ». Or c’est justement devant une figurine de sainte Bernadette associée à cette phrase qu’un panneau affichait les mots clés qui résument cette expérience : égalité (tout le monde a mal aux pieds indépendamment de son statut social), bienveillance, durée (ne se voir que 2 h ou partager pendant plusieurs jours gîte et couvert change bien des choses), gratuité, etc.

Le terme de « marcheurs de l’espérance » pouvait s’appliquer à tous les présents à ce rassemblement. « Mettre les pauvres au centre du cheminement de l’Église, c’est ce que nous propose le Pape François. C’est un chemin irréversible. Qui dit chemin dit patience mais dit aussi avancée. […] Dans université il y a univers. On peut aussi lire ce mot comme unis vers nos cités. […] Avec la force que nous aurons vécue ici, nous nous rassemblons pour retourner dans nos quartiers, dans nos villages », a déclaré Mgr Jacques Blaquart, évêque d’Orléans, président du Conseil national de la solidarité et de la diaconie, lors de la célébration d’ouverture à l’église Sainte-Bernadette, le lundi après-midi.

Dans la ronde des saints

Durant cette célébration, un diaporama projetait des portraits de figures célèbres de la solidarité (Oscar Romero, Mère Teresa…) et d’autres anonymes appartenant aux groupes présents à Lourdes. Des hommes et des femmes décédés prématurément de la misère « que la vie avait courbés et qui s’étaient redressés » grâce à Dieu et à ceux qui croyaient en eux. La bourse d’échange des cartes postales de ces témoins de la Diaconie connut un franc succès. Tant pour les faire connaître que pour favoriser des conversations.

Plus profondément, se réunir pour la Toussaint, la fête des saints, en communion avec eux puis, le lendemain, pour commémorer les défunts, a permis d’inscrire ce rassemblement dans une « chaîne immense qui parcourt tout l’univers mais aussi tous les siècles », comme l’a rappelé Mgr Blaquart. L’intervention du vicaire général d’Oran (Algérie), évoquant la mémoire des moines de Tibhirine et précisant qu’il venait « d’une Église pauvre et de pauvres », l’a ouvert en outre à la dimension universelle.

Tout comme, mardi soir, la prière en arabe, devant la grotte, face à la foule qui récitait des « Je vous salue Marie », de la jeune femme qui incarnait la syro-phénicienne de l’Évangile de Marc (7, 24-30), figure féminine fil rouge de ce rassemblement, pour symboliser le fait que « même si nos vies sont parfois boueuses rien ne nous empêche de nous mettre sur le chemin de la sainteté », ainsi que le dira Gilles Rebêche, responsable de la Diaconie du Var, chacun avait trempé ses mains dans la boue pour aller prier, puis revenant de la grotte, s’était fait laver les mains par un diacre en aube qui lui remettait un cierge à déposer à la ciergerie.

En tenue de service

DSCN1793Autre magnifique proposition liturgique de ce rassemblement : le lavement des pieds pratiqués en petits groupes, de voisin à voisin, lors de la messe de la Toussaint concélébrée par Mgr Blaquart, Mgr Dubost (évêque émérite d’Evry-Corbeil-Essonnes), Mgr Maillard (évêque de Bourges, du Conseil Famille et Société), Mgr Le Boulc’h (évêque de Coutances), Mgr Descubes (archevêque émérite de Rouen), Mgr Schockert (évêque émérite de Belfort-Montbéliard) et Mgr Rey (évêque de Fréjus-Toulon). Ce geste de Jésus, signe même du Service du Frère, restera pour beaucoup un souvenir bouleversant. Et de fait, chacun est reparti moralement et concrètement avec son tablier de la Diaconie et en tête ce refrain chanté à de multiples reprises : « Adonaï Hinneni, ô Seigneur me voici. Tu fais de nous des serviteurs et des servantes pour dire au monde ton amour et ta présence ».

Quant au diplôme remis à l’issue de la célébration d’envoi, il valide un vrai travail de formation pratique. « Nous sommes souvent avec des personnes qui ne savent pas très bien lire et écrire. Apprendre les Évangiles en gestuant, c’est super », s’est réjoui une catéchiste. Une personne qui participait à un atelier sur les réfugiés a découvert que « peut-être que le plus important n’est pas l’action mais la qualité du regard et le vivre avec ». Une participante va essayer de voir comment proposer un temps d’adoration dans sa paroisse « car pour des personnes en difficulté il n’y a pas besoin de parler, de raconter sa vie ». Dans le groupe de la province Ile de France, quelqu’un a confié : « Une personne en deux mots m’a énormément appris en disant : La diaconie, c’est la main de Dieu ». Et une autre lors d’un atelier : « Il faut retenir le goût de Dieu pour les personnes, au-delà des a priori qu’on a sur eux et qu’eux mêmes peuvent avoir sur la religion ».

DSCN1780La veillée festive des Béatitudes le mercredi soir et les regroupements par petites fraternités, d’une douzaine de personnes firent pour beaucoup dans l’ambiance joyeuse de ce rassemblement. Au vu des adresses et des accolades échangées au moment du départ, il était visible que de parfaits inconnus les uns pour les autres étaient devenus en quelques jours des frères en Christ.

[1] Il met en relation des groupes chrétiens diversifiés qui partagent en Église un chemin de fraternité et de foi avec et à partir de personnes vivant des situations de grande pauvreté et d’exclusion sociale.

[2] Antenne du Secours Catholique Caritas France vouée à accueillir des pèlerins en situations de précarité.

La confiance, valeur évangélique

Écrites sur le carnet des participants et sur le carnet de chant, reformulées à plusieurs reprises et commentées dans le texte lu pour introduire les ateliers de formation, des consignes pour établir « La confiance, clef de toute relation », ont été le leitmotiv du rassemblement. À savoir : ne pas monopoliser la parole, accueillir celle de l’autre avec bienveillance, éviter les généralités, pas de message négatif, faire attention aux mots qui blessent et encore respecter la confidentialité. Des règles du partage qui pourraient s’appliquer tous les jours dans la vie des communautés chrétiennes.

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