Le Pape François à l’ONU

En amont de sa participation à la Rencontre mondiale des familles à Philadelphie (États-Unis), le Pape François se rend à l’ONU (New York), où il prononcera un discours, le 25 septembre 2015. Retour sur les prises de parole des papes.

ONU

La visite du Pape François à l’Organisation des Nations Unies, le 25 septembre prochain, à l’occasion du 75ème anniversaire de l’organisation internationale, revêt une importance particulière. Son intervention devant l’Assemblée générale, à l’ouverture d’un sommet sur le développement durable et à quelques semaines de la Conférence de Paris sur les enjeux du changement climatique (COP21), s’inscrit également dans le contexte de l’Encyclique Laudato Si’ publiée en juin dernier et largement consacrée à la relation entre l’homme et son environnement naturel.

Ce n’est, certes, pas la première fois que le chef de l’Eglise s’adresse aux représentants des 193 pays qui composent aujourd’hui l’ONU. Le premier pas avait été fait par Paul VI, le 4 octobre 1965, deux ans après son élection, alors que venait de s’ouvrir la session finale du concile Vatican II. L’ONU célébrait alors son 20ème anniversaire. Jean Paul II, en 1979 puis en 1995, Benoît XVI en 2008 avaient pris la suite. Ces déplacements avaient été couplés avec une visite pastorale aux États-Unis. Il en est de même en 2015 avec, pour la partie officielle, un accueil à la Maison Blanche puis une intervention devant le Congrès, événement inédit qui doit sans doute au fait que le Président de la Chambre des représentants est de religion catholique.

Il peut paraître aujourd’hui logique et même naturel que le chef de l’Eglise universelle dont le message s’adresse à tous les hommes, quelle que soit leur religion, réponde à l’invitation du Secrétaire général des Nations Unies, le plus haut responsable international. D’ailleurs, si le Saint-Siège n’est pas membre de l’organisation, il en a le statut d’Observateur permanent depuis 1964. Un Nonce apostolique le représente à New York dont la présence et l’influence vont bien au-delà d’un simple rôle d’observation. Certains, se disant attachés à une certaine conception de la laïcité, ainsi qu’un nombre conséquent d’organisations non gouvernementales font régulièrement campagne pour dénoncer cette possibilité sans équivalent donnée à une religion de participer aux affaires de la planète.

Un peu d’histoire…

Il s’en faut pourtant que l’Église catholique ait eu, dans un passé encore récent, une attitude ouverte et engagée vis-à-vis des institutions internationales qui se sont développées après la Première Guerre mondiale. Le Saint-Siège qui avait, sous le pontificat de Benoît XV, tenté d’offrir sa médiation aux belligérants n’a pas été convié à la Conférence de la paix à Versailles. Il n’a pas souhaité entrer à la Société des Nations (SDN) et sa position s’est révélée plutôt critique d’une méthode fondée sur des arrangements de circonstance entre Etats et ne reposant pas sur une restauration de la chrétienté.

Dans une encyclique de décembre 1922 (Ubi arcano), Pie XI l’exprime clairement : « Il ne peut y avoir de paix véritable en dehors de la paix du Christ et si l’on désire la vraie paix, le moyen le plus efficace de travailler à son rétablissement est de restaurer le règne du Christ ». Le Saint-Siège ne se désintéresse pas de la SDN mais il préfère en suivre à distance l’activité, via l’Union catholique des études internationales créée en 1917. Il adopte également une attitude réservée envers le Bureau international du travail dont le champ d’action recouvre un domaine appartenant à ses préoccupations traditionnelles. Il se montre en revanche plus positif envers l’Union internationale de la propriété intellectuelle, un sous-produit de la SDN sur lequel se grefferont l’UNESCO, et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, WIPO, après la Seconde Guerre mondiale.

Le statut incertain et conflictuel du Vatican vis-à-vis de l’Italie et de la communauté internationale, avec la décision du Pape de se considérer comme prisonnier dans Rome, entre évidemment pour beaucoup dans cette frilosité. Les accords du Latran, en 1929, lui donnent les coudées plus franches pour faire valoir sa vocation à se pencher sur les affaires du monde, mais avec des limites précises : « Le Saint-Siège, en ce qui touche la souveraineté qui lui appartient même dans le domaine international déclare qu’il veut demeurer et demeurera étranger aux compétitions temporelles entre les autres Etats et aux réunions internationales convoquées pour cet objet, à moins que les parties au litige ne fassent un appel unanime à sa mission de paix, se réservant en chaque cas de faire valoir sa puissance morale et spirituelle ». Il est question uniquement dans ce texte de litiges déclarés et de compétition et non d’une action permanente pour le maintien de la paix et il n’est pas fait mention d’une participation à des organismes internationaux.

Après 1945…

Le véritable tournant se produit à la fin du deuxième conflit mondial, lorsque Pie XII évoque, dans son message de Noël 1944, la naissance prochaine de l’ONU et précise ce qu’il en attend. Il salue « la formation d’un organisme pour le maintien de la paix, investi d’un commun accord d’une autorité suprême et qui aurait aussi dans ses attributions d’étouffer dans son germe toute menace d’agression isolée ou collective ». La création dans la foulée d’un grand nombre d’organisations spécialisées, souvent liées à l’ONU, amène le Saint-Siège à préciser sa doctrine. Il devient membre plein de celles qui lui paraissent entrer dans le champ de sa mission spirituelle et caritative : HCR (réfugiés), CNUCED (développement), OIM (migrations), OSCE (sécurité et coopération en Europe), et rejoint celles que son statut étatique rend incontournable : UIT (télécommunications), UPU (poste). Pour d’autres, en revanche, il se contente d’un siège d’observateur : FAO (alimentation), OMC (commerce), OMS (santé), UNESCO, Conseil de l’Europe… La différence entre membre et observateur paraît souvent ténue car le représentant du Saint-Siège, même sans droit de vote, est informé de tout et a pleine liberté d’exprimer quand il le souhaite le point de vue du Vatican.

Le problème s’est posé également avec l’Union européenne dont il est impensable que le Saint-Siège se tienne à l’écart, d’autant plus qu’il est autorisé à émettre des euros, en accord avec l’Italie. Ne répondant pas, par nature, aux critères de Copenhague (institutions démocratiques, économie de marché), il a choisi d’ouvrir une représentation diplomatique à Bruxelles en 1970 et de faire accréditer un Nonce apostolique. L’Union a pris son temps avant de lui rendre la pareille et n’a ouvert sa propre représentation qu’en 2006, distincte évidemment de celle qui opère avec l’Italie.

Les papes à l’ONU

Une comparaison des différents messages adressés aux Nations Unies par les Souverains Pontifes lors de leurs interventions devant l’Assemblée générale montre une évolution très sensible. D’un appel à la paix, au désarmement, au règlement pacifique des différends, le Pape passe, avec de plus en plus de précision, à l’évocation de problèmes touchant aux droits inaliénables de l’homme, à la liberté religieuse, au primat des valeurs spirituelles. Les préoccupations liées au respect de l’environnement et à la protection des ressources naturelles sont mises en avant par Benoît XVI, plus que ne l’ont fait ses prédécesseurs. Tous expriment en revanche la confiance placée dans l’organisation : « le chemin obligé de la civilisation moderne et de la paix » (Paul VI), « l’instance suprême de la vie internationale de l’humanité contemporaine » (Jean-Paul II), « un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale » (Benoît XVI). Les nuances résident plutôt dans la nature du rôle assigné à l’ONU. Pour Paul VI, il faut aller plus loin et parvenir progressivement à la mise sur pied d’une autorité mondiale en mesure d’agir efficacement sur le plan politique et juridique. Pour Jean-Paul II, l’ONU est moins un centre d’action qu’une tribune, un forum chargé de définir l’avenir de l’humanité.

Compte tenu des circonstances du moment et des précédents, on peut aisément avoir une idée des thèmes que le Pape François abordera le 25 septembre 2015, à New York. Nul doute que cet événement qui fait désormais partie du rituel de tout Pontificat et permet d’adresser un message d’une portée universelle à l’ensemble de la planète, portera son empreinte personnelle.

Dominique Chassard, bénévole au Service national de la Mission universelle de l’Eglise (SNMUE)

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Dans son discours aux Nations Unies (New York), le 25 septembre 2015, le Pape François est revenu sur l’histoire et le rôle de l'organisation. Il a aussi évoqué la crise climatique, la lutte contre la prolifération des armes nucléaires et le narcotrafic.

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