Le Pape François en Égypte pour la paix

Le Pape François se rend deux jours (28 et 29 avril 2017) en Égypte pour un voyage apostolique. Un voyage aux multiples enjeux : Œcuménisme, dialogue interreligieux, rapprochement avec les orthodoxes, soutien aux chrétiens d’Orient… Éclairage sur le déplacement du Pape avec Monseigneur Pascal Gollnisch, directeur de L’Œuvre d’Orient.

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En quoi la visite du Pape est-elle symbolique ?

La visite du pape est symbolique car l’Égypte est la première nation arabe à majorité musulmane par sa population (NDLR 92 millions d’habitants) et par le nombre de chrétiens orientaux. Aller à la rencontre de l’Égypte, c’est réaliser une démarche forte dans ce monde arabe, dans ce monde arabo-musulman et arabo-chrétien. L’Égypte sort d’une période difficile et doit progresser dans le domaine des libertés fondamentales, de l’équilibre des pouvoirs et de la sécurité interne. C’est un pays qui est en ébullition, qui n’a pas encore trouvé sa stabilité politique et sécuritaire ; les évènements récents l’ont montré et je pense que le Pape peut aider l’Égypte dans cette avancée.

Quels sont les enjeux du déplacement du Pape François en Egypte ?

Les principaux enjeux consistent à soutenir ce dialogue œcuménique interreligieux amorcés depuis longtemps. Rappelons que le patriarche orthodoxe, Tawadros II et le grand imam de l’Université d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb ont déjà rendu visite au Pape à Rome. Ce n’est pas un premier contact puisque des rencontres régulières entre ces différentes instances sont organisées. Ce voyage a d’abord un caractère œcuménique avec la rencontre du patriarche copte orthodoxe, Tawadros II. L’Église copte orthodoxe est la plus importante Église dans le monde arabe puisqu’ils représentent environ 10% de la population égyptienne. Le programme contient également une dimension interreligieuse avec la rencontre des autorités de l’Université d’Al-Azhar qui est une université importante musulmane du monde sunnite en Égypte et au Moyen-Orient. Enfin le Pape va réconforter la communauté catholique, essentiellement les coptes catholiques (NDLR 250 000 fidèles) mais il y a aussi d’autres Églises présentes en Égypte comme les Grecs-melkites, les Maronites ou les Latins…

Comment ce voyage pontifical s’inscrit-il dans la situation géopolitique de la région ?

Devant le discrédit des régimes militaires, les Frères musulmans sont apparus pour la population comme une alternative possible. Au bout d’un an, les chrétiens et de nombreux musulmans n’ont pas souhaité continuer l’expérience islamiste. Les militaires sont revenus au pouvoir avec le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi qui doit faire face à des actes de terrorisme et conduire L’Égypte vers une reprise économique indispensable pour éviter que les djihadistes ne prennent le pouvoir. Il doit faire face à de nombreux défis comme les droits de l’homme, la justice, les droits de l’opposition ou les emprisonnements abusifs.

La visite à l’université Al-Azhar, haute autorité de l’islam sunnite au Caire, est-elle le moyen de renouer le dialogue ?

Certes, il est vrai qu’il y a eu des incompréhensions entre l’université d’Al-Azhar et le Saint-Siège. Je n’emploierais pas le terme de « renouer » car de nombreux contacts entre l’Église catholique et le monde sunnite existent. En octobre 2016, une délégation de l’Université Al-Azhar est venue rencontrer les évêques français à la Conférence épiscopale. À Rome, une instance de dialogue avec le monde musulman est présidée par le cardinal français Jean-Louis Tauran [1]. Enfin, au Moyen-Orient, les Dominicains et les Jésuites en Égypte qui sont en contact réguliers avec des musulmans sunnites.

La visite à Al-Azhar est une étape sur le long chemin du dialogue même si de vraies questions demeurent comme celles de la conversion des musulmans qui veulent devenir chrétiens ou celles des mariages mixtes. Il faut se rencontrer non pour montrer une belle image mais pour résoudre les difficultés concrètes. Le Proche et Moyen-Orient traversent une crise considérable et le fait qu’un homme de paix vienne pour faire avancer la paix, c’est extrêmement important.

Les deux attentats meurtriers commis le 9 avril par l’État islamique constituent une attaque au dialogue et à la paix contre la minorité chrétienne. Comment les musulmans vivent-ils la situation ?

Le thème du voyage retenu par le Pape avant les attentats était : « Le pape de la paix dans l’Égypte de la paix ». Le discours de paix est contesté par une petite minorité qui est porteuse d’archaïsme, de force de violence, de divisions et d’opposition. Ces attitudes de haine aboutissent à des attentats. Les plus récents perpétrés dans les églises de Tanta et du Caire ainsi que l’attaque des policiers qui protégeaient le monastère Sainte-Catherine sur le Mont-Sinaï ont choqué de nombreux musulmans car ils ont un sens du respect pour les choses et les lieux sacrés. Ces « forces de mort » sont totalement condamnables, spécialement le dimanche des Rameaux.

Vous revenez d’Égypte où vous avez rencontré le patriarche copte catholique Ibrahim Isaac Sidrak. Comment la communauté copte réagit-elle ? Qu’avez-vous perçu de la situation sur place ?

Dans le discours qu’il tenait aux fidèles, le Patriarche copte catholique Ibrahim Isaac Sidrak recommandait à ses fidèles de ne sombrer ni dans la haine ni dans la désespérance surtout que nous étions dans la Semaine Sainte. J’ai prié avec les communautés copte en présence du patriarche. J’ai rencontré des personnes de grande foi. Les églises étaient remplies. Il ne faut absolument pas céder à la peur. Les fidèles sont très heurtés par ces attentats et savent qu’il y en aura d’autres. Mais, ils restent très sereins, ils ne baissent pas les bras et ne se résignent pas.Mgr Gollnisch Caire après les attentats 12 au 15 avril (10)

Quels sont vos craintes et vos espoirs pour l’avenir du pays et pour les minorités ?

L’immense majorité des musulmans veulent que leur pays s’ouvre, dispose de droits fondamentaux comme l’indépendance de la justice, l’arrêt de la corruption, les libertés d’expression, la reconnaissance de droit à l’opposition ou la qualité d’administration des gouverneurs locaux. Il n’y a pas de raisons que l’Égypte ne puisse pas en jouir. Dans cette évolution, les chrétiens locaux assez bien formés peuvent être à la fois les acteurs et les bénéficiaires. Il y a des chemins possibles pour les chrétiens en Égypte, et en Orient en général.

Qu’attendez-vous personnellement de cette visite ?

J’attends que cette visite aide l’Égypte à entrer dans la modernité politique, à être artisan de paix dans l’ensemble des tensions qui agitent le monde oriental y compris le conflit israélo-palestinien, dans ce dialogue œcuménique et interreligieux. Je souhaite aussi que cette visite permette à l’Église catholique universelle de se redire toujours qu’elle n’est pas qu’une église latine. Les catholiques orientaux font partie de l’Église catholique, ils doivent trouver pleinement leur place et être toujours mieux considérés.

[1] Président du Conseil pontifical pour le dialogue inter-religieux,

Propos recueillis par E.D

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