La papauté en Avignon fête ses 700 ans

Façade du Palais des Papes avec la Tour de la Campane (à g.) édifiée entre 1334 et 1342 par Pierre POISSON et la Porte des Champeaux (à d.) construite par Jean de LOUVRES entre 1345 et 1347. Avignon, Vaucluse (84), Provence-Alpes-Côte d'Azur, France.

L’Enclave des Papes va célébrer ses 700 ans. Le cardinal Paul Poupard, prélat français et président émérite du Conseil pontifical de la culture, envoyé spécial aux célébrations du VIIe centenaire de la création de « l’Enclave des papes », dans le diocèse d’Avignon représentera le pape François du 23 au 25 juin. André Vauchez, historien médiéviste, spécialiste de l’histoire de la sainteté et de la spiritualité médiévales nous rappelle le contexte historique de la papauté d’Avignon.

Rien de prédestinait a priori Avignon, modeste cité épiscopale de la basse vallée du Rhône, à devenir un jour la capitale de l’Église latine, ce qu’elle fut pendant une soixantaine d’années entre 1317 et 1377, et même au-delà puisqu’un pape y résida pendant le Grand Schisme d’Occident, de 1378 à 1403. Mais, depuis le milieu du XIIIe siècle, la papauté avait privilégié l’axe rhodanien pour y tenir des conciles (Lyon I en 1247, Lyon II en 1274, Vienne en 13011-1312), dans la mesure où cette région, beaucoup moins périphérique que Rome, constituait le centre de gravité de la chrétienté.
Après le pontificat de Boniface VIII (1294-1303) marqué par de violents affrontement avec Philippe le Bel, ses successeurs éprouvèrent le besoin de se rapprocher de la France pour régler les conflits qui opposaient le Saint-Siège à la monarchie capétienne. Le pape gascon Clément V (1305-1314) s’établit à Avignon de façon provisoire, mais son successeur Jean XXII (1316-1334), ancien évêque de cette cité et chancelier des comtes de Provence, donna à cette installation un caractère définitif en y faisant venir les cardinaux et  la Curie. Plutôt que de se lancer dans un voyage hasardeux vers Rome où la situation politique était très chaotique, il prit en compte les avantages que présentait Avignon : un site défensif exceptionnel avec le rocher des Doms qui surplombe la cathédrale Notre-Dame et le couloir rhodanien, une situation particulièrement favorable, à portée du royaume de France, avec des relations  faciles avec l’Italie par les cols alpins ou le port de Marseille, et la présence d’une université depuis 1303. La ville dut accueillir tous les services de la papauté et plusieurs centaines de curialistes y affluèrent. Pour abriter la cour et les archives pontificales, et se donner une résidence adaptée à sa fonction de chef de l’Église, Benoît XII (1334-1342) commença à construire le Palais des papes, qui fut ensuite agrandi et embelli par Clément VI (1342-1352). Ce dernier y établit une grande chapelle à nef unique, au dessus de la salle de l’Audience où il recevait les souverains et les ambassadeurs, et fit appel aux meilleurs artistes pour la décorer. L’ensemble, situé sur les pentes du rocher calcaire qui surmonte impérieusement la ville, couvre une superficie de 6400 mètres carrés. Pour y garantir l’indépendance de la papauté, il racheta la cité à la reine de Naples, héritière des comtes de Provence, en 1348 ,et son successeur Innocent VI (1352-1362) la fit entourer d’une enceinte fortifiée.
Capitale provisoire de la chrétienté, Avignon changea d’aspect et sa population, très cosmopolite du fait de l’arrivée de clercs étrangers au service de la papauté, de solliciteurs, de marchands et de nombreux Juifs, dépassa les 30.000 habitants vers le milieu du XIVe siècle, ce qui était considérable à l’échelle de l’époque. Les cardinaux (20 à 25) y créèrent des hôtels particuliers, appelés « livrées », où ils s’établirent avec leur entourage en rivalisant de faste pour leur décoration.

« Ubi papa, ibi Roma »

Dans les premiers temps, la présence de la papauté à Avignon ne suscita pas de réactions hostiles au sein de la chrétienté : au XIIIe siècle, les papes avaient souvent résidé longuement dans diverses villes de L’État pontifical (Orvieto, Viterbe, Assise, Rieti, Anagni) et certains d’entre eux n’avaient jamais foulé le sol de Rome, cité jugée trop agitée et dotée d’un climat malsain. Les canonistes les avaient confortés dans cette attitude en décrétant que « là où se trouve le pape, là est Rome » (ubi papa, ibi Roma). Mais, à partir du moment où il devint évident que la papauté s’installait de façon permanente à Avignon, les plaintes commencèrent à se multiplier contre cette situation. Les papes justifiaient la prolongation de leur séjour sur les bords du Rhône par le rôle de médiateurs qu’ils s’efforçaient de jouer dans les hostilités entre la France et l’Angleterre, qui s’engagèrent à partir de 1340 dans une « Guerre de Cent Ans » coupée de quelques trêves. Après 1350, la contestation se développa sur ce thème en Italie, en particulier chez les lettrés, et Pétrarque dénonça dans ses écrits  l’« exil » et la « captivité » d’Avignon, thèmes appelés à connaître un grand succès auprès de l’opinion publique. A proprement parler ces expressions n’avaient pas de sens, car la papauté s’était installée à Avignon de son plein gré, pour des raisons de commodité, et nul pouvoir ne la retenait prisonnière. Mais, comme elle entretenait des relations particulièrement étroites avec la monarchie capétienne et recourait à des prélats et à des fonctionnaires français, considérés comme particulièrement rapaces, pour administrer ses possessions italiennes, un puissant mouvement exigeant le retour du pape à Rome se développa au sein de la chrétienté. Aux yeux de Sainte Brigitte de Suède (+1373) et de Sainte Catherine de Sienne (+1380), en demeurant à Avignon, l’Église risquait de devenir une monarchie administrative dominée par des intérêts politiques et temporels et la papauté de perdre de vue sa dimension spirituelle et pastorale.

Urbain V de retour à Rome

Sous l’influence de ces critiques, le pape Urbain V (1362-1370) revint à Rome en 1367, mais les difficultés qu’il y rencontra l’amenèrent à regagner Avignon où la Curie était restée. Cette décision suscita une profonde déception de la part des Romains et des partisans d’une réforme, qui estimaient que le pape ne pouvait jouer le rôle majeur qui est le sien dans l’Église qu’en résidant effectivement dans la ville dont il était l’évêque, et en s’attaquant aux abus qui s’étaient répandus au sein du clergé. Grégoire XI (1371-1378) était bien conscient de cette nécessité, mais il tergiversa jusqu’en 1376 avant de se rendre à Rome ; après son décès, le pape italien Urbain VI (1378-1389), extrêmement autoritaire et cassant, suscita bientôt l’hostilité des cardinaux qui procédèrent quelques mois plus tard à l’élection de Robert de Génève, qui prit le nom de Clément VII. La chrétienté se divisa alors entre deux obédiences, celle de Rome et celle d’Avignon, où Clément VII vint s’installer après avoir été chassé d’Italie. Avignon demeura jusqu’en 1403 la capitale d’une papauté reconnue par la France et ses alliés, mais ce rôle cessa avec le concile de Constance qui, en 1417, mit fin au Grand Schisme et rendit possible l’élection d’un pape unique résidant à Rome, en la personne de Martin V. La ville et ses environs – le Comtat Venaissin – continuèrent cependant à faire partie de l’État pontifical, jusqu’à leur annexion par la France en 1790.

André Vauchez

Programme des festivités

28 mars 2007: Le cardinal Paul Poupard, Président du Conseil pontifical pour la Culture.

Le 17 juin 2017 a été publiée la lettre latine par laquelle le pape François nomme le cardinal Paul Poupard son Envoyé spécial au septième centenaire de l’établissement de la Papauté en Avignon.

Vendredi 23 juin, une cérémonie exceptionnelle de la Saint Jean 2017 accueillera des invités d’honneur et sera célébrée en présence du Cardinal Poupard émissaire prestigieux du Vatican, du maire et l’évêque de Syros (île grecque jumelée avec Grillon).

Dimanche 25 juin, le cardinal Poupard présidera à 10h45 une messe sur la place de l’église en présence de Monseigneur Cattenoz, l’évêque d’Avignon et de Monseigneur Petros Stefan, l’évêque des Cyclades. A 12h, un repas paroissial aura lieu sur la Place Pie à Valréas. A 16h, l’office des vêpres se déroulera dans l’église Notre-Dame de Nazareth à Valréas.

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