Supporter patiemment les personnes ennuyeuses !

P. Emmanuel COQUET, secrétaire général adjoint de la CEFEclairage du Père Emmanuel Coquet, prêtre du diocèse de Paris, Secrétaire général adjoint de la Conférence de évêques de France, sur l’oeuvre de Miséricorde spirituelle « Supporter patiemment les personnes ennuyeuses ».

S’il y a bien une œuvre de miséricorde que les lecteurs de la Bulle d’indiction du Jubilé, Misericordiae Vultus, ont retenu, c’est bien celle-ci : « Supporter patiemment les personnes ennuyeuses » !

Cette 6ème œuvre de miséricorde spirituelle prête même parfois à sourire dès lors que nous considérons ces nombreux visages auxquels on l’associe. Il suffit de repenser à toutes ces situations où, tels des M. Jourdain de la Vie spirituelle, nous avons accompli des œuvres de miséricorde sans le savoir. Souvenez-vous de ces rencontres où vous n’en pouviez plus de recueillir un flot de paroles mais cependant, entre politesse et effort, vous ne vous êtes pas dérobé ! En effet, les occasions de pratiquer cette œuvre de miséricorde sont finalement assez communes et ne se limitent d’ailleurs pas aux bavardages ininterrompus.

Cependant, une fois passée cette première réaction amusée sur notre entourage, nous sommes invités à creuser quelque peu le sens de cette invitation du Pape à supporter patiemment les personnes ennuyeuses…

L’enjeu est de découvrir à travers ces situations emblématiques, que ce qui pourrait être une occasion de rejet, de rupture de la relation interpersonnelle devient un lieu de communion. L’Eglise nous propose de vivre ainsi un a priori de bienveillance vis-à-vis de notre frère.

Il ne s’agit pourtant pas d’adopter un code de bonne conduite afin de ne pas vexer la personne rencontrée mais de développer en nous une vertu à laquelle on prête trop peu attention. Or la Tradition de la vie de l’Eglise nous rend attentif à refléter en nous-même une disposition divine. Rien de moins ! « Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour ; La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres ». (Ps 145)

La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres

Souvenez-vous de Job, cet homme juste, dépouillé de tout et qui subit la ronde de ses amis venus essayer de débusquer la faute qu’il aurait commise et qui lui vaudrait un tel sort. Job n’en peut plus d’endurer les discours de ses « amis ». La tradition de cette attitude est si forte que le Nouveau Testament s’en fait l’écho dans la lettre de saint Jacques : « Voyez : nous proclamons heureux ceux qui tiennent bon. Vous avez entendu dire comment Job a tenu bon, et vous avez vu ce qu’à la fin le Seigneur a fait pour lui, car le Seigneur est tendre et miséricordieux » (Jc 5, 11).

Tenir bon, supporter, patienter… autant de difficultés que nous connaissons bien et qui mobilisent beaucoup d’énergie au quotidien en famille, au sein d’un couple, sur nos lieux de travail… Nous comprenons mieux la logique de saint Paul qui nous rappelle que « la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance » (Rm 5, 4).

Nous sommes engagés dans un chemin de foi où nous découvrons toujours davantage Jésus comme Celui qui patiente vis-à-vis de nous-mêmes ! On peut se plaire à imaginer les personnes ennuyeuses qu’Il a rencontrées durant son ministère public et dont il ne s’est pas détourné… Nous aurions pu faire partie de celles-ci.

Mais pourquoi privilégier cette patience ? Nous avons tous en tête cette longue litanie de saint Paul cherchant à décrire la charité et voici la première caractéristique qu’il en donne : « L’amour prend patience » (1 Co 13, 4). Vivre cette 6ème œuvre de Miséricorde a dès lors une portée bien plus importante que ce que nous aurions pu imaginer au départ comme une disposition quasi héroïque à supporter les pesanteurs de nos proches. Nous sommes mis en état de conversion pour vivre selon l’Esprit de charité qui nous donne de vérifier que nous ne nous illusionnons pas sur notre capacité à aimer. La patience débusque en nous des lieux de conversion et nous donne de vivre cette aridité de la relation comme un chemin de sanctification.

Père Emmanuel Coquet

Secrétaire général adjoint de la CEF

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