« Nostra Aetate » a 50 ans

Le 28 octobre 1965, le Concile Vatican II publiait « Nostra Aetate », déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes. Mgr Dubost, évêque d’Evry-Corbeil-Essonnes, Président du Conseil pour les relations interreligieuses, et Mgr Jordy, évêque de Saint-Claude, Président du Conseil pour l’Unité des Chrétiens et pour les relations avec le judaïsme, saluent l’apport de ce texte et soulignent les défis en cours.

Mgr Michel Dubost, c.j.m.De quoi avez-vous peur ?

Il y a exactement cinquante ans, le 28 octobre 1965, le Concile publiait une déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes.
Un texte court. Un texte qui fut difficile à élaborer.
Un texte qui représentait une évolution, laquelle peut sembler, encore aujourd’hui, une révolution.

Que dit ce texte ?
Il affirme avec force que tous les peuples « forment une véritable communauté », qu’ils ont tous Dieu comme origine et une seule fin dernière.
Il affirme que Dieu aime tous les hommes et toutes les femmes.
Il affirme encore que ce qui est cherché dans les religions, ce sont les réponses aux mêmes questions : « Quels sont le sens et le but de la vie ? », « Pourquoi la souffrance ? », etc…
Il affirme surtout que l’Eglise « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans les religions »… et souhaite que, par le dialogue, les chrétiens fassent progresser les valeurs spirituelles qu’elles renferment.

Bref, le texte dit : n’ayez pas peur des autres ! Rencontrez-les !
Des chrétiens craintifs estiment que ce texte est naïf.
Et pour cela, au lieu de discerner ce qui est trace de Dieu et bon chez les autres, veulent absolument trouver ce que leur doctrine a de mauvais.
Ils révèlent, par là, leur propre peur.

Le texte du Concile est plein d’assurance : pour un chrétien, rencontrer l’autre, c’est vouloir s’enraciner dans le Christ, « voie, vérité et vie », prêter son cœur et ses mains à Celui qui s’est incarné pour rencontrer tous les hommes.
Encore faut-il avoir confiance dans l’Esprit pour inspirer les attitudes et les paroles justes !
Ce fut longtemps difficile pour les chrétiens de regarder les juifs avec ce regard clair du Christ, né de la fille de Sion. Le Concile a donné un véritable élan à la découverte et à l’amitié avec les juifs, nos frères aînés dans la foi ; c’est encore difficile, pour des raisons historiques, avec les musulmans envers lesquels le Concile engage à la « compréhension mutuelle ».

Saint Jean-Paul II, méditant l’Evangile, a voulu une grande réunion de prière à Assise en 1986. Cette rencontre interreligieuse doit éclairer encore notre lecture de Nostra aetate : sans peur, nous pouvons faire confiance au meilleur de l’autre pour construire aujourd’hui la paix du monde.

Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry-Corbeil-Essonnes, Président du Conseil pour les relations interreligieuses

Mgr Vincent JordyNostra Aetate, un événement essentiel de Vatican I

Dans le prolongement de la déclaration Nostra Aetate, quelles sont les spécificités du dialogue judéo-chrétien ?

La déclaration Nostra Aetate a été un événement essentiel du concile Vatican II, le signe manifeste d’un changement de regard à l’égard des autres religions. Ce changement de regard a pris un relief particulier en ce qui concerne le judaïsme dans la mesure où, entre le christianisme et le judaïsme, il y a un rapport unique, un rapport intrinsèque en raison du patrimoine commun qu’est la Parole de Dieu, ce que nous appelons, nous chrétiens, le Premier ou l’Ancien Testament, ainsi que des valeurs éthiques communes qui s’enracinent dans cette Parole.

Ce changement de regard s’enracine aussi dans un autre rapport bien plus douloureux, celui de l’histoire des relations entre chrétiens et juifs à travers les siècles. Nous sommes passés depuis Vatican II et Nostra Aetate de « l’enseignement du mépris » comme l’évoquait Jules Isaac à un dialogue persévérant et irréversible.

Quelles ont été depuis 50 ans les grandes étapes de ce dialogue ?

Ces étapes sont souvent liées à l’engagement très fort des Papes après le Concile. On peut évoquer ici Jean-Paul II à la synagogue de Mayence, parlant du Judaïsme comme de «la première alliance jamais révoqué» ou Benoît XVI rappelant que l’antisémitisme est, pour un catholique, un péché. On peut aussi rappeler des moments symboliquement forts comme la visite de Jean-Paul II à la synagogue de Rome ou sa prière devant le mur du Temple à Jérusalem. On peut enfin évoquer le signe fort de l’épiscopat français lors de la déclaration de repentance à Drancy en septembre 1997.

Quels défis voyez-vous à relever ?

Les défis sont nombreux. Beaucoup ignorent encore les racines juives du christianisme, racines qui sont à rappeler sans cesse pour que les baptisés comprennent mieux leur propre mystère. Il faut aussi aider les jeunes chrétiens face à la montée d’un nouvel antisémitisme. Les générations qui avaient vécues la guerre savaient le drame de la Shoah. L’information doit se faire désormais auprès des nouvelles générations pour lesquelles ces évènements appartiennent à une histoire qui n’est plus la leur mais qu’ils doivent intégrer pour bâtir l’histoire de notre société demain.

Mgr Vincent Jordy, évêque de Saint-Claude, Président du Conseil pour l’Unité des Chrétiens et pour les relations avec le judaïsme

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