L’Eglise en RDC : « Nous sommes frères »

A l’occasion de la campagne de Carême 2013 du CCFD – Terre Solidaire, Mgr François-Xavier Maroy, archevêque de Bukavu en République démocratique du Congo, était de passage à Paris. Invité à la maison de la Conférence des évêques de France, il dresse le portrait d’une Eglise jeune et vivante dans un contexte politique et social difficile pour le pays.
 
Mgr Maroy, vous êtes venu de loin pour répondre à l’invitation du CCFD-Terre Solidaire. Pourquoi était-il important pour vous de faire ce déplacement ?

Ma venue en France permet un renforcement des liens entre les diocèses français et congolais. Le CCFD – Terre Solidaire m’a organisé un programme bien chargé, du 10 au 18 mars. J’en suis très satisfait car j’ai pu rencontrer de nombreux évêques comme Mgr Eric de Moulins-Beaufort et Mgr Renaud de Dinechin, (Paris) ; Mgr Pascal Delannoy (Saint-Denis) ; ou encore Mgr Jean-Yves Nahmias (Meaux). C’est important pour moi puisque nous sommes tous d’un même et seul collège épiscopal et universel. Nous avons partagé sur les échanges que nous avons grâce à nos prêtres fidei donum, nos jeunes missionnaires et nos projets d’aide financière. Ces réflexions sur nos partenariats améliorent les bonnes relations entre les Eglises particulières.

Comment vit-on le Carême en RDC ?

Diaconie, charité et service ont la même signification. Dans mon pays, cela se vit intensément. Une grande communion se manifeste dans tous les événements de la vie : une naissance, un sacrement, un décès, etc. Tout le village s’empresse pour féliciter, célébrer, pour offrir du matériel, de la nourriture, aider au travail, au repas, ou pour veiller un mort. L’Eglise impulse un service caritatif qui dépasse le cercle familial. Elle apporte une vitalité par ses échanges avec les diocèses d’autres pays.

Pendant la période du Carême, la conférence épiscopale du Congo a demandé aux prêtres de sillonner les communautés de base à l’occasion de l’Année de la foi. Village après village, ils donnent des catéchèses avant de confesser tous les habitants. A la fin du Carême, ils auront fait le tour de leur secteur en visitant les malades ou en donnant les sacrements.

A chaque Vendredi Saint, un pèlerinage est organisé vers le lieu des premiers missionnaires du pays, en haut d’une colline, dont nous avons fêté le centenaire en 2007. Et le Samedi Saint est marqué par un grand nombre de baptêmes d’adultes.

Le CCFD – Terre solidaire et l’Eglise en RDC sont partenaires depuis 2007. En quoi consiste ce projet ?

J’ai été l’un des initiateurs de la Commission épiscopale pour les ressources naturelles (CERN), supervisée par « Justice et Paix ». Son objectif est d’apporter une réflexion au sujet de l’exploitation des ressources naturelles en RDC, spécialement sur l’extraction illégale des minerais qui contribue à l’instabilité du pays.

Depuis deux ans, un observatoire à Bukavu fait des études de terrain. Son but est d’éclairer la population sur ses droits et ses devoirs pour l’utilisation de ses terres. Il accompagne aussi les dirigeants pour améliorer la gestion des titres et des contrats. La CERN est présente à Goma, Bukavu, Boma et à Kinshasa grâce à un partenariat financier avec le CCFD-Terre Solidaire.

L’Eglise reste la référence pour le peuple, elle a un rôle de « catalyseur d’espérance ». Elle encourage également les responsables politiques pour une prise de conscience de leur responsabilité, leur rôle, leurs droits et devoirs envers son peuple. C’est un travail intéressant, à consolider au niveau du pays, des provinces et des diocèses. Notre mission est de les rencontrer, ils sont hommes à l’image de Dieu.

Les évêques français peuvent contribuer au plaidoyer de notre pays. Nous comptons sur les chrétiens de France pour dire que le Congo est le deuxième pays francophone du monde. Nous sommes frères. Nous demandons de porter une attention particulière à notre pays et de nous aider à vivre en paix. Nous les accueillerons d’autant plus sereinement chez nous !

Merci à l’Eglise en France, en Hollande, Espagne, Italie, Belgique, Allemagne, pour ce qu’Elle fait déjà, pour son soutien moral et spirituel. L’Eglise peut faire pression sur le gouvernement. Si Elle intervient, il sera plus facile d’identifier les responsables dans la situation dramatique que nous vivons et de réveiller quelque chose en eux.

 

L’Eglise et l’Année de la foi en RDC

La RDC est cinq fois plus grande que la France avec une population de 67 millions d’habitants. Elle compte 47 diocèses. Celui de Bukavu est le plus petit : 8800 km² !  Il s’appuie sur 181 prêtres pour ses 2 millions d’habitants. La plupart d’entre eux ont moins de 55 ans. Avec 45% de catholiques dans le pays, l’Eglise est une « référence de qualité » face à de nombreuses sectes.

L’Eglise en RDC est jeune. Le diocèse de Goma date de 1959 et celui d’Uvira de 1962. Pour cette Année de la foi, alors que l’Europe parle de Nouvelle Evangélisation, l’Eglise en RDC insiste sur « l’évangélisation en profondeur ». Il existe encore du fétichisme et de l’animisme.

En 1961, des communautés de base sont créées, appelées « secteurs ». Leur but est de faire vivre l’Eglise sur un territoire malgré le manque de prêtre. Pour les 50 ans de cette organisation, le thème était « la redynamisation des communautés ecclésiales vivantes ». Les activités se sont multipliées et les thèmes donnés par le Saint-Père ont été approfondis à travers des catéchèses. Une centaine d’enfants sont baptisés dans les paroisses. Pour l’année jubilaire, 1026 enfants ont reçu le baptême !
 

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