Jungle de Calais : « Démanteler ou construire » par Mgr Jaeger

jean-paul_jaeger_portrait« Démanteler ou construire », déclaration de Mgr Jaeger, évêque d’Arras, au sujet du démantèlement de la Jungle de Calais, lancé lundi 24 octobre 2016.

« A partir de ce lundi 24 octobre 2016, une vaste opération de déplacement des personnes concentrées dans la lande ou Jungle de Calais est menée. Même si ce lieu a représenté une lueur d’espoir pour beaucoup d’entre elles, l’insalubrité des lieux et les conditions précaires de subsistance le condamnaient à disparaître. Sans oublier les moyens pris par les pouvoirs publics et l’énorme investissement des bénévoles et des associations, l’heure est venue de construire plus que de démanteler.

Il faut d’abord construire ou reconstruire les modalités du respect de la  dignité humaine d’hommes et de femmes blessés qui ont quitté leurs pays et leurs familles dans des circonstances souvent atroces et douloureuses. Ces mêmes personnes ont souvent été bafouées par les réseaux qui devaient les acheminer vers une hypothétique terre promise et les ont conduits à Calais dans les conditions que l’on sait. Leur départ de notre littoral peut et doit être vécu comme un surcroît de dignité et de respect, notamment à l’égard des mineurs, des femmes seules et des personnes en santé fragile.

L’événement hautement médiatisé que nous allons vivre risque de déclencher des peurs, des réflexes de défense et de rejet. Nos communautés humaines et spirituelles ne peuvent pas faire l’économie d’une réflexion sur le devenir de notre humanité. Les frontières tombent quand il s’agit de vendre, d’acheter, de produire et de faire circuler des capitaux. Devraient-elles être renforcées et devenir hermétiques, quand des êtres humains se déplacent parce que leur vie est menacée ?

Il n’est pas humain de se contenter de slogans à connotation électoraliste quand la survie d’êtres fragiles est en cause. Un long travail de réflexion, de partage, d’écoute, de compréhension et d’accueil est indispensable. L’accueil se prépare. Il sollicite la volonté et la liberté. Il nous engage. Un seul pays, une seule ville ne peuvent évidemment pas faire face à la question majeure des déplacements de personnes. Dans la confiance reçue et donnée, chacun peut prendre sa part humble et modeste de cette réalité. Il est évident que toute personne accueillie entre dans une histoire qu’elle  est amenée à découvrir et à respecter. Elle est invitée à y contribuer. Elle apporte aussi son originalité et son propre parcours. C’est une richesse à accueillir, promouvoir et partager.

N’oublions pas, non plus,  cette interpellation du Conseil permanent des évêques de France* : « L’accueil serait aussi une illusion s’il ne s’accompagnait pas de véritables programmes de soutien dans les pays d’origine des migrations : soutien économique et soutien politique pour lutter contre la misère endémique et les procédés antidémocratiques de certains gouvernants. Cette lutte doit suivre les engagements internationaux pris pour l’aide au développement. » Il nous appartient de ne pas laisser cet objectif hors de la campagne électorale qui s’annonce.

L’année de la Miséricorde touche à sa fin. Les œuvres de Miséricorde continueront à ponctuer la vie quotidienne de nos communautés. Elles sont les signes et les fruits de la mission du Christ et de l’Eglise. L’accueil de l’étranger figure au nombre de ces œuvres de Miséricorde dont le Christ nous donne l’exemple et qu’Il nous demande de pratiquer pour être ses disciples.

Catholiques, nous accompagnons ce lent, patient et difficile travail de notre prière. Elle rejoint les migrants de tous les lieux et de tous les temps, les populations qui souffrent et meurent sous les bombes. Elle porte devant Dieu les victimes des actes terroristes et leurs proches. Elle accompagne tous les bénévoles qui humblement se mettent au service de leurs frères. Elle encourage les responsables de notre pays pour qu’ils veillent à la promotion du bien commun en sauvegardant les personnes. Elle stimule les prophètes et les pionniers qui ne ramènent pas l’avenir aux prochaines échéances électorales. Elle fait découvrir l’avenir aux hommes et aux femmes de bonne volonté qui tissent inlassablement les liens de la fraternité offerte par le Christ. »

Mgr Jean-Paul Jaeger, évêque d’Arras

*« 2017, année électorale : quelques éléments de réflexion » par le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France.

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