Visages et témoignages de veilleurs avec l’ACAT

Étudiants, salariés ou retraités ; chrétiens laïcs ou membres de communautés religieuses ; ils composent la formidable mosaïque de priants et de militants de l’ACAT. Quatre portraits pour les 40 ans de l’ONG chrétienne contre la torture et la peine de mort. Par Chantal Joly.

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Estelle : « stratège » des réseaux jeunes

À 26 ans, Estelle comptabilise déjà dix années d’ACAT ! C’est dans son aumônerie de lycée qu’attirée par cet engagement inhabituel, elle a découvert « un monde inconnu qui pose des questions sur l’humanité et le pardon ». « D’un seul coup, explique-t-elle, vous n’êtes plus dans un film. Les cas d’enlèvement, de séquestration, de torture psychologique rappellent l’ampleur du combat à mener dans le monde ». Dynamisée par leur jeune animatrice (à qui elle a succédé), motivée par la longue correspondance nouée avec un Américain condamné à mort, elle a mesuré l’efficacité de ce soutien. « On a des preuves que notre action fonctionne », plaide-t-elle lorsqu’elle sensibilise aux Droits de l’Homme sur les marchés ou tente de rallier des jeunes comme militants. Engagée à titre professionnel dans des quartiers populaires du Val d’Oise, elle continue de s’investir à l’ACAT. Au sein de la Commission animation, elle travaille à « moderniser son image », à préparer une formation spéciale Jeunes et à monter une « Nuit des Veilleurs » à la prison de Poissy.

Sylvie : la foi vécue de façon concrète ACAT_Sylvie_Salier

C’est en bavardant avec son voisin de table, membre de l’ACAT, lors d’un dîner de l’Entraide Protestante en 2006, que Sylvie s’est sentie « interpellée ». Ingénieure dans l’industrie plastique, elle n’avait jamais milité. Un des premiers témoignages rencontrés a été celui d’une jeune africaine sortie d’un interrogatoire les jambes brisées. « Nous savons, commente-t-elle, que notre action n’est qu’une goutte d’eau mais dès lors que j’ai la possibilité d’agir, c’est essentiel ».
Aujourd’hui intégrée dans un groupe de la région de Lyon, elle trouve « précieuse la fraternité construite par le fait de faire des choses et de prier ensemble ». Tout comme les liens qu’elle entretient avec des adhérents individuels en tant que correspondante au sein de la région. Au-delà de la recherche de nouveaux adhérents, Sylvie trouve « très importante l’information ». Organiser expositions et conférences « pour montrer que derrière la torture, il s’agit de systèmes politiques et de non respect du droit » demande d’y consacrer du temps mais apporte « des satisfactions ».

ACAT_Claude_GranierClaude : au nom de la fraternité des chrétiens

Responsable du Pôle Vie Militante, et vice-président protestant de l’ACAT, Claude déclare trouver « formidable » cette association où s’équilibrent « une base militante convaincue, de nombreux sympathisants et des experts professionnels compétents ». Ancien chercheur scientifique et membre actif de l’Église Réformée, il y a trouvé « une prolongation de son engagement chrétien dans la Cité, au service du plus faible». Sollicité à sa retraite en 2010 pour entrer au Comité directeur, il a tenu à créer parallèlement un groupe local. Dans son village de l’Hérault où catholiques et protestants partagent locaux et activités, la « communion de prière et d’action » de l’ACAT avait d’autant plus de sens. C’est là qu’il distribue tracts et pétitions, organise des expositions et intervient sur la peine de mort en milieu scolaire en tentant de « semer le doute » chez ses détracteurs. Face aux drames du monde, ce militant enthousiaste s’accroche aux « lueurs d’espoir » que représentent libérations et améliorations de vie des prisonniers. « Nous sommes, témoigne-t-il, les mains de Dieu ».

Sœur Christilla : l’attention aux souffrants

J’ai été à la JOC dans ma jeunesse. Prier et agir ; la proposition me parlait », explique Sœur Christilla pour expliquer sa volonté, en 2006, de créer un groupe ACAT dans le quartier de la rade de Brest. Dans sa Congrégation dédiée aux bien portantes et handicapées, les Servantes de l’Agneau de Dieu, il est de tradition de se mobiliser pour l’ACAT. « C’est dur, admet-elle, de lire tous ces rapports et de sentir toute cette souffrance mais on ne peut pas rester insensibles. Et puis notre fondateur nous disait : « Soyez mondiales ! » ». Dans sa communauté, toutes les sœurs signent donc chaque mois les pétitions en faveur des victimes de torture qu’elles portent également dans leurs intentions de prière. Les sœurs sont même souvent les plus matinales lors de la « Nuit des Veilleurs » animée du 26 au 27 juin au Temple, et qui sert de modèle aux autres groupes régionaux. À bientôt 90 ans, engagée au Mouvement Chrétien des Retraités et dans un groupe Bible, Sœur Christilla voudrait « passer les rênes ». « On fait, conclut-elle, ce qu’on peut ; le Seigneur fera le reste ».

L’ACAT, 40 ans d’engagement oecuménique logo_acat_france_orange
C’est le 16 juin 1974, lors d’une conférence d’un pasteur de retour du Vietnam que deux laïques protestantes, Édith du Tertre et Hélène Engel fondent l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture. Une journée spéciale pour les 40 ans a eu lieu le 15 novembre 2014 à Paris, avec une célébration œcuménique et un colloque à l’Institut catholique. L’ACAT, qui regroupe protestants, catholiques et orthodoxes, milite aujourd’hui pour l’abolition de la torture et de la peine de mort ainsi que pour la défense du droit d’asile. Association chrétienne reconnue d’utilité publique, elle est membre de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme.

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