Mgr d’Ornellas réagit au rejet de l’initiative « Un de nous » par la Commission européenne

Mgr Pierre OrnellasLe 28 mai 2014, la Commission européenne a rejeté la proposition faite par l’initiative européenne « Un de nous ». Celle-ci visait à prendre des mesures pour interdire le financement d’activités de recherche sur les cellules souches présupposant la destruction d’embryons humains. Elle avait pourtant reçu le soutien de plus de 1,7 million de citoyens européens. Réaction de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes.

Comment accueillez-vous cette nouvelle ?

Comme un refus de débat. Le texte de la Commission me paraît une auto-justification : ce qu’elle fait est parfait, rien à changer ! Pourtant, plus d’ 1,7 million de citoyens européens se sont exprimés, selon la possibilité que leur donne le Traité de Lisbonne dont l’esprit est de renforcer la démocratie en Europe. Or, la Commission semble leur dire : « Vous n’avez rien compris, vous vous êtes exprimés pour rien ! » C’est un mauvais signal donné à la démocratie. En agissant ainsi, la Commission fait le lit de l’euroscepticisme. Elle donne l’impression d’avoir peur de la réflexion de 1,7 million de citoyens, d’une Europe qui est une technique juridique sans âme ni pensée. Une vision de l’homme et de la recherche scientifique s’est exprimée par cette Initiative Citoyenne. Pourquoi la Commission ne la soumet-elle pas aux parlementaires, quitte à l’assortir de son avis ? Le Parlement n’examine-t-il que les projets législatifs qui plaisent aux technocrates non élus de la Commission ? Les parlementaires, tous élus, sont les premiers intéressés par la pensée de plus de 1.700.000 citoyens.

Comment continuer « à promouvoir à l’avenir les principes qui sous-tendent cette initiative ainsi que les mesures proposées, tant au niveau de l’UE qu’au niveau des Etats membres » ?

Cette Initiative citoyenne est la première d’une telle envergure. J’espère que des outils juridiques le permettront qu’elle soit prise en considération. La destruction délibérée de l’embryon humain pose un problème éthique ! Les États membres en sont conscients : le Code civil français précise que la dignité de l’être humain doit être respectée dès le début de sa vie ; la Loi fondamentale allemande stipule que la vie humaine est inviolable, etc. Cela pose la question de la recherche scientifique qui détruit l’embryon humain : a-t-elle en elle-même une éthique ? Depuis Nuremberg, on sait qu’il est impossible de faire une recherche sur l’être humain vulnérable sans son consentement éclairé. Depuis, on « fabrique » des embryons humains. Non sans « inquiétude éthique », pour reprendre Lévinas. L’Europe redorerait son blason si elle permettait que cette « inquiétude éthique » s’exprime dans un débat qui ne soit pas guidé par les intérêts économiques ni par la technique juridique. À refouler l’inquiétude éthique, on engendre des maux imprévus.

Quel regard portez-vous sur les avancées scientifiques ?

La recherche qui vise à guérir des maladies est à encourager. Mais la recherche sur le sens de l’éthique est aussi à promouvoir. L’éthique n’empêche pas le progrès. Au contraire, elle ouvre des chemins pour une croissance dans le bien de l’être humain, sans en privilégier plus que d’autres, mais en prêtant attention aux plus fragiles. L’éthique vient d’une vision de l’homme, de son bonheur, de sa vocation sur terre et au-delà. Elle précède la vision scientifique. Dieu est bon. Sa bonté se reflète dans la réalité qu’observe la science. Celle-ci peine devant l’admirable complexité du réel. Son labeur témoigne que la bonté de Dieu est toujours plus grande. Celle-ci se reflète aussi dans l’éthique : les justes voies de la liberté sont d’étonnantes sources de joie et de courage pour affronter les défis dont nous sommes responsables : trouver dans la nature de quoi guérir nos frères et sœurs malades, et de quoi les accompagner avec respect et délicatesse sans qu’ils souffrent lorsque nous ne savons pas encore les guérir.

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