Économie de Communion : partager des richesses et des relations

Chantal_José_GREVIN_LindryÀ l’occasion du Mois de l’économie sociale et solidaire, José et Chantal Grevin, membres de Focolari et coordinateurs pour la France de l’Économie de Communion, évoquent cette piste de réalisation concrète d’une économie cohérente avec l’Évangile. Propos recueillis par Chantal Joly.

Quel est le chemin qui vous a conduit à l’Économie de Communion ?
José G. : J’étais dans l’aventure de la création d’entreprise en 1991. Membres des Focolari, nous avons été conquis par l’idée de sa fondatrice de créer des richesses et des emplois afin d’éliminer la pauvreté en permettant à chacun de donner dans une relation de fraternité. Le Mouvement nous a demandé en 1996 de soutenir ce projet.
Chantal G. : Juriste spécialisée dans le droit au logement, j’intervenais à l’époque dans une mairie pour des conseils. Cette idée de mettre « tout en commun » (Actes des Apôtres, 2, 44-45) à l’image des premiers chrétiens et comme dans une famille offrait à l’utilisation de l’argent un sens. J’y lisais dans sa radicalité l’Évangile pur.

La Pensée sociale de l’Église est-elle présente dans l’Économie de Communion ?
Elle est au cœur de ce qui l’anime : dans sa vision de l’entreprise « communauté de personnes » (encyclique Centesimus Annus), dans son souci de « la destination universelle des biens » (Constitution pastorale Gaudium et Spes) et, bien sûr, à travers « L’option pour les pauvres et les exclus » (Lettre Apostolique Tertio Millennio Adveniente). Mais l’Économie de Communion intègre aussi le patrimoine de l’Église. À la suite de Jean-Paul II qui évoquait dans sa Lettre Apostolique Novo Millennio Ineunte une « Spiritualité de communion », Benoît XVI déclare dans son encyclique Caritas In Veritate : « Le principe de gratuité et la logique du don, comme expression de la fraternité, peuvent et doivent trouver leur place à l’intérieur de l’activité économique normale ».

Quelle différence avec l’Économie sociale et solidaire ?
L’Économie de Communion s’inscrit dans ce vaste courant. Ce que nous apportons peut-être d’original, c’est la lumière mise sur la relation. Chiara Lubich parlait de former des hommes nouveaux selon l’Évangile aptes à aimer et à donner. Car il s’agit davantage d’une conversion des mentalités à la culture du don que de générosité. Tout en fonctionnant comme les autres avec les mêmes risques et les mêmes fragilités, les entrepreneurs de l’EdC ne se contentent pas de partager les profits, ils cherchent à nouer une relation de fidélité et de respect avec leurs employés, fournisseurs, clients, et même leurs concurrents, quitte à renoncer à des marchés. Je pense à l’un d’eux, commerçant en centre ville qui, démarché par un commercial, a refusé de vendre un produit vendu par son concurrent dans la même rue, pour ne pas lui nuire. Il s’est alors vu proposer un autre produit qui lui a apporté un bon chiffre d’affaires. Certains y voient une réponse de Dieu considéré comme « l’associé invisible » de l’entreprise.

Comment participer à l’Économie de Communion sans être chef d’entreprise ?
En tant que consommateurs et citoyens, nous passons notre temps à poser des actes économiques et à avoir des relations économiques. Mais lorsque nos choix touchent au porte-monnaie, nous oublions souvent que l’Évangile est en jeu. Or tous nos comportements ont une influence : on peut, par exemple, louer un appartement à un étudiant en l’aménageant comme si c’était pour nos propres enfants ou ne fournir que le minimum. De même, résister à la tentation fréquente de commander un « travail au noir » n’est pas facile. Nous pouvons tous devenir responsables et solidaires. Et si on vit cette culture du don partout, ça change le monde !

L’Économie de Communion reste pourtant mal connue et minoritaire !
Effectivement. Mais comme plaisantait un économiste : « Ça se verrait quand même si ça ne marchait pas ! » Le noyau des pionniers reste très vivant et a régulièrement augmenté. Sans appartenance déclarée à l’EdC, des artisans, des agriculteurs, des cadres, s’en inspirent. Nous sommes régulièrement invités à intervenir dans des diocèses, des Mouvements. Par ailleurs, nous constatons que l’Économie de Communion entre dans un domaine d’études et de recherche universitaires. Nous voyons également arriver dans nos Summer School des jeunes de tous les continents, hautement diplômés, qui cherchent sur Internet une économie plus juste et trouvent dans l’EdC des réponses.

800 entreprises
Frappée par la vue des bidonvilles de Sao Paulo, Chiara Lubich décide en 1991, pendant son voyage au Brésil, de donner un élan nouveau à la communion des biens vécue dans le Mouvement des Focolari en lançant le projet d’une Économie de Communion. Aujourd’hui près de 800 entreprises sur tous les continents y adhérent. En France ils sont une trentaine de responsables de PME. À Arny, dans l’Essonne, cité-pilote des Focolari, un pôle multimédia présente cette initiative et ses réalisations.

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