Traite des mineurs : des « invisibles » à protéger
Le 18 octobre, Journée européenne de lutte contre la traite, Geneviève Colas, coordinatrice du collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » pour le Secours Catholique, participait au premier comité de coordination sur la lutte contre la traite des êtres humains mis en place par la MIPROF, mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Par Chantal Joly.
Pourquoi ne pas parler plutôt d’esclavage moderne ? En quoi la France est-elle concernée ?
C’est important d’employer le mot « traite », sinon ce déni des droits humains ne sera jamais reconnu comme tel. Lorsque j’ai découvert la traite à travers les projets de nos partenaires des Caritas d’Europe de l’Est, personne n’en parlait en France. Nous avons en 2007 rassemblé les forces de tous ceux qui agissaient dans ce domaine ; que ce soit dans la lutte contre l’exploitation sexuelle, contre la servitude domestique, contre l’obligation à mendier, contre la contrainte à commettre des délits et tous types de marchandisation des personnes. Au total 25 associations tentent de sensibiliser le grand public à ces drames et d’amener les décideurs politiques, mondiaux et français, à s’engager contre cette forme de criminalité. Car ce phénomène qui nous paraît lointain nous concerne. Nombre de migrants notamment ont vécu ces situations dans les pays dont ils viennent ou les subissent ici encore. On le voit actuellement avec le chiffre avancé de 1300 mineurs isolés à Calais qui, même s’ils ne sont pas récupérés par des systèmes mafieux, seront particulièrement vulnérables à toutes formes d’exploitation. D’où notre travail ciblé vis-à-vis de ce public.
En quoi consiste votre action vis-à-vis des enfants ?
Rendre visible ce qui ne l’est pas, par le biais d’un court-métrage de fiction de 15 minutes, basé sur des histoires vraies. Ce film #INVISIBLES est également disponible en trois mini-films séparés, évoquant chacun une des formes de traite et d’exploitation : la traite des enfants à des fins d’esclavage domestique, d’exploitation sexuelle et de mendicité forcée. Cet outil de sensibilisation, qui va être programmé dans des festivals et, nous l’espérons, sur une chaîne de télévision, s’accompagne d’un livret documentaire pédagogique avec BD, conseils, réponses à des idées reçues, points d’attention permettant de repérer d’éventuelles victimes, etc. Il est destiné aussi bien aux bénévoles de nos associations qu’à des établissements scolaires mais aussi à des policiers, magistrats, éducateurs, travailleurs sociaux…
L’Eglise est-elle attendue et active sur cette question ?
Beaucoup d’acteurs rament à contre-courant pour faire connaître ce fléau, un crime contre l’humanité ainsi que le définit le pape François. Nous souhaitons que tout le monde s’y mette, l’Eglise aussi. Au niveau européen les Caritas des Balkans, du Caucase et de la Méditerranée ont entrepris depuis deux ans avec Caritas-France une recherche-action, à partir de leurs partenaires sur le terrain, pour comprendre la traite des êtres humains dans les situations de conflits et post-conflits et développer une attention particulière à ces situations. De plus en plus de délégations du Secours Catholique s’emparent du sujet. J’aimerais que l’Eglise communique dessus. La France a modifié ses textes de loi pour être conforme à l’Europe mais les moyens manquent. En faire une Grande Cause Nationale pourrait aider à cette mobilisation.
Des chrétiens en première ligne
Parmi les 25 associations du Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » figurent, entre autres, l’Action Catholique des Femmes, Aux Captifs la Libération, le Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine, la Congrégation Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, La Fédération de l’Entraide Protestante, Justice et Paix France, la Cimade, les Champs de Booz, le Secours-Catholique-Caritas France…