L’Enseignement catholique souhaite redonner à la morale sa modernité

Portrait de Pascal BalmandAider les jeunes à éclairer leur conscience à la lumière de l’Évangile ; telle est l’ambition résumée par le texte d’orientation « École catholique et formation morale » voté en mars 2014. Pascal Balmand, Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique, le commente. Par Chantal Joly.

Pourquoi ce texte alors que la formation morale fait déjà partie de la tradition et du projet de l’Enseignement catholique ?

Effectivement, rien de révolutionnaire. Il s’agit simplement d’expliciter cet élément qui nous est constitutif en anticipant l’entrée en vigueur, en 2015, de l’enseignement moral et civique prévu par la loi de refondation de l’École. Nos établissements étant liés à l’État par contrat, c’est une bonne occasion de travailler ce questionnement dont on sent qu’il a davantage sa place aujourd’hui qu’hier.

Il y a des modes lexicales. Ainsi depuis quinze/vingt ans, le mot « d’éthique » qui, à tort ou à raison, semblait moins « daté » et plus philosophique, était préféré à celui de « morale ». Or il n’est pas inintéressant que cette notion revienne sur le devant de la scène. Mais lorsque l’État parle d’ « enseignement moral », nous disons « formation morale ». La logique est différente : pour nous il ne s’agit pas tant d’une discipline scolaire à enseigner que d’une formation au sens critique de chaque jeune, chaque adulte, portée par tous les membres de la communauté éducative. Ce n’est pas pour le plaisir de nous démarquer de l’Enseignement public. Notre texte révèle du reste de nombreuses convergences. Mais il exprime une singularité chrétienne qui n’est pas incompatibilité mais spécificité.

Autre exemple de décalage avec les projets gouvernementaux : ceux-ci font de la morale le fondement du vivre ensemble collectif, sans évoquer ni la personne, ni son bonheur. Alors que notre texte souligne notre volonté de permettre « à chacun, au sein d’une communauté, de grandir en humanité, en répondant librement à sa vocation ».

Le défi est donc de prouver aux nouvelles générations que le respect de la Loi n’est pas incompatible avec leur liberté ?

Il y a tout un travail pédagogique à mener en premier lieu vis-à-vis des parents et des éducateurs qui ne se sentaient pas toujours assez sûrs d’eux pour tenir des discours susceptibles de paraître normatifs. Nous devons les rassurer quant à leur rôle d’adultes et mener avec eux ce travail : expliquer que la Loi libère, qu’elle n’est pas extérieure à la personne, démontrer surtout qu’elle est chemin de liberté et de bonheur. « J’ai mis devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie afin que toi et ta postérité, vous viviez » invite le Deutéronome (30, 19). Le défi est bien de mettre en lumière ce que les règles apportent de bien et de bon pour chacun et pour tous.

Vous employez la belle formule de « pédagogie de l’émerveillement ». Qu’entendez-vous par là ?

Cette expression entend questionner sur la dérive utilisatrice de l’École dont la mission est d’apporter aux enfants et aux jeunes ce qui est vital pour toujours et pas uniquement des compétences destinées à les préparer à s’insérer professionnellement. Ces fondamentaux, ce sont la confiance en eux, comme à l’égard des autres, du monde et de la vie. Nous devons les libérer de la culture de l’immédiateté et de la compétition dans laquelle on veut les faire grandir, les aider à identifier à la fois ce qui est à améliorer et ce qui est beau. La formation morale vise donc à éduquer à l’intériorité et à une forme de gratuité.

La culture contemporaine numérique a par ailleurs modifié le rapport au temps et au savoir. Aussi le modèle du cours intégralement magistral est appelé à peu à peu à faire place aux pédagogies collaboratives permettant aux jeunes de justifier de manière argumentée leurs choix. Je suis très frappé par le fait que, sur mille et un sujets, nous vivions dans une époque qui fonctionne davantage à l’affectif et à l’anathème qu’aux débats argumentés. Sur tous ces points, une partie de l’héritage éducatif ne répond plus totalement aux besoins actuels. Or l’École doit s’ajuster à son époque, pour elle-même et plus largement. Nous souhaitons pouvoir y contribuer par nos pratiques éducatives.

logo_enseignement_catholiqueUn texte collégial

Le document a été rédigé par un groupe de travail comprenant l’ensemble de la « famille » de l’Enseignement catholique : représentants des parents d’élèves, des enseignants, chefs d’établissements, directeurs diocésains, instituts de formation, membres du Secrétariat général… Le Père Laurent Stalla-Bourdillon, directeur du Service Pastoral des Études Politiques (SPEP), a apporté son expertise.

Proposé au Conseil épiscopal pour l’Enseignement catholique, il a ensuite été adopté à l’unanimité par le Comité national de l’Enseignement Catholique et par la Commission permanente. Diverses fiches pratiques en cours d’élaboration accompagneront à l’automne le document en vue de son appropriation par les équipes éducatives.

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