Jean Vanier : « Les plus faibles sont vus comme un poids »

Jean Vanier

Sous l’impulsion de Marie-Hélène Mathieu et Jean Vanier, « Foi et Lumière » naissait en 1971 à l’issue du premier pèlerinage destiné aux personnes handicapées et à leur famille. Quarante ans après, Jean Vanier revient sur cette aventure et porte un regard sans concession sur la place de la personne handicapée dans notre société aujourd’hui.

« Foi et Lumière » fête ses 40 ans, quel lien vous unit aujourd’hui au mouvement ?

Aujourd’hui, à 82 ans, je ne fais plus partie du comité de direction que j’ai quitté il y a 7 ans. Je n’appartiens pas non plus à une communauté. J’ai un lien de cœur avec le mouvement. Des communautés viennent à Trosly (60) pour des retraites que j’anime, je participe à certaines rencontres. Ma vie est liée aux personnes avec un handicap car depuis 1964, je vis avec elles dans un de nos foyers dans l’Arche. C’est ma vie et ma joie !

Quel impact a eu, selon vous, le premier pèlerinage à Lourdes en 1971 ?

J’ai été frappé par la souffrance des parents et la joie qu’ils ont témoignées lors du pèlerinage. Une maman m’a dit : « C’est extraordinaire ! Pour la première fois, on ne me regarde pas bizarrement, car j’ai un enfant handicapé. » Ce n’était plus un problème. Cet événement a été un moment d’accueil dans un grand pèlerinage international et dans l’Église. A l’époque, certains prêtres ne donnaient pas la communion à une personne avec un handicap. Le pèlerinage a eu un retentissement dans l’Église, la société, les médias. Il a créé un choc…

Quelles étapes ont permis de faire évoluer les mentalités ?

Il n’y a peut-être pas eu assez d’étapes… Beaucoup de personnes pensent que le handicap est une question d’argent et concerne les professionnels, les politiques. Pourtant la grande question est plutôt de savoir si la personne avec un handicap est mon frère ou ma sœur. Il ne s’agit pas d’un problème à résoudre mais de personnes avec qui on est amené à vivre, à célébrer, à se réjouir, car elles existent ! Le drame de celles-ci est d’avoir été et d’être humiliées. Dans une société où tout le monde doit être fort, être en lutte, les plus faibles sont mis de côté, déconsidérés, méprisés. On s’interroge d’abord pour connaître le coût plutôt que de voir comment créer une société où chacun trouve sa place. Dans une société hyper stressée, où l’on doit réussir, les plus faibles sont vus comme un poids. Les personnes avec un handicap demeurent encore très marginalisées. Elles dérangent parce qu’elles ne font pas comme les autres. Elles sont plus libres, elles passent à travers les habitudes, etc.

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Naissance de « Foi et Lumière »

En 1968, Jean Vanier et Marie-Hélène Mathieu, sensibles à la souffrance de Camille et Gérard et de leurs deux enfants Loïc et Thaddée, handicapés mentaux, se lancent dans l’organisation d’un pèlerinage pour les personnes avec un handicap et leurs parents.  » Camille et Gérard s’étaient rendus à Lourdes dans les années 60, mais les hôtels ne voulaient pas les accueillir, se souvient Jean Vanier. Finalement, ils en ont trouvé un, mais on leur interdisait de manger avec tout le monde. Leur expérience nous a fait prendre conscience que des parents étaient meurtris de ne pas pouvoir participer à des pèlerinages diocésains. »
Trois ans plus tard, ils sont 12 000 pèlerins à Lourdes pour le week-end de Pâques. Il raconte : « C’était une grande fête. Au moment de nous dire au revoir, tout le monde a exprimé l’envie de continuer à se rencontrer. » « Foi et Lumière » naissait ainsi ce lundi de Pâques 1971. « Nous avons pris conscience au fur et à mesure que ce mouvement était voulu de Dieu. » Le mouvement allait essaimer pour compter aujourd’hui 1648 communautés dans 79 pays.

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