Décès du cardinal béninois Bernardin Gantin

Cardinal Gantin

Le cardinal Bernardin Gantin est décédé à l’hôpital Georges Pompidou mardi 13 Mai à 16 H 30, en la fête de Notre Dame de Fatima. C’est donc à Paris, chez nous, qu’il est entré dans l’éternité.

Paris, ville où il vint d’abord comme jeune prêtre en 1953, lorsqu’il quittait pour la première fois son pays, le Bénin où il est né en 1922. Paris et la France où il est venu si souvent ! Lors de sa messe d’au revoir à la France, le dimanche 10 Novembre 2002, il avait dit à Notre Dame de Paris en présence de son grand ami, le cardinal Lustiger et d’une foule d’amis : « La divine Providence, qui nous réserve toujours des surprises, devait ramener mes pas en ces mêmes lieux dans le sillage de Jean Paul II en 1997 pour la béatification du grand et exemplaire chrétien que fut Frédéric Ozanam ».

La divine Providence a conduit ce grand africain depuis Abomey, ville royale du Dahomey, jusqu’à Rome où il a servi l’Eglise, aux côtés de Jean Paul II pour lequel il avait une grande admiration et avec son ami le Cardinal Ratzinger qui lui a succédé en 2002 comme doyen des Cardinaux.

La divine Providence l’a conduit aussi à Lourdes pour présider au nom du pape le Congrès Eucharistique de Lourdes en 1981. Il disait alors à son arrivée dans la cité mariale : « Les voies surprenantes de Dieu m’ont conduit de Cotonou à Rome à l’appel du pape. Les voies surprenantes de Dieu ont conduit des hommes et des femmes missionnaires partis de France pour allumer la foi chrétienne sur la côte du Bénin appelée alors la Côte des Bonnes Gens ».

La divine Providence a conduit le cardinal dans le monde entier, et jusque dans la lointaine Océanie où j’avais eu la joie de l’accueillir en août 1984. Et elle l’a ramené en 2002 dans son pays natal pour y vivre en « missionnaire ». Elle lui a permis de célébrer ses 50 ans d’épiscopat le 3 Février 2007 lors d’une célébration grandiose dans la basilique de Ouidah, lieu de l’arrivée des Missionnaires d’Afrique et lieu de son ordination sacerdotale en 1951.

La divine Providence a permis qu’il soit accompagné par ses proches jusqu’à Paris pour les ultimes jours à l’hôpital Pompidou et les dernières minutes chargés d’émotion et de prières pour ceux qui avaient le privilège d’être là à ses côtés.

Et voici maintenant les souvenirs. Ils sont nombreux, joyeux et émerveillés. Souvenir de son accueil délicat à tous, des repas fraternels dans son appartement près de la basilique Saint Pierre à Rome ou dans sa résidence à Cotonou. Souvenir d’un homme d’exception, attentif à tous, petits et grands, de ses messages multiples pour les grands évènements ou pour les anniversaires ou fêtes.

Exceptionnel, le cardinal Gantin le fut par son itinéraire. Il n’a rien cherché et il a pourtant été nommé aux plus hautes fonctions qu’il a assumé avec humilité et sens de l’Eglise. Le président Chirac a exprimé à plusieurs reprises « toute l’estime que la France vous porte » Et un de ses amis, l’académicien Maurice Druon a écrit à son propos : « Vous avez occupé avec une dignité parfaite les plus éminentes fonctions dans l’Eglise, mais sans ostentation aucune. »

Exceptionnel, le cardinal Gantin le fut par sa mémoire phénoménale des personnes. En nommant un pays ou un diocèse, il mentionnait de suite les nombreuses personnes qu’il connaissait… et qu’il n’oubliait pas. « Je garde tout le monde dans ma mémoire et dans mon cœur », m’a il dit un jour.

Exceptionnel, le cardinal Gantin le fut par sa douceur, sa bonté et son esprit évangélique. Il vivait de « l’Esprit des Béatitudes » comme l’a dit le Père Joseph Vandrisse qui l’a bien connu à Rome.

Exceptionnel, le cardinal le fut par son lien avec tous les Béninois de toutes conditions et de toutes religions. Lié à tous les évêques béninois par les ordinations épiscopales qu’il a présidées, il était aussi admiré par tous ses compatriotes là bas au Bénin comme ici en France. Aussi, l’Eglise catholique béninoise qui s’honore de nombreuses vocations a été marquée par cette personnalité. Et le cardinal Gantin est au Bénin ce que fut Jean Paul II pour la Pologne.

Aussi, l’adjectif qui le qualifie le mieux est celui de « Grand ». Il utilisait ce mot pour désigner des saints ou des missionnaires. Il est adapté pour lui, « grand cardinal » reconnu et vénéré par ses pairs qui ont fait de lui leur doyen.

A l’âge de 80 ans, alors qu’il pouvait rester à Rome, il a souhaité revenir dans son pays, le Bénin en disant à Jean Paul II : « Vous, Très Saint Père, revenir dans son pays, vous pouvez comprendre cela ». Et il a vécu six années de retraite active, présidant récemment la messe d’ordination épiscopale de Mgr Houdekon, évêque d’Abomey le 3 Février dernier. Et c’est là, chez lui, qu’il a souhaité revenir pour reposer dans la chapelle du séminaire Saint Gall, près de la tombe de Mgr Parizot, l’évêque missionnaire dont il fut l’auxiliaire.

Merci, cher et vénéré Cardinal, de ce témoignage de votre vie et de votre foi.

+ Jean-Yves Riocreux
Evêque de Pontoise
14 Mai 2008

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